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26 févr. 2010

L'art des Dogons 9/9




Bede, le masque de jeune fille
Ces masques représentants des jeunes filles, ne sont pas en bois, mais en fibres tressées recouvertes de cauris. On les reconnait à leur forme de cagoule ou de bonnet, ornés de plumes, de perles, et de coiffes recherchées et des coquillages cauris.
Selon le mythe, la juene Yabêzé fut tuée par un lion. Les hommes de sa famille massacrèrent l'animal et avec l'une de ses épaules construisirent une borne entourée de fibres. De cette borne dépassait un morceau de bois, destiné à retenir le nyama (l'esprit) du lion. Ainsi les chasseurs étaient protégés. Plus tard les chasseurs confectionnnèrent une cagoule de fibres représentant la jeune fille tuée, que l'on nomma Bede afin de protéger les vivants du nyama de la morte.
"Masque Bede sème les arachides, ne cultive pas le mil.
Masque Bede ne va pas de ce côté, sème les arachides" (chant Dogon)
Le masque Yagule représente aussi la jeune femme chez les Dogons. Il se différencie du masque Bede par une abondante chevelure en fibre. Ce masque loue la beauté des femes

Sirige
Dit long haut ou awa domu, ce masque est comparé à une maison à un étage, comme seul les chefs peuvent en posséder. Taillé dans un seul tronc d'arbre, le masque est surmonté d'une planche pouvant atteindre les 5 mètres de haut, alternant des éléments décorés et peints de motifs géométriques rouge et blanc et de parties évidées. Cette planche symbolise soit un sintandu, un esprit, soit un grand serpent. Ce masque est souvent comparé au Grand Masque emblème de chaque village, et sortant lors des sigis.
Selon la légende, un berger suprit une cérémonie Andouboulou (le peuple mythique occupant le pays Dogon). Un des hommes portaient sur leur tête un très long morceau de bois peint. Rentré chez lui, le berger raconta à son père la cérémonie et dessina sur un rocher l'objet. Son père décida de tailler un masque et le décora de lignes géométriques figurant Sintadu, le génie mâle que le berger avait vu danser.
C'est l'un des rares masques dogon qui ne protège pas contre le nyama néfaste d'une créature, mais qui est protecteur de toute la communauté

Lebe
Ce masque représente un crane humain et aussi la tête d'un serpent. Il existe très peu de représentation de ce masque, qui était peint en rouge.
Il est rattaché au mythe de Lébé Sirou, l'un des quatres ancêtres mythiques du peuple dogon. Lébé donna naissance à deux garçons qui furent chacun les ancêtres d'une tribu. A cette époque les hommes étaient immortels : au bout d'un certain temps de vie, ils se transformaient en serpents, puis en génies. Malheureusement l'un des fils de Lebe mourut sous sa forme de serpent, sans avoir pu devenir génie. Plus tard Lebe mourut sans avoir pu devenir serpent et fut enterré. Avant leur grande migration du pays mandé aux falaises maliennes, les dogons souhaitèrent emmener avec eux les ossements de leur ancètre. Mais quand ils ouvrirent la tombe, au lieu de restes humains, ils trouvèrent un serpent vivant qui leur montra le chemin. L'ancêtre Lebe avait ressucité sous cette forme de serpent. Ce mythe est fondateur de l'histoire des dogons. Le masque Lebe a été taillé pour rendre hommage au grand ancêtre.
On nomme aussi Lebe Satimbe des masques surmonté d'une statuette de bois, qui représente la première femme yasigine, c'est à dire "la soeur des masques, sorte de prétresse à avoir un rôle important dans les cérémonies du sigi et dans les rites de l'awa. Son rôle consiste à donner à boire aux danseurs. Selon le mythe, le premier masque fut sculpté par un andoumboulou pour rendre hommage à la beauté d'une jeune fille de son village.


Bibliographie non exhaustive
- Marcel Griaude, Masques Dogons, aux édtions Fata Morgana - 1994
- Marcel Griaude, Descente du troisième verbe, aux éditions Fata Morgana - 1996
- Marcel Griaude, Dieu d'eau, aux éditions Fayard - 1966
- Geneviève Calame-Griaude, La parole chez les Dogons - Gallimard 1987. Egalement le délicieux Contes Dogons du Mali, aux éditions Karthala.
- Michel Leiris : Miroir de l'Afrique aux éditions Gallimard
- Anne Doquet, les masques dogons, ethnologie savante et ethnologie autochtone - Editions Karthala - 1999

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Kanaga
Il s'agit d'un des masques les plus importants, en raison des nombreux symboles dont il est l'image, et des nombreuses cérémonies où il est présent. Si la face est sommaire, avec deux évidements occulaires et des oreilles-cornes, elle est surmontée d'une forme évoquant la croix de Lorraine.

Les dogons racontent qu'un sculpteur coupa un arbre pour tailler un masque. L'homme tomba malade. Le devin lui revéla que l'arbre était le siège d'un génie femelle et lui conseilla de tailler le masque à son image. Une autre légende explique qu'un chasseur tua un komolo tebu, un oiseau aux longues ailes. Pour se prémunir du nyama néfaste de l'oiseau mort, il sculpta ses ailes déployées (symbolisées par la croix).
La danse associée est tournoyante et symbolise la vibration de la matière créée par Dieu.
On lui associe aussi Yourougou, le Renard fauteur de troubles dans l'univers. La croix symbolisera alors ses quatre pattes en l'air, implorant le pardon du créateur.

Albarga
Il serait le plus important de tous les masques dogons. Le premier masque taillé l'aurait été par les Andoumboulou, peuple mythique de petits hommes, dont le plus âgé, Albarga fut enlevé par les Dogons auxquels il enseigna l'art de la scupture des masques.
Ce masque représente un veillard, la bouche ouverte ou proéminente, symbole de la parole, de la connaissance.

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A la découverte du graphisme et du symbolisme de quelques masques
Il n'est pas question ici de présenter tous les masques dogons recensés, mais de vous faire découvrir les plus emblématiques.

Gomintogo

Il s'agit d'un des plus anciens masques créé par les Dogons, probablement exécuté par les très jeunes hommes de la société des Masques l'awa. La figure est rectangulaire, percée de deux cavités oculaires et surmontée de deux palmes plates légèrement incurvées à l'avant. Dans certains masques ces palmes sont colorées en blanc et noir. Supposé figurer un animal cervidé, le gomintogo se rattache à un mythe très ancien. Un paysan tue un cerf qui avait ravagé toute sa récolte. Lui ayant coupé la tête, il encastra le crâne dans son autel de chasseur pour se mettre à l'abri des représailles du nyama, l'esprit du cerf. Mais cela ne suffit pas : son fils tomba gravement malade. Les devins conseillèrent alors au paysan de sculpter un masque de bois, auquel il fut offert un sacrifice.
Comme dans toute création de masque dogon, il s'agit de donner un support matériel à une force vitale (le nyama) de tout être vivant ayant trouvé la mort, pour éviter que celle-ci n'erre et venge.
On notera la conception quasi abstraite du masque. Les chants et danses associés permettent d'identifier le masque et son mythe.
Les masques d'antilopes, de gazelle, de lièvre, de bovidé et plus généralement d'animaux sont issus de légendes similaires.

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La fabrication des masques
On distingue deux grandes catégories de masques, les masques cagoules en fibres tressées et les masques en bois. Les masques en fibres tressées ont la forme de cagoules, ils sont de moindre importance.
Les masques peuvent être classés en 6 grandes catégories : mammifères, oiseaux, personnages dogons, reptiles, personnages étrangers et êtres mythiques. Il existe pour chaque catégorie une variété de formes et de réalisations impressionnante.
Chaque masque est la propriété personnelle du membre de l'awa, cette société des masques qui regroupe les hommes. Il est sculpté soit par son propriétaire, soit par un artiste renommé. Et si des modèles types existent, chaque artisan y apporte sa touche personnelle, que ce soit dans la forme, dans le choix des couleurs ou dans les accessoires qui l'accompagnent. Le masque doit être élaboré selon un rituel précis pour retenir le nyama, cette notion dogon qui pourrait correspondre à l'âme.


Une fabrication rituelle
Les jeunes gens doivent tout d'abord collecter les matériaux nécessaires à la fabrication du masques (et des costumes de danse). Les costumes se composent le plus souvent des jupes en fibres noires, jaunes ou rouges, et d'un bandeau poitrinaire orné de cauris (les coquillages traditionnels que l'on trouve sur tout le continent africain). Cette tenue est complétée de bracelets et de ceintures en fibres.

Les arbres sont choisis pour leur tendreté. Avant l'abattage, une cérémonie comportant un sacrifice sanglant (souvent une poule) est donnée pour se protéger du nyama de l'arbre. Un fer sera par ailleurs planté dans le front du masque pour prévenir les éventuelles attaques du nyama.
Une fois le masque taillé, l'artisan applique les couleurs. Un masque doit être "beau" et la notion de beauté inclut la couleur. Le noir, le rouge et le blanc obtenus à partir de végétaux et de minéraux sont traditionnellement utilisés. Mais depuis l'apparition des pigments synthétiques, la palette s'est élargie.
Les masques et les costumes sont conservés dans des abris rocheux à l'extérieur du village, loin de la vue des femmes et des enfants. Les masques jugés trop vieux, usés sont abandonnés, et se détruisent, rongés par les vers. On les retrouve toutefois aujourd'hui sur le marché de l'art.


Une liberté d'expression
Hormis les rituels qui tiennent plus du cérémonial que d'une codification précise, nous l'avons dit, les sculpteurs sont libres d'inventer et de renouveller les formes. Ainsi le masque du lièvre sera très différent selon l'inspiration et le savoir faire de l'artisan.
Sensibles à la beauté, les Dogons n'hésitent pas à multiplier les représentations. Leur langue comporte d'ailleurs un vocabulaire très spécifique, se référant à des données esthétiques et plastiques. La beauté d'un masque renforce son pouvoir. Des couleurs éclatantes, des formes originales (certains masques tout en évoquant un animal ou une créature précise sont presque abstrait), des costumes recherchés concourent à la beauté et à l'efficacité du masque, qui sera applaudi et fêter.

On croit souvent que l'art africain est anonyme, parce que les noms des grands sculpteurs ne sont par parvenus jusqu'à nous. Il y a des grands artistes en pays dogon, qui travaillent à renouveler leur art, et à proposer de nouvelles interprétations des mythes et légendes. De plus sachant que leurs masques sont très recherchés sur le marché de l'art ou par les musées, les sculpteurs insistent sur les qualités esthétiques, sans toutefois perdre de vue que la fonction première du masque est religieuse.

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La société des masques, l'awa, composée d'initiés, officie pour de nombreuses cérémonies qui règulent la vie des Dogons. La plus important des fêtes, le Sigi, dure 7 ans, et célèbre le renouveau des générations. Le sigi a lieu tous les 60 ans, le dernier s'est déroulé de 1697 à 1974.
Les Dogons attachent une importance particulière aux rites funéraires. La mort est la plus grande perturbation subie par la société Dogon, et les rites ont pour fonction de rétablir l'ordre social et des bonnes relations entre le monde des vivants et celui des morts.

Les funérailles
Les funérailles ont pour but d'éloigner provisoirement la question de la mort. Le cadavre, élément de contagion, est éloigné de la communauté, mais l'âme du défunt continue de vivre dans la communauté pendant la temps du deuil.
Les masques sont conviés lors des cérémonies d'inhumation qui seront d'autant plus importantes que le défunt était célèbre : prêtre, veillard, chef. Les cérémonies sont accompagnées de chants rituels, d'oraisons en langue secrète, de combats, de prières pendant deux jours et deux nuits.

Le dama
Considéré comme la fin du deuil, il a lieu plus tard dans le temps, jusqu'à deux ans après le décès. Il s'agit de restaurer l'ordre des choses dans le groupe qui subit le deuil, mais aussi d'accompagner l'âme du défunt dans l'Au-delà. Le dama marque aussi la fin des interdits sociaux liés au deuil. Selon les croyances des Dogons, il n'est pas bon de laisser des âmes errer dans le village ; elle pourraient entrainer sur le chemin de la mort les humains.
Si le dama est une cérémonie obligatoire pour tous les morts, il est codifié selon la position sociale.
Le grand dama, organisé pour la mort des hommes et de quelques femmes célèbres, sera faste : profusion de nourriture et d'alcool, cérémonies nombreuses et fabrication obligatoire de nouveaux masques.
Le petit dama concerne les pauvres et se limite à quelques cérémonies.
Cérémonie coûteuse en denrées et en bières de mil, les familles se regroupent pour organiser les damas, tous les 3 ou 5 ans.


Un rite codifié
Le dama comporte trois phases : l'organisation matérielle, notamment la préparation des repas et des boissons qui seront offerts à la communauté, la taille des masques et la confection des costumes de danse, et la cérémonie proprement dite. Le dama peut durer de quelques heures à 6 jours.
A chaque phase correspond des prières et des offrandes pour s'assurer des protections divines.
Le début du dama est annoncé par des rythmes joués sur les tambours. Puis les hommes sortent avec leur masque et se déplacent dans le village, en dansant et en chantant en langue secrète.
Pendant la période de dama, les interdits sont nombreux : interdiction de relations sexuelles pour les danseurs, interdiction de prononcer le nom du danseur et même de l'identifier sous son masque et autres interdits permettent de s'assurer de l'engagement de la communauté.

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De l'étude des masques rituels.
On doit la découverte des fabuleux masques dogons aux missions de recherches archéologiques et ethnographiques qui commencèrent au début du 20ième siècle.
En 1931, à l'initiative du Muséum national d'Hisoire Naturelle, une mission d'envergure font confiée à Marcel Griaude (la mission Djibouti-Dakar), et a donné lieu à un minitieux travail d'ethnologie. Le Docteur Griaude publia en 1938 une thèse sur les Masques Dogons, des mythes au langage spécifique des initiés le sigi so. Il a aussi étudié les différentes catégories de masques en les replacant dans leur contexte mythique et symbolique, mais sans nier le pouvoir créateur des sculpteurs. Marce Griaude explique aussi la théorie dogon de l'aura, qui à travers des rituels et des croyances diverses donne un sens spirituel à la vie et assure la cohésion sociale et la pérennité de peuple. Les artistes sont initiés à l'aura, ce qui ne les empêche pas de renouveler leur savoir faire et de rechercher d'autres formes plastiques.
Conscients de la mort, de la décomposition des corps, les Dogons cherchent avant tout à durer. En ce sens, comme l'a démontré Marcel Griaude l'art est une lutte contre la pourriture, le temps qui passe, la mort, physique et spirituelle de l'âme.
Marcel Griaude retournera en 1935 et en 1937 au Mali pour poursuivre ses études.

La société des Masques
Dans les régions de la falaise, tous les hommes adhèrent à la religion traditionnelle, l'awa. Ce terme désigne à la fois les costumes, les masques et l'ensemble des sociétaires.
Après la circoncision, le jeune homme est initié aux mythes des masques par ses aînés. Il ne pourra commencer à porter le masque qui lui correspond qu'après deux ans d'initiation, vers l'âge de 15 ans.
La société awa est hiérarchisée par l'âge. Les vieillards (mulono) forment un conseil de sages et transmettent leurs savoirs aux initiés (Olubaru) qui sont les chefs de la société des masques et qui assureront la pérennité des savoirs après la mort des anciens. Mais si les jeunes sont en bas de la hiérachie, pour maintenir un équilibre, ils ont rôle important de danseurs. L'awa est interdit aux femmes, à l'exception de la yasigine. On raconte que la femme mythique Yagemme introduisit les masques chez les hommes.

La légende de l'apparition des masques
Avant la migration qui fit quitter le pays mandé aux Dogons, une jeune fille s'éloigna du campement. Elle surprit les Andoumboulous, très petits hommes aujourd'hui disparus, qui fétaient leurs morts. Ces hommes étaient vétus de fibres rouges et portaient des masques en écorces ou en bois. La jeune femme chassa les petits hommes, et blessa le plus âgé, Albarga, qui ne peut s'enfuir. Elle vola les masques et les costumes. Rentrée chez elle, elle cacha son butin mais son mari lui reprit de force. Les hommes pensèrent que les masques des Andoumboulous étaient un moyen de domination sur les femmes. Ils se rendirent au camp des petits hommes et emmenèrent le viel Albarga qui délivra sa connaissance des masques.
Albarga expliqua aux jeunes dogons le danger de revêtir des masques sans initiation. Transformé en serpent, il surprit des jeunes en train de transgresser l'interdit et les insulta en utilisant la langue dogon et non la langue des esprits. Transgressant lui-même l'ordre établi, il perdit son pouvoir surnaturel et mourut, introduisant la mort dans le monde. Il envoya sur terre son "fantôme", le nyama. Pour le conjurer, il fallut tailler un grand masque, faire des offrandes et danser. Ainsi eut lieu le premier sigi.

Le nyama est une énergie impersonnelle, inconsciente, repartie dans toute chose : humains, animaux, végétaux, esprits. On pourrait parler d'âme même si le concept du nyama est plus subtil, parce qu'il comporte une notion d'équilibre et d'harmonie. Le nyama augmente avec l'âge.
Quand les hommes ont cessé d'être immortels, ils devinrent susceptible d'impureté et leur nyama perdit de sa force. Il ne fut plus capable de se défendre contre les nyamas des animaux chassés par les hommes. Sur les conseils des devins, les Dogons fabriquèrent alors des masques à l'image des animaux pour se protéger et faire circuler le nyama. De même lors des guerres, des masques de ennemis défunts furent sculptés. Pour fixer le nyama des défunts, les dogons sculptèrent aussi des masques pour les cérémonies du Dama qui est un rite funéraire qui a lieu après les cérémonies de funérailles et qui vise à accompagner le défunt dans l'au-délà, auprès de ses ancêtres.

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La révélation de la parole
Les premiers humains s'exprimaient par des cris et des grognements. Ils reçurent la parole de Nommo, le fils du dieu créateur Amma. La légende raconte que Nommo tissait des fils de coton en utilisant sa langue fouchue comme navette. Ce faisant , il parlait et sa parole se fixa dans le tissu, soy en dogon qui veut aussi dire parole. Le premier prêtre Binou Sérou la repercuta sur son tambour et la communiqua aux hommes.


Les dogons ont une conception très précise de la manière dont la parole se forme dans le corps. Ils assimilent les dents à la navette du tisserand. La parole est composée des quatres éléments primordiaux (feu, terre, air, eau). Elle chemine dans l'air suivant une ligne hélicoïdale qui est celle de la vibration. Elle entre ensuite dans l'oreille de l'auditeur se condense et devient eau qui irrigue le corps.
Les Dogons attachent une grande importance à la voix, et les échanges verbaux sont codifiés : formules de politesse, emploi réglementé des noms de famille, interdits. La parole "douce" résoud les conflits, et facilite la vie sociale. Ue voix nasale est associée à la mort, la mort étant la non-parole.

La parole et la voix sont aussi régulateurs des relations hommes-femmes. La femme est vénérée en raison de son pouvoir fécond. Elle est donneuse de vie, pourvoyeuse d'eau et de nourriture. Mais on la considère aussi comme responsable des conflits et des querelles qui troublent l'ordre social, en liaison avec l'inceste de la légende. Toutefois le peuple dogon préconise la "bonne parole" entre les époux, l'harmonie. Les bijoux rituels (anneaux de nez, de lèvres, boucles d'oreilles) protègent contre les mauvaises paroles. Culturellement les Dogons sont bigames, avoir plusieurs femmes et donc plusieurs enfants assurant la survie du clan.

L'organisation totemique
Les 4 jumeaux descendus avec l'Arche fondèrent le peuple dogon, et ces quatre institutions.
Le premier jumeau Amma Sérou, représentant l'élément air fonda l'ordre des patriarches ou du chef, qui doit honorer l'autel des ancêtres qui est présent dans sa grande maison.
Le second jumeau Binou Sérou, élément eau, fonda l'ordre des prêtres qui honoreront les ancêtres totemiques.Chaque clan doit respecter un "ancêtre" symbolisé par un animal ou un végétal.
Le troisième jumeau Lébé Sérou qui mourut et ressucita sous la forme d'un grand serpent est associé à la terre et au cycle des saisons. Son prêtre, le Hogon est le plus vieil homme de la tribu, sorte d'autorité morale et religieuse qui veillera aux respects des cultes des semaillles. Même si son autorité est vaste, il protège et conseille l'ordre des cultivateurs.
Enfin le dernier jumeau Dyongou Sérou, élément feu, est aussi le premier humain à avoir fauté. C'était aussi le dépositaire de la médecine (et donc des plantes médicinales et autres rites de soin) qui fondera l'ordre desguérisseurs. Son culte est célébré par la société des Masques. Chaque garçon entre dans la société des masques après la cérémonie de la circonsition. Les femmes en sont exclues. Dyongou est associé à Yourougou, le Renard Mythique, qui provoqua le désordre. L'anniversaire de la mort de Dyongou est commémoré tous les 60 ans, lors d'une cérémonie spectaculaire nommée Sigui. La dernière a eu lieu en 1974. Elle marque le renouvellement des générations. Chants, danses, port des masques rituels se succèdent.

Enfin le Renard Yourougou est également fêté et honoré dans sa fonction divinatoire. Il possède son autel et des tables de divination que consultent les devins.

L'équilibre du monde
Pour les Dogons, le monde est porteur de sens. La parole a été donnée à l'homme par le Dieu Créateur. Il y aussi l'autre parole, la "parole invisible" qui s'exprime dans les formes de la nature et que l'homme doit apprendre à connaître et interpréter.
Les dogons répartissent les éléments du monde en 24 familles, ce chiffre étant fondé sur un découpage symbolique du corps humain. Il y a 24 familles de plantes, d'animaux, d'insectes, mais aussi de tissus ou de rythmes musicaux. Les voix humaines sont aussi classifiées, les 24 bonnes paroles sont associées au jumeau Nommo (les voix douces, les remerciements, les confidences), les 24 mauvaises à son frère Yourougou (les mensonges, les fausses promesses, les voix nasales, les contradictions). Chaque parole est associée à un animal, à une plante, à un mythe et à un signe graphique.

Les Dogons pensent que le dieu créateur a mis un ordre dans l'Univers et que cet ordre est régi par des lois que l'homme doit respecter, pour maintenir l'équilibre. Tous les mythes, toutes les cérémonies visent à préserver le grand équilibre cosmique, mais aussi à expliquer à l'homme la place qu'il occupe dans ce monde.

L'art des Dogons 1/9


Le peuple Dogon du Mali ne cesse de nous fasciner, par ses mythes, ses rites et le magnifique paysage dans lequel ils évoluent. La société des masques et le culte des morts restent aujourd'hui encore très vivants, entraînant de nombreuses créations plastiques. Si le sculpteur Dogon d'aujourd'hui ne dipose plus des modèles anciens, détruits ou vendus, il s'inspire toujours des mythes de son peuple, et renouvelle les formes d'un art traditionnel.
C'est une escale en pays Dogon, si cher à Michel Leiris que je vous propose pour quelques chapitres.

Un peu d'histoire-géo
Les dogons représentent 5% de la population du Mali, repartis dans la région administrative de Mopti, au sud-ouest de la boucle du Niger. Coupé par une immense falaise de 200 km de long, on distingue 3 régions :
- le plateau rocheux difficile d'accès qui descend vers la plaine du Niger,
- la falaise coupée de failles et dont la base est recouverte des célébres éboulis aux sommets desquels des villages ont été bâtis,
- la plaine qui s'étale vers l'est du Burkina où l'implatation des Dogons est plus récente.
Les traditions tribales restent les plus fortes dans les villages de la falaise, notamment dans la région de Sanga. 30 000 personnes y vivent encore. On pense que les Dogons se sont réfugiés dans cette zone aride pour fuir des guerres plus au Nord. Mais la légende raconte qu'avant de partir, en creusant la tombe d'un ancêtre, un grand serpent apparut et leur montra le chemin en avançant sous la terre. Les Dogons se répandirent dans la région d'où ils chassèrent les anciens habitants, le peuple Kurumba qui vit au Burkina voisin. Il semble aussi que les Dogons aient repris les mythes et les formes d'art du peuple chassé, qu'ils respectent et fêtent, pour implorer leur clémence.

La création du Monde
Les légendes et la philosophie des Dogons reposent sur des mythes qui évoluent selon les époques. Toute la tradition se transmet de façon orale, s'enrichit et se transforme. Les travaux des ethnologues et les récits des anciens permettent de présenter aujourd'hui une histoire de la création du monde selon les Dogons, assez proche de l'âme de ce peuple.
Le Dieu Amma créa le monde. Il possédait une pensée créatrice et était doté d'une "parole" contenue dans sa salive. Après un premier essai, Le Dieu Amma ne conserva que les quatres éléments (feu, air, terre, eau), et usa de sa parole pour créer un "oeuf du monde" d'où naquit une entité féminine, nommée Mère du Monde. D'une union avec la Grande Mère naquirent deux couples jumeaux mixtes. Le jumeau mâle se rebella et quitta le monde de la Mère, sans sa jumelle, ce qui préfigura les naissances uniques.
Devenu Ogoyne, littéralement "homme fécond", le jumeau descendit de l'obscurité primordiale en emportant avec lui un morceau de l'oeuf qui devient la Terre. Puis, conscient de sa solitude, il erra dans l'espace à la recherche de sa jumelle. Il la chercha dans l'Oeuf du monde, et commis un inceste avec sa mère qui provoqua déluges et malheurs sur la terre. Le Dieu Amma transforma ce fils indigne en renard, Yourougou, voué à l'obscurité et à la quête éternelle de sa jumelle perdue. Dans le Ciel, il est Sirius, satellite tournant autour de notre planète sans jamais l'atteindre.

Yourougou le renard en sortant de l'Oeuf Primordial a emporté les signes graphiques et donc le langage. On ditrqu'il a "volé" la parole à Dieu. Furieux Amma lui trancha la langue. Toutefois, le renard peut s'exprimer par ses pattes et les traces qu'il laisse. Aux devins de lire l'avenir dans ses pas.

Amma sacrifia son autre jumeau mâle Nommo pour purifier l'univers. Le sang qui coula donna naissance aux astres, aux plantes et aux animaux. Le plus petit élément de l'Univers (une graine de fonio, sorte de blé) éclata et forma un arche dans laquelle Amma plaça Nommo ressucité et quatres nouveaux couples de jumeaux, qui sont les ancêtres de tous les humains. L'arche descendit sur terre par une chaine de cuivre, et en tombant sur la terre, elle provoqua la première pluie purificatrice. Nommo enseigna à ses frères et soeurs l'art de l'agriculture et le respect de la nature.

Navajo 8/8


La voie de l'Eau est très peu pratiquée aujourd'hui. Elle ne se déploie que sur 5 nuits. Les chanteurs lui préfère sa soeur jumelle, la Voie de la Grande Etoile qui est une des "filiations" de la Voie du Projectile. Comme toujours, le héros suit un parcours initiatique, fait d'erreurs, d'épreuves, aidés par les Etres sacrés. Il prendra surtout conscience de son état d'homme, ni bon, ni mauvais, naviguant entre ses forces et faiblesse. Il deviendrat à son tour un Etre Sacré qui enseignera aux hommes l'immatérialité, et leur indiquera les différents chemins qui mênent à la quête spirituelle. Cérémonie de revitalisation par excellence, elle met en scène le Coyote, animal ambigu, tentateur, imaginatif et double. N'est-ce pas lui qui a donné au peuple navajo le feu, mais qui a aussi provoqué le déluge ?

Assise sur un rocher de Black Mesa, je contemplais l'étrange beauté de ce paysage infini. Ce n'est qu'un désert, mais j'en fait partie. Ce n'est qu'un vent de sable mais j'en fais partie aussi. De ma roche jusqu'à l'infini rayonne la beauté, et son rayonnement ne cesse d'augmenter. Hozhone haaz' dlii. Hozhonz haaz' dlii.

A ajouter des ouvrages déjà cités
- Michel Foucault et la médecine, de P. Atières, aux éditions Kimé - 2001
- Dictionnaire amoureux de l'Amérique de Y. Berger aux Editions Plon - 2002
- Enquête sur les savoirs indigènes, de S. Crossman aux éditions Calman Lévy
- Les navajos, de H. Haussman - éditions Le Mail
- Hoosteen Klab, homme médecine et peintre sur sable de F.J. Newcomb aux éditions Le mail
- Rituels de guérison chez les Navajos de D. Sandner - Editions du Rocher
- Le livre des indiens Navajos - collectif - Editions du Rocher

Navajo 7/8



Nous l'avons dit, ils existent de nombreuses cérémonies de guérison chez les indiens navajos. Elles ne sont pas toutes pratiquées, certaines demandant une maitrise et de longs apprentissages.

Organiser un rituel de guérison est coûteux pur la famille du malade. Il faut payer le chanteur et ses assistants, les héberger mais aussi inviter les amis, les membres du clan qui vont y participer. Les très grandes cérémonies qui durent sur plusieurs jours sont l'occasion de fêtes mêlant cérémonies rituelles divertissements. La consommation d'alcool bat des records, et si de gros efforts sont fait pour limiter ce fléau (l'introduction d'alcool par des touristes est interdite dans la Grande réserve) il n'en reste pas moins un souci constant des autorités.
Aussi, les cérémonies plus intimes ont tendance à se developper.

La Voie du Vent raconte l'histoire des vents qui sont chez les Navajos le principe même de la vie dans sa manifestation macrocosmique. Au sein du microcosme humain, ils parcourent le corps, animent les poumons et le coeur. C'est la cérémonie de guérison destinée à ceux qui souffrent de maux circulatoires. Il y a encore une cinquantaine d'années elle durait 9 nuits et 8 jours. Mais elle est prodiguée aujourd'hui de façon plus restreinte. Toute la poésie navajo se retrouve dans la multitude des vents cités : Petits vents de la Montagne du Yucca, Vent Jaune de l'Ouest, Vent rouge et Vent gris, Vent rayé, Vent gaucher. L"homme médecine capte la puissance fulgurante mais destructrice du vent, pour enseigner aux hommes les grands souffles qui traversent l'univers et l' y raccorder, dans l'harmonie.

Navajo 6/8


La mystérieuse voie du projectile

Nous l'avons dit, la médecine navajo considère l'ensemble de l'individu malade, et vise à restaurer un équilibre.
Le philosophe et médecin Georges Ganguilhem dans sa thèse de médecine en 1943, est l'un des premiers à concevoir une approche de la maladie assez différente des thèses en cours : "nous estimons que le pouvoir et la capacité de se rendre malade sont une caractéristique essentielle de la philosophie humaine". Une idée très "navajo".

La voie du Projectile est la racine et la clé de toutes les croyances navajos. Voie majeure, initiatrice, elle relie les puissances matérielles et spirituelles, le corps et l'esprit. On fait appel à cette cérémonie lorsqu'un individu a perdu le goût de vivre, ou lorsqu'il souffre physiquement de maux mystérieux que l'on appellerait "somatisation" dans la médecine occidentale. Elle se déroule sur 9 nuits, parfois seulement sur cinq, et comporte une branche masculine et une branche féminine. Elle a été décrite par des antropologues en 1922.

Femme-qui-change donna naissance aux deux Jumeaux, Tueur de Monstres conçu avec le Soleil et Né de l'Eau, conçu par la pluie. Les deux jumeaux ignorent leur filiation paternelle et se mettent en quête de la trouver, après des épreuves terribles. Le Soleil finalement les reconnait et leur fait cadeau de la médecine et des armes nécessaires pour débarasser la terre de ses monstres. Emerge alors le peuple des hommes médecines. Femme-qui-change, qui, sans cesse passe, de la jeunesse à la vieillesse reconquiert alors sa beauté et une éternelle jeunesse.

De nombreuses peintures de sable viennent illustrer à chaque épisode de la légende. Le rose, mélange du blanc de la paix et du rouge du danger est largement utilisé, pour signifier l'équilibre entre les différentes forces en présence. Le chanteur travaille dans le sens contraire à la course du soleil, comme pour retarder le temps, repousser les limites. Les peintures ne se bornent pas à illustrer. Certaines comportent des substances médicinales, et font la liaison entre le patient et son mal. Ici, les structures classiques des peintures sont trrangressées : l'arc en ciel protecteur est remplacé par des serpents, on y évoque des cycles de mort et de renaissance, par l'alternance des couleurs noires et roses.
Il s'agit ici plus que d'un soin, mais d'une sorte de traitement préventif général. Certains observateurs pensent que cette voie pourrait s'adresser aux capacités immunitaires menacées, ou même avant qu'elles ne le soient.

Rarement exécutée car elle demande une très grande maîtrise du chamane, la Voie de la Nuit n'a pas révélé tous ces mystères. On y vit, on y meurt, mais sans jamais perdre la capacité de guérir et de renaître à soi-même dans un état où l'équilibre sera restauré. Et les inversions et transgressions dans l'éxécution des peintures peuvent laisser supposer que cette cérémonie touche au mystère même de la vie.


Celui que l'on instruit je suis
Dieu qui parle, je suis
Que les pollens de l'aube, du crépuscule et du petit tourbillon de terre m'instruisent
Puissé-je marcher parle pollen de l'oiseau bleu, du ciel et rayon de soleil
Rendu à la beauté, puissé-je être sur le chemin de la connaissance.
(chant de Femme-Qui-Change)


Bibliographie
- G. Ganguilhen, le Normal et le pathologique aux PUF - 1979
Le texte "l'idée de guérison" a été publié dans La Nouvelle Revue de Psychanalyse - Paris, printemps 1978
- Michel Foucault, Naissance de la Clinique - Puf
Peintures de sables de Fred Stevens
- FJ Newcom : Hoosteen Klah aux éditions Le mail (le chant de Femme-Qui-Change).

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La voie de la Nuit, médecine de l'âme

Je vous propose de nous arrêter quelques instants sur la Voie de La Nuit, une pratique de guérison destinée à rétablir l'odre et la beauté chez des personnes souffrant d'un mal de tête, de vue ou d'ouie, et au-delà de resserer les liens dans la communauté. C'est une voie masculine, qui met en scène un des héros des légendes navajos..
Tl'eé i hataal, la voie de la nuit se déploie sur 9 nuits, seulement l'hiver. Comme dans les autres voies navajo, elle a recours à des esprit et à des insinuations d'ordre surnaturel, pour nous occidentaux.

Chez les Navajos, les être surnaturels n'existent pas au sens où nous le comprenons. Ce qu'ils appellent "esprits, ce sont des êtres humains, des ancêtres qui ont pu un jour être visibles mais ne le sont plus. Les Navajos n'ont pas de dieux mais des "êtres sacrés" qui ont un jour cotoyés les gens ordinaires mais qui occupent désormais, de façon invisible les lieux sacrés. Il n'y a pas de notion de Dieu unique qui serait créateur de tout, ni de paradis ni d'enfer. Pas de récompense de l'Au-déà, mais dans cette vie, par la beauté et l'harmonie, la longévité. La causalité est dans les mains des individus. Un être malade est quelqu'un sur lequel on n'a pas porté assez d'attention pour le maintien de la beauté, ou par violation délibérée.

Une fois le diagnostic établi, l'homme-médecine va procéder à la voie choisie.
La voie de la nuit durera 8 jours. Pendant les 4 premiers jours, il faut exorciser le mal : bain de vapeur, offrandes pour inviter les Etres Sacrés, pour qu'ils soient présents, témoins de la cérémonie et gardiens de l'ordre tel que les navajos le concoivent. Il ne s'agit pas d'un ordre précis, comme une union avec la Nature, mais d'un très général agencement de la vie, incluant aussi les relations sociales, l'inconscient de l'individu. Un "lien" a été rompu et il faut rétablir ce lien non seulement pour la personne mais pour la bonne marche sociale et cosmogonique. On est très proche des philosophies bouddhistes qui enseignent un chemin spirituel. Mais ici le chemin est balisé par les chants, les peintures, qui se répétent sans cesse.

Les navajos ne boudent pas la médecine occidentale moderne. Ils font appel à elle, mais si ils sentent que quelque chose ne va pas, ils font appels aux chanteurs. De même si un individu est blessé par sa propre faute, il n'ira voir le chamane que si il pense que son comportement asocial doit être soigné. Les navajos savent qu'ils naviguent entre la beauté, et la laideur. Dans les légendes navajos, cette dualité est traduite par le mythe des Jumeaux Sacrés, qui tuèrent tous les monstres qui empoisonnaient les humains, tout en sachant que ni le mal, ni la mort ne seraient détruits, et qu'il faut faire avec.
La voie de la nuit pourrait être considérée comme ayant des vertus curatives d'ordre psychique. Elle vise aussi à restaurer un ordre social non violent, mais ferme. Il permet aussi de rappeler à l'homme sa filiation avec le monde, au sens le plus général, y compris le monde sacré.

Une douzaine de peintures de sable sont effectuées lors de la Voie de La Nuit. La dernière peinture, dite des troncs tournoyants permet de replacer le patient dans le hozho. Le malade prend place au centre de la peinture et participe à la fin de sa confection en déposant du pollen sur les personnages dessinés. Puis le chamane prélève un peu des couleurs des personnages pour l'apposer sur le visage du patient, sorte de transfert de la beauté sacrée sur la beauté perdue.
Ensuite les peintures de sable sont soigneusement brassées et dispersées aux quatre vents. Parce que la vie est éphémère et qu'elle se renouvelle sans cesse. Avec ces cycles de beauté et de laideur. L'homme doit seulement agir pour que règne l'hamonie et l'ordre, cette notion navajo subtile, difficilement compréhensible qui exclut la rigidité.

Les 4 jours suivants sont destinés à rétablie l'harmonie et l'équilibre chez la personne qui souffre.
La Voie de la Nuit est aussi une cérémonie qui vise à rétablir aussi une autorité défaillante. Son héros, nommé le Rêveur est un jeune homme visionnaire qui ne se résoud pas à s'impopser pour conduire sa vie. Aimé de tous, il laisse les autres lui modeler son destin, en dépit de ses intuitions justes. Encore très pratiquée aujourd'hui, cette cérémonie rassemble jusqu'à un millier de personnes, les rituels navajos se faisant le plus souvent avec l'aide de toute la communauté, ou le clan.

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La voie de la montagne
La Voie de la Montagne, soeur de la Voie de la Beauté, raconte comment Bispali est devenue la Femme Ours, et détient le pouvoir de la guérison, des herbes médicinales et du feu. A la fois redouté et vénéré, l'Ours est symbole de puissance. Cette voie, conduite sur 9 nuits, se clôt sur un final spectaculaire nommé danse du feu.
Empreintes de poésie, de mysticisme, les voies empruntent aux légendes leurs leçons de vie (de la même façon que nos contes traditionnels ont des vertus éducatives et psychologiques), mais aussi à la poésie des chants dont les traductions françaises ne peuvent rendre les rythmes, et aux figures tracées dans le sol, pour matérialiser le mal. Les grandes cérémonies sont très prisées et permettent aussi la cohésion du peuple navajo.

Rappel bibliographique
- "Le scapel et l'ours d'Argent", du Docteur Lori Alvordaux éditions Indigène
- Hosteen Klab, homme médecine et peintre sur sable, de F. Newcomb aux éditions Le Mail - 1992
- les peintures illustrant les voies cités sont de Fed Stevens (1922-1983)

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La médecine spirituelle - Paroles de chamanes.
Lori Arviso Alvord, auteur du livre "Le scapel et l'ours d'Argent", aux éditions Indigène - 2003, est la première femme a être à la fois chirugien et hataalii navajo. Née dans le clan de l'Ours - la filiation chez les navajo se fait par la lignée des femmes - c'est sa grand-mère qui l'initie très jeune au travail de chamane. Elle poursuit une brillante carrière et participe à des travaux en physiologie du cerveau à l'Université du Nouveau Mexique.
Pour elle, la notion de hozho et la science se rejoignent : un virus qui attaque les fonctions corporelles, c'est un déséquilibre. Devenue chirugien et exerçant à Gallup, au coeur du pays navajo, elle tente de faire le lien entre la médecine traditionnelle navajo et la médecine scientifique.

Dans de nombreux endroits du monde, lorqu'une personne est malade, on lui offre un chant pour guérir. En Afrique c'est une pratique courante. Evidemment, le pouvoir du chant ne réside pas dans ce qui peut être quantifié et attesté par la science. Mais le docteur Alvord a constaté que les patients qui bénéficiaient de la présence d'un homme-mdédecine à leurs cotés guérissaient mieux, ou du moins, avaient une autre approche de la maladie. Travaillant auprès de cancéreux, elle note que les soins prodigués par les chanteurs navajo agissent au niveau psychique et intuitif. Les patients apprennent alors à combattre mentalement leur mal, ce qui est un concept très navajo.

L'homme-médecine navajo n'isole pas le mal de l'individu. Il est tout à fait capable de discerner le dysfonctionnement d'un organe mais il considérera l'ensemble de la personne , son corps, son esprit, son âme, à l'instar de la médecine chinoise. Si, lucidement il laissera sa place aux chirurgiens pour soigner l'organe malade, il va s'attacher à restaurer l'équilibre des énergies internes. Il est fort probable que la notion de "chakras" utilisée dans les médecines indoues se retrouve dans les pratiques des navajos.

Le Docteur Alvord a favorisé dans son service de chirurgie l'interaction entre l'équipe médicale et une équipe de chanteurs navajos. Pionnière en ce domaine, d'autres hopitaux américains ont fait appel à une part de médecine "non officielle". Parce que les résultats sont probants.


La Voies de la Beauté
Les hommes-medecine navajo recoivent une initiation très jeune. Ils doivent apprendre à maitriser la Voie de la Bénédiction et son opposée, la Voix de l'Ennemi.
Une cérémonie importante est celle de la kinaalda, liée à la Voie de la Beauté. Elle est destinées aux jeunes filles, pour les accompagner à l'époque de la puberté, "les rendre plus fortes, indépendantes d'esprit" dit le chanteur Sam Begay. La cérémonie dure une journée, et permet à la jeune fille d'aborder son nouveau statut de femme avec confiance. Société matrilinéaire, la femme a une place privilégiée au sein du peuple navajo. Un navajo appartient au clan de sa mère, étant seulement "né pour" celui de son père.

La voie de l'Ennemi ne peut se pratiquer hors des frontières de la Nation navajo, pendant l'été. Actuellement, elle est prodiguée aux soldats revenant d'Irak. "Si votre esprit à reçu l'ordre de tuer, il est imprégné de cet ordre, et il faut l'extraire" explique le Docteur Alvord. Dans cette voie, 2 jeunes femmes Bispali et Glispah sa soeur cadette sont données en butin aux vainqueurs d'une bataille, deux vieillards capables de prendre l'apparence de la jeunesse et de la beauté. Les deux jeunes filles vont s'enfuir : Bispali à l'ouest deviendra l'héroïne de la voie de la Montagne et Glispah à l'Est, celle de la voie de la Beauté.

Nommée aussi voie du serpent, la voie de la Beauté conte les aventures de Glispah au pays souterrain du peuple Serpent. Elle va apprendre à contrôler les forces de la fécondité, à la suite de multiples aventures. Mariée à l'Homme Serpent, elle reviendra sur terre pour enseigner aux hommes la voie de la Beauté, puis retournera vivre parmi le peuple serpent. Elle règne sur les nuages, la pluie, la végétation.

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C'est une suprise oui une surprise yee yee
C'est la vraie forme de la tere qui continue de vibrer avec moi, qui s'est levée avec moi
qui demeure immobile en moi
Et c'est désormais la forme intérieure de longue vie
la forme intérieure du bonheur
(Slim Curly, chanteur)

Une philosophie de vie, le horzo
Hozho est un état intérieur qui arrive quand tout est à sa juste place. C'est l'état du monde, la manière dont chacun et tous ensemble, nous devrions vivre. Chez les Navajos, le monde doit être "en ordre" .La notion d'ordre est universelle. Ce que traduit le corps humain est en relation avec l'harmonie personnelle et l'harmonie du monde.
Des médecins américains et navajos ont méné en 1993 une étude sur la guérison des patients atteints du cancer. A coté des réponses purement médicales, opérations-chimiothérapies-rayon, les patients qui ont pu bénéficier d'un "chant" et d'une cérémonie ont accru leurs chances de rémission.

Bien évidemment, les cérémonies navajos ne relèvent pas de la science, et de la médecine au sens où nous l'entendons. Mais elles permettent un soutien du collectif (la tribu représentée par son chanteur ou hataalii) et une méditation intérieure, une quête de beauté. Les cérémonies navajo ont pour but de réconcilier l'homme avec lui même, de rétablir un équilibre intérieur. De permettre de naviguer entre le hozho et le maaye qui n'est pas tout a fait son contraire. La beauté résulterait alors d'un état de tension entre l'ascension et la chute, l'équilibre et le chaos, et pourquoi pas entre nos globules rouges et blancs.

Le hozho et le naayee
Dans la philosophie navajo, tout a deux faces, deux forces. L'une est féminine, le hozho, beauté, sensibilité calme. L'autre est masculine, le naayee, agressivité, guerre. Les deux ne s'opposent pas mais se complètent. Il y aussi dans le hozho une part de masculin et inversement une part de féminin dans le naayee. Tout repose donc sur le dosage, l'équilibre subtil de ces deux concepts. Nos philosophies occidentales ne raisonnent pas ainsi. D'une part parce que le monde occidental s'est par trop éloigné de la contemplation de la nature, de l'autre parce que, depuis l'arrivée de la chrétienté, les notions de bien et de mal ont découpé le monde de façon manichéenne. N'entend donc par parler actuellement d'un "Axe du mal" ? Cette façon de voir est impensable chez les navajos.

l'importance des cérémonies
Les cérémonies navajos mettent en scène l'histoire de la création, comment le monde s'est mis en marche, comment les planètes une fois placées dans l'Univers se sont mises à bouger dans un ordre donné. Tout ce que est vivant est en marche et doit s'accorder aux lois naturelles, à l'ordre cosmique.
Les peintures de sables qui sont réalisées lors de ces cérémonies racontent ces histoires. C'est aussi permettre un apprentissage aux autres membres de la communauté. Une cérémonie a toujours un but de guérison mais surtout d'explication : vivre c'est rencontrer la maladie, mais c'est aussi rencontrer le pouvoir de guérir.
Bien sur en vivant, surtout dans notre monde moderne, on transgresse l'ordre naturel. Les Navajos admettent la transgression, mais sans tomber dans un excès de naayee qui romprait le fragile équilibre.

La voie de la bénédiction
C'est la seule voie qui n'est pas faite pour soigner mais pour ponctuer les grands passages de la vie : naissance, puberté, mariage, protection. Ce n'est pas un rite curatif mais un rite protecteur. Son cérémonial est court, deux jours et deux nuits, des bains de vapeurs et quelques peintures. Le blessingway est le fondement sur lequel repose tout le système des voies, y compris les diverses peintures de sables.

Les peintures de sable ou de guérison
Il existerait plus de 1200 peintures de sable rituelles. Aussi un chanteur (Haatalii ou homme médecine) ne peut toutes les connaitre. Il n'apprend que celles qui se rattachent aux voies qu'il pratique le plus, ses spécialités si on veut.

Bien évidemment il doit connaître toutes les peintures liées à la Voie de la Bénédiction, et celles liées aux cérémonies les plus courantes : la voix de la Nuit qui agit sur les "blocages" et qui dure 8 jours, la voie de la Beauté dite voie du du Serpent qui est prodiquée pour qu'un sujet se régénère. Il existe une multitude de cérémonies, qui se déclinent aussi en version masculine ou féminine, quelque soit le sexe du patient, en version courte ou longue. Si ces cérémonies sont si nombreuses c'est parce qu'elles répondent à des comportements humains, et sont personnalisées selon l'état du patient.

Peu de règles prévalent pour la réalisation d'une peinture : souvent elles doivent être exécutées avant la tombée du jour, dans le hogan (la maison traditionnelle des navajos dont l'orientation, la place des ouvertures sont très codifiées). Les peintures de sable doivent aussi être exécutées dans le sens de la course du soleil. Mais le chanteur peut aussi décider de d'autres modes d'éxécution, selon sa maîtrise, son talent, son approche. L'apprentissage est long, il faut une vingtaine d'années pour devenir homme-medecine.

Les couleurs rituelles sont le blanc Est, Mont Bianca), le turquoise (Sud, Mont Taylor), l'ocre (Ouest, Mont San Francisco) et le noir, (Nord, Mont Hespérus). Le chiffre 4 est sacré pour les Navajos comme pour d'autres cicilisations. Il correspond aux 4 montagnes sacrées qui délimitent le Diné et en font un grand hogan, aux 4 élements (feu, terre, air, eau), aux 4 directions. Le brun est utilisé pour figurer la peau, le rouge signale le danger, le rose est symbole de danger. Le chanteur, aidé ou non par des assistants, disposera un lit de sable, et fera glisser entre ses doigts les pigments colorés, qu'il va lui même fabriquer à partir des roches.
Les figures sont aussi codifiées = tête ronde pour les hommes, têtes carrées pour les femmes, bustes étirés. Ils représentent des paysages de la mythologie navajo et sont sacrés. Les animaux ont aussi une symbolique très précise : ainsi la mouche est la messagère entre les êtres sacrés et les vivants, le buffle est protecteur, le serpent est associé à la foudre, et le coyote marque l'hésitation. Les plantes sont aussi représentées, surtout les 4 plantes sacrées que sont le tabac, la courge le haricot et le maïs. Elles tracent des bisextrices et rejoignent une direction cardinale.

Chaque peinture est entourée d'un arc en ciel de couleur qui reste ouvert à l'est, à l'exception de la voie de la bénédiction qui bénit la vie et ses passages. L'homme, le patient est souvent figuré au centre de la peinture. Parfois il y prend physiquement place, comme pour mieux "sentir" les éléments.

On a souvent comparé les peintures de sable aux mandalas tibétains, en raison justement de la place au centre de l'homme, "bouddha" en devenir. Il ya d'ailleurs dans la pensée navajo une ambiance que l'on pourrait qualifier de "zen". Les navajos appellent leurs peintures "iikaah", littéralement, "l'endroit où les dieux vont et viennent". Les peintures, mais aussi les chants ou prières qui les accompagnent visent à rétablir l'équilibre intérieur et extérieur. Si un virus ou une maladie atteint l'un des membres de la communauté, les voies doivent lui apprendre à restaurer l'équilibre, qui est en fait d'apprendre aussi à reconnaitre et accepter la maladie en soi et puis de mettre en oeuvre les moyens psychiques pour sortir de cet état.

En contemplant les peintures navajos, j'allais dire les tableaux, leur finesse, on songe aux mots d'autres créateurs : Picasso pour qui l'art est un "exorcisme", Matisse pour qui il est un calmant cérébral ou Gaugin qui assignait à la peinture la mission de s'adresser "au centre mystérieux de la pensée".
Et si, après la cérémonie, le sable et les pigments sont dispersés au vent, comme un éternel retour à la matière, il n'en reste pas moins une magie, magie des signes, du sable qui forme le dessin, en s'écoulant lentement dans le grand sablier de la vie.



Navajo 1/8


Horzo, la voie de la beauté
Ce n'est peut -être qu'un désert de sable, brûlé par le soleil, planté de buissons de sauge, de cactus, un amas résiduel des grandes éruptions volcaniques, mais c'est mon pays enchanteur -J Campbell, shamane

"Ya'at'eeh ! Bienvenue ! L'avenir de la nation Navajo s'annonce brillant !"
C'est par ces mots que le voyageur est accueilli sur le Diné Be Keyab (ou Dinetha ou Dineh), le territoire des Navajos, dit aussi la grande réserve ) à cheval sur les "four corners", ces 4 états américains qui se coupent à angle droit : Utah au Nord, Colarado, Arizona et Nouveau Mexique.

En 1970, la grande réserve se vit accorder une semi-indépendance de gestion. En 1975, est créé le Conseil Tribal qui regroupe 25 tribus, une assemblée élue au suffrage universelle qui élit son président. Les Navajos disposent de leur propre cour de justice, d'une police tribale, d'une université le Diné College et d'une liberté de gestion des affaires courantes sur leur territoire.
Long combat, pacifique qui a suivi la "longue marche'", quand en 1864, les tribus navajos ont été déportées et décimées - ils n'étaient plus que 8000 alors, parqués sur un territoire grand comme la Belgique, privés de leur nomadisme coutumier.
La grande Réserve abrite aussi les territoires des indiens Hopis dont la culture est différente, même si les deux peuples ont de réelles affinités. Les indiens "pueblo" venus d'amérique latine vivent aussi sur le Diné, en minorité.


On admet que les navajos sont comme les Apaches descendant des Athabasques, qui seraient arrivés dans le nord de l'Amérique par le détroit de bering, pour s'installer au 13ème siècle à l'ouest du Rio Grande. Mais les navajos préfèrent dirent qu'ils ont toujours été là, et que leur présence, à la surface de la terre est concommitente aux 4 montagnes sacrées qui entourent le pays navajo : Monts San Francisco à l'Ouest, Blanca Peak au Sud, Monts Taylor à l'Ouest, Chaine de la Plata à l'Est.

Le peuple navajo poursuit ses traditions ancestrales, on compte aujourd'hui quelques 500 hommes et femmes chamanes ou medecine man (pafois aussi appelés chanteurs) sur les 250 000 indiens vivants sur le Dineh.Plus que tout, le peuple navajo célèbre le hozho, la voie de la beauté, terme intraductible tant il regroupe une philosophie de vie. L'état de hozho, de paix avec soi-même, avec la Nature, avec les élements est si important que les hôpitaux américains ont même créés des départements qui, une fois les soins donnés, permettent aux patiens indiens de "guérir" en compagnie des chamanes selon les rites navajos.
En 1998, le Conseil Tribal a voté pour la première fois un budget aidant financièrement les jeunes indiens dans leur formation auprès des medecine-man.Cette aide visait en priorité l'enseignement de 6 cérémonies, nommées "voies"menacées de disparitions et qui correspondent à des états précis : Voie de l'Eau, de la Plume, de la Perle, de la Fourmi, de l'Aigle et de la Beauté.
La médecine occidentale s'intéresse aussi à ces rituels, qui apaisent aussi bien le corps que l'âme. Savoir faire des guérisseurs qui connaissent les vertus des plantes et des pierres, beauté des rites, accompagnées des rituelles "peintures de sables".


Il y a encore quelques décennies, les traditions navajos devaient rester secrètes, pour ne pas être dénaturées. Les peintures de sable, qui une fois réalisées sont détruites en fin de cérémonie ne devaient pas être reproduites ni photographiées. Mais sous l'influence des jeunes chamanes, des procédés ont permis de fixer les sables et les pigments, puis de les vernir pour les protéger du temps. Considérées aujourd'hui comme des oeuvres d'art fabuleuses, certaines sont exposées dans les musées, afin de faire partager la culture navajo. D'autres sont aussi destinées aux hôpitaux américains, tant leur pouvoir de fascination aide à la guérison de tous, qu'ils soient indiens, blancs, noirs, latinos. Bel hommage à une civilisation qui porte haut une vision du monde harmonieuse et généreuse.


Art tribal : Hopi 2/2


Le mot kachina désigne tout à la fois, les Esprits, les hommes qui les personnifient, et les poupées sculptées les représentant.

Pour les indiens des hauts plateaux, toutes les puissances surnaturelles peuvent être représentées. Ces esprits, vivant dans le cosmos sont le plus souvent bienveillants. Aussi lors des cérémonies, les danseurs masqués offrent des cadeaux à l'assistance : poupées kachinas, vannerie, instruments de musique ou nourriture.
Néanmoins quelques esprits sont plus espiègles, terrorisant notamment les enfants désobéissants.
Les célébrations des kachinas durent les 6 mois, les hopis pensent que l'autre moitié de l'année les esprits se reposent dans leur hameau dans le monde sous-terrain.
Essence de chaque composante du monde, les Kachinas se manifestent sous des formes diverses : humaines, végérates, animales, minérales et astrales. Il existe quelque 400 personnages mais leur rôle diffèrent d'un village à un autre. A coté des esprits immuables comme ceux de la pluie par exemple, de nouveaux personnages sont créés à chaque saison. La renommée d'un masque repose sur l'élégance de son costume, la grâce de sa danse, et la beauté de son chant.

Element essentiel du danseur, le masque. Dès que le masque est porté, le danseur est investi des attributs de l'esprit choisi, et permet donc de le faire revivre, de lier le temps profane au temps universel.
Les Tuvi'ku, les masques, sont de 5 types : masque facial, demi masque, masque rond fait en vannerie, masque sac, masque heaume en peu de daim ou de bison. Les masques sont entretenus, repeints et redécorés chaque année. Le danseur revêt aussi un costume spécifiques et son torse est orné de peintures rituelles.
Pendant 6 mois, les cérémonies kachinas vont se succéder, avec des temps forts, comme la célébration du solstice d'hiver, le Powamun ou fête-du-haricot où sont plantées des graines de maïs, suivie d'une procession et de danses.
Le Niman ou "Danse du retour" clôt la saison. Pour l'occasion les plus beaux masques, fraîchement décorés et peints de couleurs éclatantes dansent toute la journée, avant de racompagner les kachinas vers le pic de San Francisco qui symbolise la porte d'entrée du monde sous-terrain. Plus aucun masque ne sortira mais, en souvenir de cette période, les poupées kachinas orneront les autels de kivas et murs des habitations.

Le secret de poupées Kachinas
Entre deux cérémonies du culte des kachinas, des poupées sont sculptées secrètement par les membres de la communauté. Elles sont offertes aux enfants et aux femmes lors des danses. Objet pédagogique pour les enfants, les tihu renferment un élément magique. Copie conforme des masques et des costumes, elles seront accrochées aux murs et auront un rôle protecteur pour la maisonnée. Elles permettent aussi de lier l'univers religieux réservé aux hommes au monde des femmes en leur assurant protection et longue vie.
Les premières tihu étaient assez rudimentaires, un morceau de bois décoré et peint. Petit à petit les poupées ont pris forme, se sont enrichies de coiffes et de vêtements.
Pour répondre à la demande des touristes, la production mercantile a été confiée aux femmes, qui peuvent laisser libre cours à leur inventivité. Certaines poupées sont aussi coulées dans le bronze et les artistes actuels n'hésitent pas à utiliser des matériaux nouveaux (argiles polymères, fer) pour faire évoluer les kachinas vers de véritables sculptures, en renouvellant les formes.

Fabriquer une kachina
Traditionnellement, le bois utilisé est le peuplier américain, trouvé le long des berges du Petit Colorado. Soit taillées à partir d'une seule pièce de bois, soit à partir de plusieurs, les "tihu" sont ensuite soigneusement poncées puis recouvertes d'une couche de kaolin ou de peinture acrylique pour boucher les pores du bois.
Le concept de tihu implique la couleur. Sans elle, la poupée n'existe pas. Les couleurs corespondent à une signification symbolique et permettent l'identification du personnage. Le sculpteur termine son travail par l'ajout d'accessoires caractéristiques de l'esprit choisi, puis par l'ajout de plumes d'oiseaux choisies selon un symbolisme codifié (plumes d'aigle pour les kachinas-porteurs-de-pluie-printanière). Depuis peu les artistes fixent les figurines sur un socle et signent leurs oeuvres : J. Kewanwytewa, A.J. Makya, V. Monongya, D. Tewa sont des artistes réputés et célèbres outre-Altantique.
De nombreuses expositions, festivals ou concours consacrés aux poupées kachinas sont organisés sur tout le continent américain.

Les autres Arts
Les Hopis sont certainement les indiens qui ont le mieux perpétué leurs artisanats ancestraux.
La vannerie
Les tressage du yucca, les formes et les motifs datent de la préhistoire, tout comme la fabrication de pièces traditionnelles (plaque de mariage, plateau Piki). Le travail de l'osier est la spécificité de Troisième Mesa, et propose un choix inégalé de motifs géométriques et de coloris obtenus par des teintures minérales et végétales.
Ce sont les femmes qui le plus souvent travaillent la vannerie, les hommes aidant pour la création d'objets volumineux.
Spécificité des hopis de Première Mesa, les motifs variés, géométriques et zoomorphes sont accompagnés de mises en couleurs grandioses. Si l'inventivité est de mise, les techniques de cuisson sont ancestrales : le feu est composé de buches et d'éxcréments. Les pots sont placés à l'envers et recouverts de charbon. Les pièces sont conservées 8 à 10 jours sous la cendre après l'extinction du feu pour parfaire la cuisson.

Le textile
Le tissage du coton est toujours très présent, et chaque foyer hopi possède son métier à tisser. La fabrication actuelle est limitée aux vêtements, aux couverture cérémonielles, et aux ceintures, dans le respect des motifs ancestraux et des couleurs (blanc et crème, enrichis de zones vertes, rouges ou noires).

La joaillerie
Le travail des pierres (turquoises, azurites, serpentines, argilites) est renommé ainsi que le sertissage. Longtemps confondu avec la joaillerie navajo, la joaillerie hopi reprend désormais les motifs des poteries, vanneries et tissage. Une joaillerie de grand luxe se dévéloppe actuellement avec le travail d'orfévrerie unique associant pierres précieuses et non précieuses, corail et argent.

la poterie
Sculpter une poupée, créer un bijou, une poterie ou une jarre en vannerie est pour le hopi un acte de protection contre un éventuel anéantissement. En utilisant le concept kachina, chaînon majeur de sa religion, l'indien des Mezas dévoile une parcelle de sa foi et fait bénéficier le reste du monde des bienfaits des Esprits. Bien vivante, très dynamique, la culture hopi traverse désormais les frontières pour s'inscrire dans les grandes traditions artistiques de l'humanité.


Bibliographie
Sur les Zunis
- Rituels et Pouvoirs chez les indiens Zunis : Voyage d'un anthropologue au Nouveau Mexique de
Barbara Tedlock aux éditions Terre Humaine
- Les Indiens zunis de
Jean Cazeneuve aux éditions du Rocher

Sur les Hopis
- Les hopis, ouvrage collectif, collection sagesse indienne aux éditions du Rocher
- Spiritualité de indiens d'Amérique, tome 3 : Les Hopis de
Robert Boissière aux éditions du Mail

Sur les Kachinas (livre en anglais)
- Kachinas: Spirit Beings of the Hopi (Relié) de J. Brent Ricks - éditions Hanayu
-Kachinas in the Pueblo World

Art tribal : Hopi 1/2


Hopi, le peuple pacifique vit dans une région aride de l'Arizona, sur les sommets des plateaux, les mesas. Leur territoire est enclavé dans la réserve des Navajos, leurs anciens ennemis.
Indiens pueblos, les hopis parlent une langue uzo-aztèque et sont environ 7000 à vivre entre Première et Troisème Mesa sur le plateau du Colorado.

Un peu d'histoire
Les hopis descendent des anasazis, ces indiens pueblos qui occupèrent un territoire immense jusquà la fin du 13ème siècle. Si les causes de la disparition ou plutôt de la dispersion des anasazis n'est pas précisement connue, on pense que des problèmes de sécheresse, des guerres avec d'autres tribus indiennes et des distensions claniques ont favorisé l'exode massif des habitants.
Ces indiens des hauts plateaux, nommés Hopi par des voyageurs espagnols, vécurent paisiblement jusqu'en 1629 où le conquérant espagnol tenta de les soumettre et de les évangéliser. Sans grand succès, la région hopi étant difficile d'accès.
La sécheresse de1854, puis les épidémies de variole en 1866/7, les guerres avec les autres tribus indiennes (les navajos, les Apaches) poussèrent les Hopis à se réfugier chez leurs voisins Zunis, avant de revenir sur leur terre. En 1882 fut créée la première réserve indienne, destinée officiellement à "protéger les autochtones des émigrants". Mais la scolarisation décrétée obligatoire pour les enfants hopis et des querelles entre tribus pour le partage des terres ne permit pas une vie paisible dans la région.
En 1943, une minuscule réserve hopi fut instituée, mais le conflit entre hopis et navajos dure toujours actuellement, les navajos refusant de céder des parcelles de terre.
Dans les années 70, les territoires hopis furent envahis par des "hippies" persuadés d'avoir trouvé en ce lieu leur eden. Ceci perturba la vie de la communauté hopi, et depuis, après avoir vu leur lieux de culte profanés ou ridiculisés par la presse à sensation, les hopis décidèrent de fermer leur village aux étrangers lors des périodes de fêtes.
Tout au long de leur histoire, les Hopis ont du se battre pour éviter la banalisation de leur rite, la protection de leur religion et la survie de leur nation. Et même si les hopis vivent dans une grand pauvreté, si leur territoire bat des records de pollution (en raison de l'exploitation du sous-sol de Black Mésa, sans souci de l'environnement), les habitants s'accrochent à leur maison "en cubes" dans leurs étranges villages-pyramides.

L'organisation clanique
Dans chaque village, est édifiée une Kiva, un bâtiment à ciel ouvert, comportant une pièce souterraine. Lieu de culte lors des festivités, club masculin dans les périodes profanes, il ne reste plus aujourd'hui que 5 kivas sur tout le territoire hopi.
Société matrilinéaire, les femmes donnent le clan. La grand mère maternelle est un personnage de première importance : propriétaire de la terre, chef du clan et gardienne des fétiches sacrés, ses conseils et ses ordres sont respectés. Toutefois le domaine religieux est interdit aux femmes, hormis de rares cérémonies, tout comme l'accès à la Kivas. C'est l'oncle maternel qui est chargé de l'instruction religieuse des enfants et de la transmission orale des savoirs.
Les clans, regroupant les membres d'une même famille sur plusieurs générations, se regroupent au sein de coopérative, sans réelle fonction administrative ou religieuse. Les hopis sont assez réfractaires à toute forme d'organisation politique : pas de hiérachie administrative, en dépit des efforts du Conseil Tribal Hopi. Chaque village se gère de façon autonome. Le chef du hameau a pour fonction essentielle de veiller au bien-être des habitants et le Kaletaka (chef de guerre) joue un rôle de modérateur social.
L'organisation religieuse est en revanche particulièrement structurée et c'est elle qui permet la cohésion sociale.


Au rythme de la religion
La religion joue un rôle primordial dans la vie des indiens Hopis et permet l'unité sociale de ce peuple.
Les hopis ont établis une théorie particulière de l'existence, sans doute inspirée par leur environnement à la fois grandiose et hostile. Selon un principe de réciprocité universelle, les éléments du cosmos sont unis entre eux et inter-dépendants. En vivant en harmonie avec l'univers par le respect des rites ancestraux, l'individu permet le parfait fonctionnement de l'univers. Par ses "bonnes pensées", il influencera positivement le cours des évènements et favorisera non seulement l'harmonie cosmique mais aussi la vie de son peuple, le succès des récoltes, les cycles de reproduction.
Le culte des ancêtres et de leurs esprits est particulièrement important. Les hopis croient en une vie post-mortem. Selon eux, l'esprit du défunt quitte son enveloppe charnelle au bout de 4 jours et se rend dans le "Monde d'En Bas", pour une nouvelle vie, semblable à celle connue sur terre, mais en ordre inversé. En suite le défunt renaîtra sous une forme éthérée, un esprit qui viendra rendre visite aux vivants. Selon le mythe originel, les Hopis, pour venir sur terre traversèrent quatre mondes souterrains.
Lors des rites funéraires, le défunt, dont le visage est recourvert d'un masque, est congédié par ces mots : "Tu n'es plus un Hopi, tu es devenu un kachnia, Reviens-nous sou forme de nuages"


Dans la mythologie Hopi, le Dieu Soleil est le père des deux "Petits-Dieux-de-le-Guerre", de Paiyetamu, le Dieu des fleurs et de la musique et de Muyingwa, le Dieu-de-la-Germination dont le corps est recouvert de maïs.
Les déités féminines sont aussi nombreuses, de Huruing Wuhti, la Déessedes Substances Dures qui récoit chaque nuit le Soleil, Twapongtumsi, la déesse du gibier soeur de Muyingwa, Talatumsi la Femme-de-l'Auvbe et Kokyang Wuhti la Femme-Araignée. Enfin Serpent d'Eau (ou Serpent à Plumes) originaire de la méso-amérique est le dieu de l'eau.
Les cultes rendus aux dieux font l'objet de rituels codifiés et d'offrandes sous forme d'épis de maïs, batons de prière, fétiches, pierres sacrées, chemin de sable. Tous ces rites on pour but non pas de solliciter les dieux mais de garder l'harmonie dans l'univers, et de rester en contact avec lui.

Les cérémonies
Chaque festivité est associée à une Kiva et à un clan qui accomplissent les rituels pour le bien de tout le peuple hopi. Un calendrier élaboré selon les positions solaires et lunaires fixe pour chaque année les cérémonies qu'elles soient secrètes ou publiques. Elles ont lieu dans les kivas et durent de 9 à 17 jours. Prières, offrandes, chants et danses se succèdent.
Parmi les cérémonies importantes, citons l'entrée du jeune homme dans une kiva qui permet de renouer le contact avec les habitants de la terre et ceux des mondes souterrains, le rituel du Feu Nouveau qui ouvre les festivités Kachinas à chaque automne, les fêtes Flûte et Serpent en août qui célèbre les moissons et est aussi l'occasion d'une spectaculaire danse de clotûre.
Toutes ces cérémonies participent à la protection des Hopis. Mais le culte le plus important, respecter par tous les hopis est celui des Kachinas, auquel tous les enfants sont initiés dès l'âge de 7 ans. C'est non seulement un culte unificateur mais aussi un réel plaisir pour tous les hopis.