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26 févr. 2010
Navajo 2/8
C'est une suprise oui une surprise yee yee
C'est la vraie forme de la tere qui continue de vibrer avec moi, qui s'est levée avec moi
qui demeure immobile en moi
Et c'est désormais la forme intérieure de longue vie
la forme intérieure du bonheur
(Slim Curly, chanteur)
Une philosophie de vie, le horzo
Hozho est un état intérieur qui arrive quand tout est à sa juste place. C'est l'état du monde, la manière dont chacun et tous ensemble, nous devrions vivre. Chez les Navajos, le monde doit être "en ordre" .La notion d'ordre est universelle. Ce que traduit le corps humain est en relation avec l'harmonie personnelle et l'harmonie du monde.
Des médecins américains et navajos ont méné en 1993 une étude sur la guérison des patients atteints du cancer. A coté des réponses purement médicales, opérations-chimiothérapies-rayon, les patients qui ont pu bénéficier d'un "chant" et d'une cérémonie ont accru leurs chances de rémission.
Bien évidemment, les cérémonies navajos ne relèvent pas de la science, et de la médecine au sens où nous l'entendons. Mais elles permettent un soutien du collectif (la tribu représentée par son chanteur ou hataalii) et une méditation intérieure, une quête de beauté. Les cérémonies navajo ont pour but de réconcilier l'homme avec lui même, de rétablir un équilibre intérieur. De permettre de naviguer entre le hozho et le maaye qui n'est pas tout a fait son contraire. La beauté résulterait alors d'un état de tension entre l'ascension et la chute, l'équilibre et le chaos, et pourquoi pas entre nos globules rouges et blancs.
Le hozho et le naayee
Dans la philosophie navajo, tout a deux faces, deux forces. L'une est féminine, le hozho, beauté, sensibilité calme. L'autre est masculine, le naayee, agressivité, guerre. Les deux ne s'opposent pas mais se complètent. Il y aussi dans le hozho une part de masculin et inversement une part de féminin dans le naayee. Tout repose donc sur le dosage, l'équilibre subtil de ces deux concepts. Nos philosophies occidentales ne raisonnent pas ainsi. D'une part parce que le monde occidental s'est par trop éloigné de la contemplation de la nature, de l'autre parce que, depuis l'arrivée de la chrétienté, les notions de bien et de mal ont découpé le monde de façon manichéenne. N'entend donc par parler actuellement d'un "Axe du mal" ? Cette façon de voir est impensable chez les navajos.
l'importance des cérémonies
Les cérémonies navajos mettent en scène l'histoire de la création, comment le monde s'est mis en marche, comment les planètes une fois placées dans l'Univers se sont mises à bouger dans un ordre donné. Tout ce que est vivant est en marche et doit s'accorder aux lois naturelles, à l'ordre cosmique.
Les peintures de sables qui sont réalisées lors de ces cérémonies racontent ces histoires. C'est aussi permettre un apprentissage aux autres membres de la communauté. Une cérémonie a toujours un but de guérison mais surtout d'explication : vivre c'est rencontrer la maladie, mais c'est aussi rencontrer le pouvoir de guérir.
Bien sur en vivant, surtout dans notre monde moderne, on transgresse l'ordre naturel. Les Navajos admettent la transgression, mais sans tomber dans un excès de naayee qui romprait le fragile équilibre.
La voie de la bénédiction
C'est la seule voie qui n'est pas faite pour soigner mais pour ponctuer les grands passages de la vie : naissance, puberté, mariage, protection. Ce n'est pas un rite curatif mais un rite protecteur. Son cérémonial est court, deux jours et deux nuits, des bains de vapeurs et quelques peintures. Le blessingway est le fondement sur lequel repose tout le système des voies, y compris les diverses peintures de sables.
Les peintures de sable ou de guérison
Il existerait plus de 1200 peintures de sable rituelles. Aussi un chanteur (Haatalii ou homme médecine) ne peut toutes les connaitre. Il n'apprend que celles qui se rattachent aux voies qu'il pratique le plus, ses spécialités si on veut.
Bien évidemment il doit connaître toutes les peintures liées à la Voie de la Bénédiction, et celles liées aux cérémonies les plus courantes : la voix de la Nuit qui agit sur les "blocages" et qui dure 8 jours, la voie de la Beauté dite voie du du Serpent qui est prodiquée pour qu'un sujet se régénère. Il existe une multitude de cérémonies, qui se déclinent aussi en version masculine ou féminine, quelque soit le sexe du patient, en version courte ou longue. Si ces cérémonies sont si nombreuses c'est parce qu'elles répondent à des comportements humains, et sont personnalisées selon l'état du patient.
Peu de règles prévalent pour la réalisation d'une peinture : souvent elles doivent être exécutées avant la tombée du jour, dans le hogan (la maison traditionnelle des navajos dont l'orientation, la place des ouvertures sont très codifiées). Les peintures de sable doivent aussi être exécutées dans le sens de la course du soleil. Mais le chanteur peut aussi décider de d'autres modes d'éxécution, selon sa maîtrise, son talent, son approche. L'apprentissage est long, il faut une vingtaine d'années pour devenir homme-medecine.
Les couleurs rituelles sont le blanc Est, Mont Bianca), le turquoise (Sud, Mont Taylor), l'ocre (Ouest, Mont San Francisco) et le noir, (Nord, Mont Hespérus). Le chiffre 4 est sacré pour les Navajos comme pour d'autres cicilisations. Il correspond aux 4 montagnes sacrées qui délimitent le Diné et en font un grand hogan, aux 4 élements (feu, terre, air, eau), aux 4 directions. Le brun est utilisé pour figurer la peau, le rouge signale le danger, le rose est symbole de danger. Le chanteur, aidé ou non par des assistants, disposera un lit de sable, et fera glisser entre ses doigts les pigments colorés, qu'il va lui même fabriquer à partir des roches.
Les figures sont aussi codifiées = tête ronde pour les hommes, têtes carrées pour les femmes, bustes étirés. Ils représentent des paysages de la mythologie navajo et sont sacrés. Les animaux ont aussi une symbolique très précise : ainsi la mouche est la messagère entre les êtres sacrés et les vivants, le buffle est protecteur, le serpent est associé à la foudre, et le coyote marque l'hésitation. Les plantes sont aussi représentées, surtout les 4 plantes sacrées que sont le tabac, la courge le haricot et le maïs. Elles tracent des bisextrices et rejoignent une direction cardinale.
Chaque peinture est entourée d'un arc en ciel de couleur qui reste ouvert à l'est, à l'exception de la voie de la bénédiction qui bénit la vie et ses passages. L'homme, le patient est souvent figuré au centre de la peinture. Parfois il y prend physiquement place, comme pour mieux "sentir" les éléments.
On a souvent comparé les peintures de sable aux mandalas tibétains, en raison justement de la place au centre de l'homme, "bouddha" en devenir. Il ya d'ailleurs dans la pensée navajo une ambiance que l'on pourrait qualifier de "zen". Les navajos appellent leurs peintures "iikaah", littéralement, "l'endroit où les dieux vont et viennent". Les peintures, mais aussi les chants ou prières qui les accompagnent visent à rétablir l'équilibre intérieur et extérieur. Si un virus ou une maladie atteint l'un des membres de la communauté, les voies doivent lui apprendre à restaurer l'équilibre, qui est en fait d'apprendre aussi à reconnaitre et accepter la maladie en soi et puis de mettre en oeuvre les moyens psychiques pour sortir de cet état.
En contemplant les peintures navajos, j'allais dire les tableaux, leur finesse, on songe aux mots d'autres créateurs : Picasso pour qui l'art est un "exorcisme", Matisse pour qui il est un calmant cérébral ou Gaugin qui assignait à la peinture la mission de s'adresser "au centre mystérieux de la pensée".
Et si, après la cérémonie, le sable et les pigments sont dispersés au vent, comme un éternel retour à la matière, il n'en reste pas moins une magie, magie des signes, du sable qui forme le dessin, en s'écoulant lentement dans le grand sablier de la vie.