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14 déc. 2014

Plasticiens, les fantômes de l'art.

Alors que ces derniers mois les intermittents du spectacle manifestaient pour sauvegarder un régime toujours plus instable, les artistes plasticiens, eux, ne se sont pas montrés. Pour cause : en plus de pâtir de la précarité et de difficultés financières, ils ne possèdent aucun statut au contraire des musiciens, acteurs et autres danseurs.
Tout esprit créatif rêve de vivre de son art. Mais voilà, être artiste au XXIe siècle est surtout synonyme de galère et de débrouille, dans un monde où il est monnaie courante de faire des plasticiens les "esclaves" créateurs des temps modernes, au service des grandes institutions. Et ce n'est pas leur statut social qui l'empêchera.

De statut d'ailleurs, ils n'ont point : ils sont considérés par Pôle emploi comme travailleurs indépendants au même titre qu'un plombier ou qu'un programmateur informatique. Pourtant, leur activité et surtout leurs revenus ne sont pas comparables. Un plasticien a pour principal salaire la recette des ventes de ses œuvres, le temps de recherche et de création ou encore les expositions étant rarement monnayés. Pour le fisc, les artistes sont donc des libéraux puisqu'ils travaillent en indépendants et que leur production comporte une dominante intellectuelle.
Pour avoir une reconnaissance légale en France, les peintres, les sculpteurs et autres vidéastes doivent s'inscrire à la MDA, Maison des artistes, organisme indépendant agréé de protection sociale, ce qui leur permet de pouvoir exercer la fameuse activité de vente (il faut également faire une démarche fiscale pour obtenir un numéro Siren-Siret, identifiant légal pour une activité économique).  Mais la MDA est surtout utile à la poignée de plasticiens qui gagnent bien leur vie en France. Pour la majorité il n'y a que le RSA, ou un travail d'appoint si on peut en trouver pour survivre.

Sauf que le RSA est bien trop souvent tout ce qu’ont ces créateurs. Selon le Comité des artistes-auteurs plasticiens, organisation syndicale nationale, plus de la moitié des plasticiens vivraient sous le seuil de pauvreté, avec un revenu médian deux fois plus faible que celui des salariés "lambda". D’où la nécessité d’élargir son champ d’activité. . Car les conditions émises par la Maison des artistes pour être affilé et pouvoir bénéficier des droits nécessitent de déclarer au minium un bénéfice de 900 fois le smic horaire par an, soit 8 577 €. Dans le cas contraire, l'artiste est assujetti et aucune ouverture de droit ne lui est accordée alors qu'il doit cotiser.

Trouver un emploi est déjà difficile dans un contexte économique particulièrement austère. De plusn travailler à côté se révèle contraignant et oblige parfois l'artiste à délaisser une part importante de son art. Car le plasticien doit aussi consacrer un temps considérable en démarches de galeristes, d'envoi de dossiers - souvent utopiques - ou de montage d'exposition.
Avec un budget de la Culture en baisse de 2% depuis 2 ans, du jamais vu dans la Vème République, des nombreuses aides publiques aux artistes ont totalement disparu, comme la subvention pour une première exposition par exemple. Les DRAC (Direction Régionale de l'Action Culturelle) ont un budget qui leur permet à peine d'entretenir un patrimoine.

Car si l'artiste peut tirer un bon profit sur la vente d'une œuvre (suivant la cote sur le marché de l'art), la situation est bien différente pour une exposition. L'ensemble des intervenants est logiquement payé pour la préparation et le déroulement de l'événement, sauf l'artiste, auteur de ce que l'on vient voir. Paradoxe ultime du monde de l'art, les institutions considèrent que c'est une chance pour un artiste d'exposer.
Bien souvent même, l'artiste, pour exposer doit payer une contribution de sa poche :
- de nombreuses galeries ou associations "offrent" leurs murs contre rétribution, dont les montants sont souvent inappropriés avec le statut des artistes
- des appels d'offre, sous forme de concours engendrent des frais qui ne sont ni remboursés ni valorisés pour les artistes : montage et envoi de dossiers (un joli dossier avec des impressions de qualité coûte cher) qui n'est jamais retourné, paiement d'une somme forfairaire obligatoire, que l'artiste soit sélectionné ou pas, "jury" fantaisiste composé de copains ou copines..


En France, il est donc malheureusement convenu de ne pas payer un artiste pour son exposition, même quand les structures en auraient les moyens. D'autres modèles existent à l'étranger, avec par exemple des grilles tarifaires pour rémunérer les artistes lors des expositions. Quant aux galeristes, qui sont pour la plupart dans le domaine privé à l’inverse des institutions précitées, ils sont souvent dans le même cas que les artistes, vivant uniquement de la vente des œuvres qu'ils présentent, avec une part qui varie selon les contrats. Et le marché de l'art étant fortement basé sur la spéculation, les un et les autres tentent de créer un réseau de « fidèles » pour (sur)vivre, avec ou sans statut.