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22 févr. 2010

J'arrive où je suis étranger - Louis Aragon




Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger

Un jour tu passes la frontière
D'où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu'importe et qu'importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon
Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l'enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C'est le grand jour qui se fait vieux
Les arbres sont beaux en automne
Mais l'enfant qu'est-il devenu
Je me regarde et je m'étonne
De ce voyageur inconnu
De son visage et ses pieds nus
Peu a peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d'antan
Tomber la poussière du temps

C'est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C'est comme une eau froide qui monte
C'est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu'on corroie
C'est long d'être un homme une chose
C'est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux
O mer amère ô mer profonde
Quelle est l'heure de tes marées
Combien faut-il d'années-secondes
A l'homme pour l'homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées
Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger

21 févr. 2010

Exode - le rêve


Il est un plateau du Lot et Garonne, une île en forme de maison de pierres où souvent débarquent les amis. L'hiver, face à une flambée qui veille en permanence, l'été autour d'un pichet sous la tonnelle.
Les gendres sont des Antilles, et de Lifou, les convives, d'Italie, du Maroc, d'Espagne, de Pornic et de bien d'autres ailleurs.
Sur cette île singulière, tous viennent d'une autre terre, aucun ne subit l'exil.
Le seul exode qui soit est celui des vacances.
Aux jours heureux, on oublie d'où on vient pour faire de chaque instant sa nouvelle patrie.
Mehdi LALLAOUI, exils, errances, exodes.

Exode - Pardonner?


Je vais essayer mes frères, de donner le pardon, d'abord au nom de nos vieux qui ont été brûlés dans les camps ou dévorés par les chiens. C'est pire que la mort. J'accorde le pardon à toutes ces bêtes noires qui ont humilié et exterminé mon peuple; Pour tous ces collabos, ce n'est pas facile, pour toutes ses fausses Assistantes Sociales qui venaient voir nos petits enfants, faisaient des dossiers et les enlevaient à leur racine, ce n'est pas facile.

Pour ces maires qui expulsent dans ménagement, pardon, mais pour ceux qui nous permettent de rester longtemps, un grand merci.
Pour ceux qui ont créé les carnets anthropométriques, nous obligeant à laisser nos empreintes dès lâge de 12 ans, comme si nous étions des criminels...
Pour ceux qui veulent nous instruire et nous laissent au fond de la classe en disant : on n'a pas le temps de vous apprendre, car vous ne resterez pas longrtemps. Forcément en 24 heures on a pas le temps d'apprendre grand chose.

Pardon pour ceux qui font les lois qui soi-disant nous aident à mieux voyager.

Joseph Stimbach, in Reflexions d'un manouche, aux Editions l'Harmattan - 2004

Exode - la valise


Ma valise est mon seul mobilier.
Elle est armoire et oreiller. Elle est au pied, mon chien fidèle, pas de susucre, ni besoin de la siffler.
Toujours à mes cotés. Elle peut être escabeau, tabouret, bouclier, table pour manger.
Lorsque j'écris, c'est mon secretaire.
Ouverte, ma garde-robe, mon salon, ma malle à trésor, ma bibliothèque, mon album photo.
Jamais ma bicyclette !
Au bord des pays, fonctionnaires au coeur de pierre, militaires de carrière, douaniers véléitaires... au choix. Ils n'ont jamais de cesse pour grapiller un peu de monnaie, de fouiller ma valise, perquisitionner mon intimité, mettre à nu mon identité.

Mehdi Lallaoui - Au nom de la mémoire - 2003

Exode - par M. Darwich


A l’âme de descendre de sa monture
Et de marcher sur ses pieds de soie
A mes côtés, mais dans la main, tels deux amis
De longue date, qui se partagent le pain ancien
Et le verre de vin antique
Que nous traversions ensemble cette route
Ensuite nos jours emprunteront des directions différentes :
Moi, au-delà de la nature, quant à elle,
Elle choisira de s’accroupir sur un rocher élevé.
Du ciel. Et d’autres choses aux souvenirs suspendus
Révèlent que ce matin est puissant splendide,
Et que nous sommes les invités de l’éternité.

Mahmoud Darwich (1941 - 2008) est considéré comme le plus grand poète arabe contemporain. Militant pour la paix entre Israel et la Palestine, il aura connu les exils, les tourments, le désespoir. Ses poèmes ont été repris par de nombreux chanteurs du monde arabe.
Ses oeuvres sont publiées chez Actes Sud (collection Simbad).

Exodes - Douleurs



Les seuls qui savent pourquoi, parfois, on a envie de se noyer le soir, ce sont les migrants.
Quand on a pas été emigrant, on ne connait pas grand chose à la douleur. La vraie douleur, c'est quand on est seul, qu'on a quitté sa patrie, et qu'on va ailleurs, les yeux ouverts, en espérant non pas de triompher mais de vivre.
Fréderic Rossif.

**********************
J'ai mal à la mer.
La portière du métro claque. Où est le cordon ?
La nostalgie est une ordonnance médicale.
Coeur balafré par les enclumes d'Alger,
cherche une enfance complice dans le passage du vent et du passant.
La pub est souriante dans ces paysages désolés.
Le thé est une danse du ventre.
Le souvenir, l'expérience, la mort.
Le métro se ferme sur sa nuit soliloque.
Le soleil est un rendez-vous manqué avec une princesse masquée.
Je voisine avec d'autres solitudes, sur un quai incertain.
Ma valise trône à coté du lit, il me semble parfois qu'elle me définit.


Dahmane Alban Boukelif
Poéte algérien, ces écrits sont parus dans la revue Algérie Littérature Action (http://www.algerie-litterature.com/new.htm)

Exodes - la ville


Ta ville te poursuivra toujours car tu ne trouveras pas de nouveaux pays tu ne trouveras pas de nouveaux rivages Ta ville te poursuivra toujours et aucun bateau ne t'emmènera jamais loin de toi.

Constantin Cavafy (1863-1933) est considéré comme le poète grec "moderne". Grand voyageur la plupart de ses publications sont posthumes. Vous les trouverez chez Gallimard.

Exodes - Pétale du monde



Dans mon ventre
une larme
gonfle d'un pays
de chochane

Une fleur aux pétales
de Néguev et de Massada,
aux perles de Banias
et au coeur de Kotel

Qu'elle s'ouvre ma rose, et quitte Babylone,
aux pétales du monde
aux pétales des frères.

Comment chanterions-nous
sur une terre étrangère ?

L'amour au-delà de l'amour - Yehoshua Rahamim Dufour

Exodes - par N. Berberova


On disait que les trains ne circulaient pas, que les journaux n'étaient pas paru, qu'on ne pouvait pas entrer dans Paris et que ceux qui en étaient partis se trouvaient en chemin depuis bientôt 2 jours. Tout le village se mettait en route. Ceux qui la veille encore condamnaient les gens que la peur poussait à s'enfuir, étaient eux-mêmes en train de charger leurs affaires sur des chariots, des automobiles, et des poussettes.
Une rimbambelle de gamins s'enfuyaient à bicyclette.
Le long de la grand-route qui passait à un kilomètre du village, les chariots et les voitures avançaient à trois le front. Pendant la journée, on entendit toutes sortes de rumeurs, des coups de canons incessants, des plus en plus proches , des aéroplanes argentés, qui passaient haut dans le ciel.


Nina Berberova (1901-1993) - Récits de l'Exil -
Collection Babel, Actes Sud

Exodes - par J. Prévert



Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
hommes des pays loin
cobayes des colonies
Doux petits musiciens

soleils adolescents de la porte d’Italie
Boumians de la porte de Saint-Ouen
Apatrides d’Aubervilliers
brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris
ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied
au beau milieu des rues
Tunisiens de Grenelle
embauchés débauchés
manœuvres désœuvrés
Polacks du Marais du Temple des Rosiers

Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
pêcheurs des Baléares ou bien du Finisterre
rescapés de Franco
et déportés de France et de Navarre
pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
la liberté des autres

Esclaves noirs de Fréjus
tiraillés et parqués
au bord d’une petite mer
où peu vous vous baignez

Esclaves noirs de Fréjus
qui évoquez chaque soir
dans les locaux disciplinaires
avec une vieille boîte à cigares
et quelques bouts de fil de fer
tous les échos de vos villages
tous les oiseaux de vos forêts
et ne venez dans la capitale
que pour fêter au pas cadencé
la prise de la Bastille le quatorze juillet

Enfants du Sénégal
dépatriés expatriés et naturalisés

Enfants indochinois
jongleurs aux innocents couteaux
qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
de jolis dragons d’or faits de papier plié
Enfants trop tôt grandis et si vite en allés
qui dormez aujourd’hui de retour au pays
le visage dans la terre
et des bombes incendiaires labourant vos rizières

On vous a renvoyé
la monnaie de vos papiers dorés
on vous a retourné
vos petits couteaux dans le dos

Étranges étrangers
Vous êtes de la ville
vous êtes de sa vie
même si mal en vivez
même si vous en mourez.

Jacques Prévert,
Grand bal du printemps (La Guilde du Livre,1951 ; Éditions Gallimard,1976 )

Exodes - l'exil est rond


L’exil est rond
Un cercle, un anneau :
tes pieds en font le tour,
tu traverses la terre,
Et ce n’est pas la terre
Le jour s’éveille et
Ce n’est pas le tien,
la nuit arrive :
Il manque tes étoiles
Tu te trouves des frères,
Mais ce n’est pas ton sang.
Pablo Néruda - Chants libres d'Amérique Latine - Editions Gallimard.
Le plus célèbre des poètes chiliens (1904-1973) était aussi un homme engagé qui s'exila en Europe et en Urss pour fuir la dictature de Videla. Prix nobel de littérature en 1971, sa maison est incendiée et ses oeuvres brulées par Pinochet après son coup d'état de 1973.

Exodes - Inhumanité


Que nous restera-t-il de l'humanité ?
Lorsque nous aurons, à l'abri, posé nos maigres effets
lorsque reviendront nos récits ballottés
ramper sous le barbelé, tromper la frontière,
passer de l'autre coté
train de nuit sans sommeil
contrôle d'inhumanité

Que nous restera-t-il de ces jours d'errance ?
Lorsque nous aurons dans la boue
ensevelis nos maigres squelettes ?


Mehdi Lallaoui, Exils exodes errances, éditions Au nom de la mémoire 2003/
M.Lallaoui est écrivain, cinéaste et poète.

Exode - l'émigrant


Le chapeau à la main il entra du pied droit
Chez un tailleur très chic et fournisseur du roi
Ce commerçant venait de couper quelques têtes
De mannequins vêtus comme il faut qu'on se vête

La foule en tous les sens remuait en mêlant
Des ombres sans amour qui se traînaient par terre
Et des mains vers le ciel pleins de lacs de lumière
S'envolaient quelquefois comme des oiseaux blancs

        Mon bateau partira demain pour l'Amérique

Et je ne reviendrai jamais

Avec l'argent gagné dans les prairies lyriques

Guider mon ombre aveugle en ces rues que j'aimais

Car revenir c'est bon pour un soldat des Indes
Les boursiers ont vendu tous mes crachats d'or fin
Mais habillé de neuf je veux dormir enfin
Sous des arbres pleins d'oiseaux muets et de singes

Les mannequins pour lui s'étant déshabillés
Battirent leurs habits puis les lui essayèrent
Le vêtement d'un lord mort sans avoir payé
Au rabais l'habilla comme un millionnaire

Au dehors les années
Regardaient la vitrine
Les mannequins victimes
Et passaient enchaînées

Intercalées dans l'an c'étaient les journées neuves
Les vendredis sanglants et lents d'enterrements
De blancs et de tout noirs vaincus des cieux qui pleuvent
Quand la femme du diable a battu son amant

Puis dans un port d'automne aux feuilles indécises

Quand les mains de la foule y feuillolaient aussi

Sur le pont du vaisseau il posa sa valise

Et s'assit

Les vents de l'Océan en soufflant leurs menaces
Laissaient dans ses cheveux de longs baisers mouillés
Des émigrants tendaient vers le port leurs mains lasses
Et d'autres en pleurant s'étaient agenouillés

Il regarda longtemps les rives qui moururent
Seuls des bateaux d'enfant tremblaient à l'horizon
Un tout petit bouquet flottant à l'aventure
Couvrit l'Océan d'une immense floraison

Il aurait voulu ce bouquet comme la gloire

Jouer dans d'autres mers parmi tous les dauphins

Et l'on tissait dans sa mémoire

Une tapisserie sans fin

Qui figurait son histoire

                 Mais pour noyer changées en poux

Ces tisseuses têtues qui sans cesse interrogent

Il se maria comme un doge

Aux cris d'une sirène moderne sans époux

Gonfle-toi vers la nuit O Mer Les yeux des squales
Jusqu'à l'aube ont guetté de loin avidement
Des cadavres de jours rongés par les étoiles
Parmi le bruit des flots et les derniers serments

Guillaume Apollinaire. Alcools, Editions Gallimard.

Exil : action d'expulser quelqu'un hors de sa patrie (définition du dictionnaire Hachette 2008)

A l'heure où nous parlons débat sur l'identité nationale, il est bon de se rappeler que notre pays s'est toujours revendiqué "terre d'accueil".
La "différence" enrichit, est source de rêve et de voyages.
Voici une série métisse de textes et d'illustration, pour mieux s'aimer.

Exodes - tu es l'étranger -



Tu es l'étranger. Et moi ?
Je suis pour toi l'étranger.
Et toi ?

La question : "qui suis-je ?" n'a, pour moi, aucun sens. Elle n'a jamais effleuré mon esprit. Peut-être parce que l'identité qui n'est que le besoin légitime d'avoir un visage à exhiber n'est, en fait, que le désir, condamné à rester à l'état du désir, d'une affirmation de nous-même constamment différée ; c'est qu'il ne peut y avoir identité que dans la permanence et celle-ci est toute relative, étant passage d'une identité cernée à une autre, entrevue avant d'être, à son tour, circonscrite.

Edmond Jabès, Le livre des ressemblances, Gallimard

E. Jabès est un écrivain (1912-1991). Marqué par la second guerre mondiale, exilé en France en 1956, c'est le poète de l'exode, et des questionnements sur l'identité.