Wikipedia

Résultats de recherche

Affichage des articles dont le libellé est Plasticiens. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Plasticiens. Afficher tous les articles

14 déc. 2014

Plasticiens, les fantômes de l'art.

Alors que ces derniers mois les intermittents du spectacle manifestaient pour sauvegarder un régime toujours plus instable, les artistes plasticiens, eux, ne se sont pas montrés. Pour cause : en plus de pâtir de la précarité et de difficultés financières, ils ne possèdent aucun statut au contraire des musiciens, acteurs et autres danseurs.
Tout esprit créatif rêve de vivre de son art. Mais voilà, être artiste au XXIe siècle est surtout synonyme de galère et de débrouille, dans un monde où il est monnaie courante de faire des plasticiens les "esclaves" créateurs des temps modernes, au service des grandes institutions. Et ce n'est pas leur statut social qui l'empêchera.

De statut d'ailleurs, ils n'ont point : ils sont considérés par Pôle emploi comme travailleurs indépendants au même titre qu'un plombier ou qu'un programmateur informatique. Pourtant, leur activité et surtout leurs revenus ne sont pas comparables. Un plasticien a pour principal salaire la recette des ventes de ses œuvres, le temps de recherche et de création ou encore les expositions étant rarement monnayés. Pour le fisc, les artistes sont donc des libéraux puisqu'ils travaillent en indépendants et que leur production comporte une dominante intellectuelle.
Pour avoir une reconnaissance légale en France, les peintres, les sculpteurs et autres vidéastes doivent s'inscrire à la MDA, Maison des artistes, organisme indépendant agréé de protection sociale, ce qui leur permet de pouvoir exercer la fameuse activité de vente (il faut également faire une démarche fiscale pour obtenir un numéro Siren-Siret, identifiant légal pour une activité économique).  Mais la MDA est surtout utile à la poignée de plasticiens qui gagnent bien leur vie en France. Pour la majorité il n'y a que le RSA, ou un travail d'appoint si on peut en trouver pour survivre.

Sauf que le RSA est bien trop souvent tout ce qu’ont ces créateurs. Selon le Comité des artistes-auteurs plasticiens, organisation syndicale nationale, plus de la moitié des plasticiens vivraient sous le seuil de pauvreté, avec un revenu médian deux fois plus faible que celui des salariés "lambda". D’où la nécessité d’élargir son champ d’activité. . Car les conditions émises par la Maison des artistes pour être affilé et pouvoir bénéficier des droits nécessitent de déclarer au minium un bénéfice de 900 fois le smic horaire par an, soit 8 577 €. Dans le cas contraire, l'artiste est assujetti et aucune ouverture de droit ne lui est accordée alors qu'il doit cotiser.

Trouver un emploi est déjà difficile dans un contexte économique particulièrement austère. De plusn travailler à côté se révèle contraignant et oblige parfois l'artiste à délaisser une part importante de son art. Car le plasticien doit aussi consacrer un temps considérable en démarches de galeristes, d'envoi de dossiers - souvent utopiques - ou de montage d'exposition.
Avec un budget de la Culture en baisse de 2% depuis 2 ans, du jamais vu dans la Vème République, des nombreuses aides publiques aux artistes ont totalement disparu, comme la subvention pour une première exposition par exemple. Les DRAC (Direction Régionale de l'Action Culturelle) ont un budget qui leur permet à peine d'entretenir un patrimoine.

Car si l'artiste peut tirer un bon profit sur la vente d'une œuvre (suivant la cote sur le marché de l'art), la situation est bien différente pour une exposition. L'ensemble des intervenants est logiquement payé pour la préparation et le déroulement de l'événement, sauf l'artiste, auteur de ce que l'on vient voir. Paradoxe ultime du monde de l'art, les institutions considèrent que c'est une chance pour un artiste d'exposer.
Bien souvent même, l'artiste, pour exposer doit payer une contribution de sa poche :
- de nombreuses galeries ou associations "offrent" leurs murs contre rétribution, dont les montants sont souvent inappropriés avec le statut des artistes
- des appels d'offre, sous forme de concours engendrent des frais qui ne sont ni remboursés ni valorisés pour les artistes : montage et envoi de dossiers (un joli dossier avec des impressions de qualité coûte cher) qui n'est jamais retourné, paiement d'une somme forfairaire obligatoire, que l'artiste soit sélectionné ou pas, "jury" fantaisiste composé de copains ou copines..


En France, il est donc malheureusement convenu de ne pas payer un artiste pour son exposition, même quand les structures en auraient les moyens. D'autres modèles existent à l'étranger, avec par exemple des grilles tarifaires pour rémunérer les artistes lors des expositions. Quant aux galeristes, qui sont pour la plupart dans le domaine privé à l’inverse des institutions précitées, ils sont souvent dans le même cas que les artistes, vivant uniquement de la vente des œuvres qu'ils présentent, avec une part qui varie selon les contrats. Et le marché de l'art étant fortement basé sur la spéculation, les un et les autres tentent de créer un réseau de « fidèles » pour (sur)vivre, avec ou sans statut.


28 nov. 2011

Giacometti et les Étrusques



Pinacothèque de Paris jusqu'au 8 janvier 2012

2500 les séparent.
Giacometti, le sculpteur le plus torturé du siècle denier et les ex-votos de cette étrange civilisation, les étrusques, vite disparue sous la Rome flamboyante.
Rapprocher des arts aussi apparemment différents que l'art ancien et l'art contemporain est le défi de l'exposition qui se tient actuellement à la Pinacothèque. Une façon aussi de présenter un art et une civilisation qui commence, avec les découvertes de la génétique, à livrer ses secrets.

Le mystère étrusque
D'où viennent les étrusques ? Déjà, dans l'Antiquité, la question faisait débat. Étaient-ils les descendants des actuels toscans, ou un peuple venu de la Turquie orientale, chassé par la famine après la guerre de Troie ? D'autres historiens ont soutenus que ce peuple aurait pu descendre des Alpes pour s'installer dans la fertile plaine toscane.
En 2004, une équipe internationale regroupant généticiens et archéologues a mené une étude portant sur l'analyse ADN de 80 squelettes en possession dans les musées italiens, et correspondant à un large arc de temps, du VIIème av JC au IIième siècle. Les analyses ont été effectuées dans des laboratoires différents, à Rome et à Barcelone. Cette première étude a été complétée en 2007, par des comparaisons avec l'actuelle population toscane. Le résultat est sans appel : le peuple étrusque se rapproche plus des peuples du moyen orient (Turquie, Palestine) que du peuple romain. Les étrusques venaient bien de l'ancienne Lydie, comme le soulignait déjà Hérodote au Vème siècle avant JC.
Pendant des siècles, grâce à une flotte puissante, les Étrusques surent garder leurs terres, en repoussant les colons venus de Grèce. Avec la fondation de la puissante Rome, les étrusques, minés par une société clanique et des révoltes internes, ne purent résister. En 264 avant JC, la dernière cité étrusque, Orvieto tomba aux mains des Romains. En 82 av JC, l'empereur Scylla fit exécuter les derniers étrusques, et toute la Toscane fut annexée à l'Empire romain.
Cette civilisation, considérée comme d'un grand raffinement disparu et l'on ne l'entrevoit aujourd'hui qu'à travers les écrits des historiens de l'antiquité et les découvertes archéologiques.

Les plus belles tombes étrusques ont été découvertes entre 1820 et 1850. La découverte du site de Tarquinia en 1958, puis dans les années 1960, la photographie aérienne à infra-rouges a permis de mettre à jour plus de 6200 tombes.
En l'absence d'écrits laissés par les étrusques et des cités, enfouies sous des villes postérieures, les tombes sont le seul moyen d'aborder la civilisation étrusque. Peintures, bronzes, objets domestiques renseignent sur le mode de vie de ce peuple, mais aussi sur le raffinement des objets, finement sculptés. Très tôt dans l'histoire, les Étrusques sont passés maitres dans l'art de travailler les métaux. Que cela soit le travail du bronze ou de l'or, les motifs et les formes sont originales, et ne se rattachent pas vraiment à ce qui se produisait alors dans le monde antique. Certes la poterie peut se rapprocher de la poterie grecque noire et blanche, mais les scènes figuratives sont accompagnées de motifs géométriques abstraits et répétés (que l'on retrouvera dans l'art musulman quelques siècles plus tard).
On peut dire que les Étrusques avaient leur propre vision du monde et de l'art, par une pureté formelle, des lignes simplifiées et une délicatesse dans l'exécution qui reste à part dans le monde antique.

Giacometti, la forme longiligne
C'est en 1920 que le sculpteur né en Suisse italienne en 1901, visite la Toscane et découvre les collections d'art étrusques à Florence. Il s'intéresse notamment au culte du divin dans les arts antiques. En 1922, lors de son installation à Paris où il passera la plus grande partie de sa vie,
il copie les œuvres des collections de l'art étrusque. « Depuis toujours, et cela sûrement pour plusieurs raisons, j'ai eu l'envie, le désir et le plaisir de copier, soit d'après des originaux, soit d'après des reproductions, toute œuvre d'art qui me touchait, m'enthousiasmait ou m'intéressait particulièrement » écrit-il dans le recueil « Notes sur le copies ». Élève de Bourdelle, Giacometti tente de comprendre le difficile travail de la forme longiligne, son équilibre (la répartition des masses).
En 1946, alors qu'il est affirmé comme artiste, il commence à réaliser des œuvres aux formes allongées, déformées et tourmentées qui feront son succès. Ces formes, qui renvoient à certaines statues étrusques, évoquent aussi le squelette. Profondément marqué par la seconde guerre mondiale, Giacometti explique qu'il veut évoquer un squelette dans l'espace. Sur dimensionnés, presque sans tête, déchirés, ces hommes vidés de leur âme traduisent aussi l'angoisse du peintre, son interrogation sur la nature humaine.

En 1955, s'ouvre au Louvre l'exposition «Art et civilisation des Étrusques ». 477 objets y sont exposés, provenant des dernières découvertes archéologiques. Giacometti y découvre des petits bronzes votifs , des candélabres tout en hauteur ornés de figures humaines, des vases cinéraires à tête humaine. Cette même année, le musée Guggenheim de New-York lui consacre une importante exposition.
Giacometti ne fait pas un mystère de sa fascination pour les arts antiques et les arts premiers. L'observation des œuvres antiques lui permet de parcourir à rebours la genèse d'autres formes, et comment ces formes pouvaient imprégner une civilisation et retransmettre son réel. En quelque sorte, le sculpteur se réapproprie les œuvres anciennes, les revisite à des millénaires de distance, dans un monde qui sort du chaos de la guerre.
Giacometti, travailleur acharné, meurt d'épuisement cardiaque en 1966.

L'art du modelage
Les étrusques étaient parvenus à un art du modelage rarement atteint dans l'antiquité. Que cela soit pour le travail des terres cuites, toujours ornées de motifs colorés ou pour la métallurgie. Pour cela, ils avaient développés des techniques de chauffe au charbon de bois. Ils travaillaient aussi bien l'argent, que l'or ou le bronze, mais aussi du cuivre et du plomb argentifère et du cinabre, un minerai permettant les colorations dans des rouges intenses.
Les étrusques utilisaient la technique de la cire fondue. Les ex-votos, mais aussi les objets de vaisselle, sont soigneusement polis et patinés, là où Giacometti laissera un effet de matière, qui sera d'ailleurs l'objet même de sa recherche plastique.
Giacometti réalise lui ses modelages en plâtre ou en terre sur armature. La terre lui permet de retoucher et d'affiner les œuvres. Les habitués de son atelier témoigne de son extraordinaire agilité à façonner, mais aussi à effacer, recommencer pendant des longues heures.
C'est son propre frère qui coule dans le bronze les plâtres, la fonte permettant plusieurs tirages d'une même œuvre.
« La sculpture n'est pas un objet, elle est une interrogation, une question, une réponse. Elle ne peut être ni finie, ni parfaite ».

Pour en savoir plus
De nombreux livres sont également proposés, vous les trouverez aussi dans vos librairies habituelles.

19 sept. 2010

André Abbal, la taille directe





André Abbal est né en 1876, à Montech (Tarn et Garonne). Fils et petit fils de tailleur de pierres, il commence à sculpter dans l'atelier familial.
Il étudie à l'école des Beaux-Arts de Toulouse, puis à Paris et travaille dans les ateliers des sculpteurs Falguière et Mercié. Il participe alors au salon des artistes français où il reçoit des prix.
En 1913, il envoie une oeuvre qui fait polémique "Le Génie Luttant", taillée directement dans la pierre, sans passer par le modelage par l'argile.
Aux beaux arts, on apprend aux sculpteurs à modeler la terre puis faire mouler un plâtre de l'oeuvre, avant de confier à un fondeur le soin de couler du bronze.
Dès lors Abbal s'affirme comme l'un des rares sculpteurs dit de "taille directe". Sans croquis préalable, sans étude, et sans passer par un système de point qui permet de recopier dans la pierre un modèle dessiné ou modelé. Le sculpteur doit avoir une parfaite connaissance de son matériau, mais il peut aussi jouer avec les "accidents" et la forme de la pierre.


Considéré par ses pairs comme un "simple tailleur de pierre", Abbal ne se décourage pas, et, si les années de guerre le privent de sculpture, il dessine et écrit. On le considère en 1919, comme l'apôtre de la taille directe, mais il refuse de présider l'association du groupe des sculpteurs de taille directe.


En 1921, il se marie et se retire à Carbone, près de Toulouse, dans une maison atelier transformée en musée en 1972 et toujours dirigé aujourd'hui par sa fille Anne-Marie. Il conserve toutefois son atelier de la Villa Brune à Paris.
La reconnaissance officielle d'Abbal commence en 1937, où il honore une commande d'état pour l'Exposition Internationale. Il réalise 3 sculptures monumentales, La moissonneuse, le labour et un bas- relief qui sera installé sur la facade du Palais de Chaillot à Paris. Dès lors, il participe aux grandes expositions, en compagnie des plus grands peintres Picasso, Bonnard, Rodin, Modigliani.  Il reçoit plusieurs prix et des commandes pour les villes de la région Midi-Pyrénées.


André Abbal meurt en 1953. 




Abbal fait surgir la forme de la pierre (marbre, granit), sans chercher la perfection de la statuaire classique, mais en "écoutant" sa pierre lui suggérer la forme. Portraits des membres de sa famille, maternité, oiseaux, son univers recherche la forme simple, débarassée de tout maniérisme. Abbal s'inspire de son univers quotidien, la nature, les proches ou les personnages croisés lors de ses promenades à Carbone.
La pierre brute est ciselée, martelée donne naissance à une vie intérieure.
Abbal a étudié l'art préhéllinistique et les oeuvres des tailleurs de pierre médiévaux. On retrouve d'ailleurs dans certaines de ces sculptures un "art primitif" et une simplicité voulue des formes. Seul devant son bloc, Abbal doit faire surgir ce qu'il ressent et  qu'il nous communique : la douceur brillante du marbre, la rugosité du granit, la force imposante du bloc de pierre, poli ou brut.
La taille directe n'est pas seulement une technique, mais une "règle de vie, une éthique, une esthétique et une ligne de conduite. C'est une reconquête de la matière vivante, et un communion avec le minerai. L'oeuvre de taille directe est avant tout un travail de l'esprit. Les seules préparations sont des dessins, la parfaite certitude de ce que veut l'artiste et la connaissance du bloc."


'Vous me demandez ce qu'est la vraie sculpture, écrit-il en 1920. Je ne saurais mieux vous répondre que ne ferait n'importe qui, même un enfant ! Et en effet, tout de suite, à la question posée, les deux mains s'élèvent et figurent le maillet frappant sur le ciseau contre un bloc idéal"


Qui ne voit pas dans la pierre, l'oeuvre qui s'y trouve, ne doit pas y toucher.

26 févr. 2010

Weston, le renouveau de la photo 2/2




L’art doit avoir une qualité vivante qui le relie aux besoins du présent et aux espoirs du futur, et ouvrir de nouvelles voies à ceux qui sont prêts à voyager, à ceux qui sont prêts mais qui ont besoin d’un choc révélateur.

En 1926, après 3 années passées au Mexique, Weston s’installe en Californie du sud. De plus en plus attiré par les formes de la nature, il photographie des fruits et légumes, puis aux coquillages. Il agrandit leurs dimensions, pour révéler leur structure, et leur complexité. Poivrons sensuels, coquillages mystérieux, Weston rencontre un grand succès avec cette série.

« J’ai crée ses images avec une vision purement esthétique et formelle », écrit-il en réaction à l’étonnement de ses amis.

Le retour en Californie n’est pas si facile. Weston a des soucis financiers, et il se sent déprimé. Toute fois, il photographie le désert – ses premiers paysages – et y voit là des possibilités créatives nouvelles. « On pourrait prendre des milliers de négatifs et rester des semaines sans en épuiser toutes les possibilités ».


Petit à petit Weston constitue un cercle de collectionneurs. En 1929, il s’installe à Carmel, et explore les paysages spectaculaires de l’Ouest américain, tout en continuant à photographier des natures mortes. Sa situation financière s’améliore, et il expose pour la première fois à New-York en 1930. A cette occasion, il remplace le papier au platine et au palladium pour du papier brillant. L’exposition est un succès et Weston enchaîne sur d’autres expositions. Il publie également un premier livre de photographies en 1930 «The Art of Edward Weston ».

« Je ne désire aucune émotion au second degré due à des papiers, des couleurs ou des surfaces recherchées. Seuls, le rythme, la forme et la perfection du détail sont à considérer »


Weston se tourne de plus en plus vers le paysage. Il photographiera la Californie et de nombreux sites américains. Alors que les autres photographes explorent l’américan way of life, Weston suggère que les paysages influent l’homme et son caractère.

Pour l’exposition Film und photo, organisée à Stuggart en 1930, Weston envoie des clichés de paysages californiens.


Weston a su sortir la photographie de son rôle d’amateurisme pour l’élever au rang d’art. Il va rechercher la forme, la ligne à travers le corps humain, les dunes, les coquillages ou les légumes, flirtant avec l’abstraction, mais toujours avec une sensualité.

Weston a été l’un des premiers à s’intéresser aux paysages, dont il ne cherche pas à reproduire fidèlement le spectacle, mais à en donner une vision poétique.

« Je ne place pas l’artiste sur un piédestal comme un petit dieu. Il est seulement l’interprète de l’inexprimable ».

Bibliographie

Edward Weston : formes de la passion de Terence Pitts, Le Seuil, d'où sont extraites les citations de son autobiographie, introuvable car pas rééditée.

La Californie, non empêtrée dans les traditions, moins liées par les conventions, plus ouverte, libre, jeune physiquement et spirituellement, offre un terreau encore vierge d’où sortiront un nouveau sentiment de la vie et de nouvelles manifestations de celle-ci, écrit-il dans le catalogue de l’exposition.

En 1933, après plusieurs liaisons, il rencontre Charis Wilson qu’il épousera en 1938. Elle n’est pas photographe mais elle lui sert de modèle pour ses nus et écrit les textes qui accompagnent les photographies de Weston.

Weston affine son travail sur ses thèmes favoris, paysages, natures mortes, nus. Il recherche les compositions les plus subtiles, les jeux d’ombres et de lumières forment des lignes complexes. Au hasard de ses voyages, il photographie aussi des sujets que personne n’aborde en photographie : des ruines, un morceau de bois aux formes arrondies, un gant jeté par un ouvrier ou le cadavre d’un clochard.

En 1946, une grande rétrospective est organisée au MOMA de New-York. Il se sépare aussi, douloureusement, de Charis, et photographie de moins en moins. En 1947, on diagnostique la maladie de Parkinson, qui ne rend toute création difficile. Weston s’essaye à la couleur mais la maladie l’empêche de continuer son travail. Il meurt le 1er janvier 1958.

Weston, le renouveau de la photo 1/2


Je n’essaye plus de m’exprimer pour imposer ma personnalité à la nature, mais je tente de m’identifier à elle, de voir ou savoir les choses telles qu’elles sont, leur essence même, afin que ce que j’enregistre ne soir pas une interprétation - mon idée de ce que la nature devrait être – mais une révélation, une ouverture dans un écran de fumée.


Edward Weston est photographe américain le plus novateur et le plus influent du 20ième siècle.

Né un 24 mars 1886 dans la banlieue de Chicago, il reçoit son premier appareil photo en 1902. Très vite passionné par la photographie, il s’installe en Californie et travaille chez plusieurs photographes professionnels.

Après son mariage, en 1909, il ouvre son premier studio de portraitiste, à Tropico (banlieue de Los Angeles). Weston renouvelle l’art du portrait en demandant à ses modèles de prendre des poses naturelles.

Pour Weston, la photographie permet de saisir un instant précis, un sourire ou un jeu de lumière sur un visage, mais aussi de véhiculer des impressions et des émotions. Reconnu comme photographe professionnel, il anime des clubs locaux, et envoie des tirages dans des concours internationaux. Il remporte des prix et se fait apprécier par le public. Ses photos son publiées dans les revues spécialisées. En 1921, Weston est passé maître du portrait.

Dans les années 20, Los Angeles est une ville provinciale, bien éloignée de New-York, la capitale artistique des Etats Unis. Mais Weston regroupe des artistes, musiciens, peintres, comédies et multiplie les échanges culturels. Sa rencontre avec Margaret Mather, une photographe au passé lourd lui fait connaître la vie de bohème et les bas-fonds de la ville des Anges.

En 1922, Weston entreprend un voyage à New-York, où il se lie avec des intellectuels, puis dans l’Ohio chez sa sœur. Les photos qu’il prend des aciéries Armco Steel représentent un tournant dans sa carrière. Le sujet industriel est à la mode, l’Amérique se modernise, les gratte-ciel s’élèvent dans le ciel, ne laissant pas les artistes indifférents à cette ère moderne. Grâce à ce sujet, Weston va rechercher la géométrie dans ses compositions. Il s’appuie sur les verticales des bâtiments, sur les horizontales des tuyaux, et entraîne la photographie vers une forme d’abstraction.

Sa rencontre avec Alfred Stieglitz, considéré comme le maître de la photographie américaine, va le stimuler et l’encourager. Si Stieglitz est exigeant, il est convaincu que l’art peut constituer la base de l’être. « Il m’a rendu confiant et plus sur de moi, écrit Weston dans son journal, et il m’a donné une compréhension plus fine de mon médium ».


En 1923, Weston part pour le Mexique en compagnie de sa compagne Tina Modotti. Alors que les artistes américains se rendent en Europe pour compléter leur expérience, Weston prend le chemin de Mexico, en plein essor artistique. Weston expose et conquiert le public. Très vite, il rejoint les artistes mexicains, Diego Riviera, Rafael Sala et autres, dans un milieu cultivé et politisé. Mais Weston reste en retrait des bouleversements politiques. Il est fasciné par ce pays qu’il décrit comme « un brillant chatoiement de contrastes extrêmes, vital, intense, noir et blanc, jamais gris ».

Weston ouvre un studio de photos à Mexico, et vit grâce aux portraits qu’il réalise pour ses compatriotes américains ou pour ses amis. Il s’intéresse aussi au nu.

Weston ne fait pas poser son modèle, mais le fait danser, pour capter la fluidité des lignes, et créer de nouvelles formes. Ce n’est pas le corps ou le visage humain qu’il cherche à graver sur la pellicule mais une réponse formelle aux mouvements du modèle, une réinvention de la forme. Ce n’est plus une démarche de photographe mais une démarche d’artiste.

« Essayer d’enregistrer chaque mouvement, chaque expression… tout dépend de la clarté de ma vision, de mon intuition à cet instant important qui, si il est perdu, ne se répétera jamais.

C’est aussi durant cette période mexicaine que Weston met en scène les objets de l’artisanat mexicain. Weston cherche à les photographier ave simplicité et économie de moyens pour faire écho à la façon dont ils ont été fabriqués. Si il admire les artisans, Weston a la dent dure contre les photographes célèbres comme Man Ray ou Moholy Nagy, ils les trouve trop maniérés.

En 1926, Weston quitte le Mexique pour revenir en Californie. La jeune femme, également photographe, vole de ses propres ailes, mais Weston gardera un contact amical et artistique avec celle qui fut son élève et son modèle.

Calder, la révolution de la sculpture 2/2


La forme qui sous-tend mon œuvre est le système solaire.

Calder, on le sait, fut fasciné par l’abstraction géométrique de Mondrian. Très vite, il utilise des feuilles de tôles, qu’il peint dans des couleurs vives et qu’il suspend. Ces formes simples viennent remplacer le cirque imaginaire, tout en gardant une poésie. Car c’est bien là le génie de Calder, susciter avec des formes simples, des moyens simples, l’émerveillement.

Calder ne cherche pas à détourner des objets de leur quotidien, mais d’utiliser ceux-ci comme moyen artistique, de les transformer.

Pourtant, lorsqu’il expose en 1928 à New-York des sculptures en fil de fer, la critique le traite de fou et ne le prend pas au sérieux.

Calder règle aussi le problème du socle dans la sculpture : en suspendant ces œuvres, il le supprime purement et simplement. Sans grand discours théorique, mais avec une incroyable inventivité, l’artiste révolutionne la sculpture. Il n’était pas le premier à rechercher le mouvement, le sculpteur Julio Gonzalez et Picasso travaillaient aussi sur ce thème. Mais Calder a su le mettre en œuvre de façon simple.

Faire bouger des plans différents dans l’espace et composer aussi avec les ombres qu’ils dessinent, tel est le pari réussi de Calder, qui composent avec les principes physiques de statique et de dynamique.

Calder a souvent dit qu’il s’amusait. Marteau, pinces, perceuse, scie sont ses outils, fil de fer et ficelle ses matériaux. Bien avant ses mobiles, Calder avait commencé par mettre au point ce fameux cirque, animé par des poulies, un moteur de batteur à œufs, de manivelles ou de ficelle.

Le cirque est un terrain ludique mais aussi un laboratoire pour les expérimentations du jeune sculpteur. Calder avait passé de longues heures à dessiner les acrobates du Cirque Barnum à New-York, étudiant le mouvement, les trajectoires et les lignes. Et si son cirque s’enrichit de nouveaux personnages, cette troupe espiègle réinvente une esthétique et une légèreté, entre poésie et dérision. Calder aimait mettre en scène et jouer pour son public avec ses personnages. Son cirque remplissait quand même 5 malles.

Calder mettait au point des maquettes en tôles d’aluminium de 50 cm de haut environ. Il faisait agrandir sa maquette par des professionnels de la tôlerie et pouvait ainsi monter des mobiles de 10 m de haut, sans assistant.

Décrit comme jovial, avec beaucoup d’humour, Calder fut aussi un homme engagé : contre la guerre au Vietnam, pour le désarmement nucléaire. Il a réalisé des affiches pour les candidats démocrates et se serait sûrement félicité de la victoire d’Obama.


L’œuvre de Calder, par son esthétisme réconcilie des aspirations antagonistes comme la tentation du bricolage, l’art populaire et la technicité.

Calder libère la sculpture d’un carcan figé et ouvre la porte à un Jean Tinguely qui va créer de drôles de machines animées.

Il inspire aussi l’art dit cinétique, représenté par Vasarely, et qui réunit à travers le monde des artistes influencés par l’épopée technologique de la conquête spatiale. Les groupes Zen (fondé en 1957 en RFA) et GRAV à Paris en 1961 cherchent à donner à l’art une fonction sociale, s’interroger sur l’esthétique et abandonner les deux dimensions du dessin au profit du volume et du mouvement. Bury et Takis en 1958 expérimentent le mouvement électromagnétique.

Plus prêt de nous, l’utilisation des matériaux de récupérations est revendiquée par bon nombre de plasticiens (voir les œuvres d’Annette Messager).

Calder ouvre aussi la porte à l’installation et à la mise en scène de l’œuvre et à toute une partie de l’art contemporain qui utilise les techniques les plus modernes pour réinventer la matière, le mouvement, et incorporer une notion de sensitif dans l’art.


Les œuvres de Calder sont aussi des œuvres en constante métamorphose, en raison de leur mouvement dans l’air, un microcosme animé par un potentiel d’énergies et de vibrations, permettant à l’œuvre de susciter chez son spectateur des émotions, des impressions. Malgré leur taille imposante, elles symbolisent un état indéterminé entre suspension et apesanteur, entre apparition et disparition de l’œuvre.

Mon but c’est de faire quelque chose qui soir comme un chien ou comme des flammes. Quelque chose qui est une vie en soi.

Calder, la révolution de la sculpture 1/2


Alexander Calder naît le 12 juillet 1908 dans un faubourg de Philadelphie (USA). Son père et son grand-père sont sculpteurs, sa mère est peintre. Une enfance bohème, rythmée par les changements de domicile. « Sandy » installe dans chaque nouvelle maison un atelier où il fabrique des petits objets avec des matériaux de récupération.

En 1919, il obtient son diplôme d’ingénieur mécanicien. Mais il enchaîne les petits métiers : ingénieur, dessinateur, journaliste jusqu’en 1922 où il décide de suivre des cours de dessin. Cette formation lui permet de rentrer à l’Art Students League de New-York où il se perfectionne.

Il travaille comme illustrateur pour la presse et publie en 1926 « Animal Sketching », un manuel de dessin. Il expose aussi ses peintures.

Muni d’une solide formation en dessin, Calder décide de s’installer à Paris, la capitale des Arts. En juin 1926, il crée des personnages en bois et fil, sur son thème de prédilection, le cirque. Il travaille aussi pour une compagnie américaine, qui lui commande des jouets articulés.

Il expose en 1928 et se fait connaître d’un cercle d’artistes : Pascin, Miro, Man Ray, Desnos, et Piet Mondrian qui le fascine. C’est d’ailleurs après cette rencontre que Calder se tourne vers l’abstraction et s’associe au groupe « Abstraction – Création ».

Dès lors Calder va régulièrement exposer, soutenu par Marcel Duchamp qui déclare « Outre le fait que cela signifie une chose qui bouge, cela signifie un motif ».


En 1934, il réalise son premier mobile de plein air, motorisé. L’année d’après, pour l’exposition universelle, il crée une fontaine de mercure. Ses « stabiles » comme les appelle Jean Arp font sensation, et une rétrospective de son œuvre est organisée en 1938 à New-York. Il n’a que 30 ans, et le style Calder s’impose. On le considère comme le pionnier de l’art cinétique et commence une série de sculptures nommées constellations.


Que reste-t-il aujourd’hui de l’œuvre de celui qui aura révolutionné la sculpture ? Ses mobiles semblent si familiers que l’on n’imagine pas l’innovation que cela a pu représenter dans les années 30. Les matériaux nobles de la sculpture, le bois, la pierre ou le bronze sont remplacés par du fil de fer, qui matérialise dans l’espace le trait de crayon. La notion de masse, si importante en sculpture était aussi balayée pour laisser la place au trait, aérien, ondulé.

Personnages, animaux, les sujets ne sont plus modelés dans la terre, mais délicatement tracés dans l’espace, avec humour et poésie.

Calder est fasciné depuis l’enfance par le cirque. Il crée donc un cirque imaginaire, et habille ses personnages de matériaux récupérés : bouchon, bouts de tissus, laine, boites de conserve. Absolument iconoclaste, dans le monde figé de la sculpture.

Ce petit cirque imaginaire donne des représentations dans l’atelier parisien de l’artiste est un instant de poésie, d’un nouveau rapport à l’œuvre d’art.

En 1966, il publie son autobiographie et fait une donation au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris et au MOMA de New-York. Reconnu partout dans le monde, il créera pour la Défense à Paris la fameuse Araignée Rouge qui sera installée en 1975.

Un an plus tard, Alexander Calder meurt d’une crise cardiaque. Il avait 68 ans.


Mais Calder a de l’imagination, et une formation d’ingénieur mécanicien. En 1931, il introduit le mouvement en sculpture. Les feuilles de tôle peintes se déplacent dans les airs, par les simples lois de la pesanteur et des mouvements de l’air, puis par des petits moteurs électriques, discrets pour masquer donner l’impression que les œuvres se meuvent par elles-mêmes. La sculpture classique était définitivement dépassée. De plus Calder s’efface devant ses constructions. Les mobiles sont simplement là, ondulant au gré de l’air, comme plus tard, ses monumentaux stabiles feront oublier leur gigantisme pour s’inscrire avec légèreté dans les paysages urbains

Tina Modotti, la passionnaria photographe



Je mets trop d'art dans ma vie, par conséquent il ne me reste plus grand chose à donner à l'art.

Etrange destin que celui de Tina Modotti, l'une des plus fascinantes photographes du 20ième siècle. Sa vie est digne d'un roman, faite de passions, de fougue, de revirements.
Née un 17 août 1896 à Udine en Italie, dans un foyer très modeste, elle ne peut suivre des études et commence à travailler dès l'âge de 12 ans comme ouvrière textile. Ses parents émigrent en Autriche, puis à San Francisco, où elle les rejoint en 1913. Elle s'installe comme couturière indépendante.

Mariée à un poète, elle fréquente un milieu artistique proche des studios d'Hollywood. Elle obtient des petits rôles dans des films muets où elle joue les femmes fatales (The tiger's coat en 1920, puis Reading with death en 1921 et I can't explain en 1922). Sa rencontre avec le photographe Edward Weston en 1921, va profondément bouleverser sa vie.
Weston lui enseigne la photographie : il devient son amant, elle est son modèle et son assistante, dans une relation souvent difficile mais particulièrement enrichissante pour Modotti. Un an après la mort de son mari, Tina et Weston partent s'installer au Mexique (1923).
On la retrouve à Berlin, puis à Moscou où elle travaille pour une organisation gouvernementale communiste. Elle se rend Paris, puis en Espagne en pleine guerre civile (1936) où elle assiste les républicains. Après la victoire de Franco en 1939, elle retourne au Mexique sous un faux nom en compagnie de Vittorio Vidali, un agent à la solde du KGB rencontré en Espagne.
Elle est retrouvé morte le 5 janvier 1942, dans un taxi à Mexico. Certains spécialistes pensent qu'elle aurait été assassinée sur l'ordre de Vidali, dont elle n'ignorait pas les troubles activités durant la guerre d'Espagne. Les médecins légistes ont conclu à une mort naturelle due à une congestion cérébrale.
Enterrée à Mexico, Pablo Neruda composera son épitaphe.
Il faudra attendre 1996 pour qu'une exposition lui soit consacrée.

Tina Modotti commence sa carrière de photographe par des clichés romantiques, inspirés de natures mortes. Mais son arrivée au Mexique va modifier son regard. Là où son mentor, Weston, cherche à fixer le folklore mexicain dans des compositions originales, Modotti va rechercher l'humain. Elle photographie des ouvriers, des paysans et des femmes, parfois saisies dans leur nudité. Pourtant, elle doute de ses talents d'artiste, se trouvant plus légitime dans l'engagement politique.
Souvent qualifiée de formelle, on oublie que l'artiste a réalisé des compositions originales pour l'époque. Ce fut aussi l'une des premières photographes à travailler sur le nu. Même si ses clichés ont parfois des allures d'allégorie, elle a aussi su saisir des instants de vie. Chez Modotti, la conception de l'art est totalement liée à son engagement politique. Photographier des ouvriers, des travailleurs, des femmes nues était tout à fait compréhensible dans le contexte du Mexique à cette époque, assez choquant pour l'opinon publique européenne ou nord-américaine, ce qui explique le peu de succès de Modotti jusqu'aux années 1990.
Elle sera aussi la photographe des Muralistes. Après son adhésion en 1927 au Parti Communiste, elle publiera dans la presse ses clichés.

Avec son retour en Europe dans les années 30, elle délaisse la photographie, se contentant de publier quelques clichés dans les journaux berlinois et madrilènes. Sans doute parce que, dans les milieux politiques qu'elle fréquente, la photo est uniquement documentaires.
Le Mexique est un pays en pleine effervescence : guérillas, luttes militaires, rebellions des religieux et des anciennes classes dirigeantes qui n'acceptent pas le régime communiste. Très vite, Tina Modotti fréquente le milieu intellectuel et les artistes du mouvement "les Muralistes", engagés dans la révolution : Diego Riviera, Frida Kahlo, le poète russe Maiakovski. Tina affirme son style en photographiant les femmes et les gens du peuple. Ses relations avec Weston se distendent. En 1926, elle se lie avec un peintre révolutionnaire qui part en URSS en 1928. Elle rencontre alors un exilé cubain, Julio A. Mella, qui est abattu sous ses yeux en 1929 par des agents du gouvernement de la Havane.
Militante, engagée, assez radicale, elle est accusée d'espionnage pour le compte de Moscou et se fait expulser du Mexique en 1930.

Pure your gentle name, pure your fragile life,
bees, shadows, fire, snow, silence and foam,
combined with steel and wire and pollen to make up your firm
and delicate being. Pablo Neruda

25 févr. 2010

Marcel Duchamp, le concepteur



Quand en 1917, Marcel Duchamp (1887-1968) expose son urinoir, sous le pseudonyme de R. Mutt, il ignorait sans doute qu'il allait révolutionner l'art de façon radicale.

Par cette boutade, le peintre, proche du mouvement Dada, voulait surtout ridiculiser la très sérieuse Sociéty of Independant Artists de New-York. En présentant, au milieu de peintures conventionnelles, un objet des plus insolites, Duchamps pensait surtout à un geste "politique" dans la philosophie Dada.
Dada nait avec la première gu
Duchamp abandonne la peinture vers 1914 pour se consacrer à ce qu'il appelle des "ready made", des objets touts faits, qu'il retouche à peine : Roue de bicyclette, Porte-bouteilles. Ces objets produits industriellement, standardisés et commercialisés sont détournés de leur fonction utilitaire première, déplacés de leur lieu habituel, pour être posés dans les lieux "sacrés" de l'art, les galeries et musées. The fountain - l'urinoir - en 1917 fait l'effet d'une petite bombe pour les critiques, sème la confusion pour les artistes et oblige les philosophes a revoir leur copies sur l'esthétisme.
L'art a changé, dans ce début du 20ième siècle bouillonnant : cubisme, suprématisme, abstraction, surréalisme... Les artistes prennent la place des philosophes en rédigeant des manifestes, en s'impliquant politiquement, et en occupant un terrain laissé vide par les penseurs. L'art ne renvoie plus désormais à l'image harmonieuse d'un monde sublimé, placé sous le signe du beau idéal.

Duchamp, en placant un objet commun dans un musée, fait une démarche conceptuelle : "que Richard Mutt ait fabriqué cette fontaine avec ses propres mains, cela n’a aucune importance, il l’a choisie. Il a pris un article ordinaire de la vie, il l’a placé de manière à ce que sa signification d’usage disparaisse sous le nouveau titre et le nouveau point de vue, il a créé une nouvelle pensée pour cet objet ". Par ce geste, il ouvre la porte à une nouvelle forme d'art, et affirme ainsi la rupture totale de l'art et du beau.
erre mondiale et regroupe des peintres, des poètes et des sculpteurs qui de Paris à Nex-York, de Belin à Munich poussent le même cri de desespoir et de révolte contre la guerre, contre l'art-illusion, contre le Beau trompeur, contre une société capable d'exterminer des millions d'hommes. "Merde à la Beauté'" crie Dada, qui repose le statut de l'artiste face à un monde en mutation.


Il faudra toutefois attendre les années 1960 pour que les travaux de Duchamp soient prolongés. L'urinoir originel, hormis le petit scandale qu'il provoqua en 1917, fut vite oublié. L'art est passé par une seconde guerre mondiale, un redécoupage du monde. C'est en 1963, lors d'une rétrospective Duchamp que l'urinoir est à nouveau exposé, et connait un succès retentissant. Il en existe 3 copies (dont une à Beaubourg). Le tout naissant mouvement "Pop Art" se réapproprie l'urinoir et la philosophie des ready made. On pense à Andy Wharol qui expose des boites de soupes Campbells en 1962.
Dans son sillage, des jeunes artistes s'orientent vers ce que l'on appelle désormais l'art conceptuel, fondé par Duchamp : un art qui remet en en cause toutes les notions classiques de l'art : la pensée de l'artiste prime sur la réalisation technique, la valeur prime sur le savoir faire.

La notion d'esthétique, avec son univers de la sensibilité, des émotions et de l'intuition est bien caduque. Cela fait dire au philosophe Nelson Goodman que la question primordiale de l'art aujourd'hui n'est plus "Qu'est-ce que l"Art", mais "Quand y a-t-il Art ". Il y a art quand l'objet fonctionne symboliquement comme une oeuvre d'art. Ce qui renvoie finalement à l'arbitraire de chacun, et fait appel à notre notion personnelle du beau.
Et finalement permet aux artistes d'ouvrir d'autres portes, de repenser l'esthétique et de laisser cours à leur imagination. Avec la relative liberté de l'adhésion du public et en gardant à l'esprit cette phrase de Picabia : "L'art est mort ! Je suis le seul à n'en avoir pas hérité."


Bibliographie
- Duchamp du signe, écrits aus Editions Flammarion
- Marcel Duchamp de Judith Housez, aux Editions Grasset
- l'art conceptuel de Peter Osborne aux Editions Phaidon Press
- A la frange du conceptuel, ouvrage collectif sous la direction d'Eric Manguelin aux Editions Huget
- Manière de faire des mondes de Nelson Goodman aux Editions Chambon
- Philosophie de l'Art de G. Lukacs aux éditions Gallimard
- La transfiguration du banal d'A. Danto aux éditions Le seuil.


Joseph Beuys 2/2


"Ces formes invisibles, ne restent invisibles que tant que je n'ai pas d'yeux, point d'organes pour pouvoir percevoir ce qui est apte a devenir image. Pour qui sait donc se créer un organe de perception, ces formes sont perceptibles."

Les dessins que Beuys accumule tout au long de sa vie (une collection dont il ne se séparera jamais) sont empreint d'une finesse de la forme, et de légereté.
Assez en décalage avec les oeuvres les plus connues de l'artisten monumentales et imposantes.

Le sculpteur
Très vite d'ailleurs, dans ces sculptures ou installations, Beuys utilisera des matériaux peu classiques : miel, beurre et corps gras, cire d'abeille, os, poils. Des matériaux naturels, dont il peut expérimenter les réactions. L'emploi du feutre - souvenir de ses années d'armée et de sa supposée captivité dans le désert, et le cuivre porteur d'électricité.

Influencé par Duchamps, Beuys veut, à travers la sculpture expérimenter toutes les sensations possibles, il en définit d'ailleurs 25.

Sans doute parce qu'il vit dans une allemagne coupée en deux, à peine sortie de la tragédie du nazisme, Beuys invente le concept de "sculpture sociale". Par l'emploi de matériaux simples, de formes sans apparente complexité, l'artiste veut réconcilier l'individu avec son environnement, par le biais de la création. La phrase "chaque homme est un artiste" rappelle les potentiels de créations en chacun de nous.

Monumentales, massives, les sculptures de Beuys évoquent la matière, le corps.

"Les forces qui sont à l'oeuvre dans la sculpture sont celles qui sont à l'oeuvre dans l'homme. Toujours en prenant comme critère les énergies présentes dans les matériaux et dans leur forme, je constate que les énergies indéterminées sont celles qui existent dans la volonté de l'homme, que les énergies motrices sont celles de son affectivité (au centre) et que le principe de la forme se retrouve en haut, dans la tête (là où les gens localisent le siège de la pensée) .Vous avez donc là un élargissement de la notion d'art dans un sens anthropologique qui fait éclater les limites du concept d'art moderne .Dans la mesure où ses principes fondamentaux s'étendent à l'homme dans sa totalité."

Le théoricien

Il est l'un des tous premiers artistes à mettre sa vie en art, avec une certaine ironie. Son chapeau célèbre, ses frasques (il s'expose pendant 3 jours avec un coyote dans une galerie américaine), un certain culte de sa propre personnalité s'inscrivent dans le Gesamkunstwerk, l'oeuvre d'art totale, déjà utilisée par Wagner, la pleine réalisation de l'homme en tant qu'artiste.

Mais Beuys est aussi un homme de combat, il fondera des académies d'art indépendantes et fera preuve d'un certain activisme pour défendre ses idées.

Avec Infiltration homogène pour piano à queue (au Centre Beaubourg à Paris), Beuys présente un piano enveloppé dans une épaisse enveloppe de feutre, le faisant ressembler à un animal. Le piano est dépouillé de sa fonction de production de son. Avec la croix rouge de l'urgence, Beuys veut inciter le spectateur à renouer avec l'essentiel en lui, à dompter son animalité. On sait que l'artiste était passionné par le chamanisme et par les arts préhistoriques.

Et si le feutre, grossier, tout comme la graisse dont il enduit certaines de ses oeuvres sont ces matériaux de prédilection, il opère l'impossible mutation entre l'organique et le spirituel, entre la simplicité du matériau et l'oeuvre d'art.

Toutes les installations de Beuys et toutes ses créations tendent vers ce même but, l'émergence de la créativité, sublimée. Au passage, Beuys est un des premiers artistes a remettre en cause la vision esthétique classique (le beau, le laid), il la remplace par une vision sensitive. En cela, il ouvre la porte à l'art conceptuel actuel.

C'est clair, lorsque certaines idées ou certaines énergies de l'homme, qui tendent à une réalisation, se heurtent à de gros obstacles et sont par conséquent freinées - comme c'est aujourd'hui le cas pour tous ces hommes qui voudraient aller plus loin mais que les circonstances quotidiennes de la vie et les systèmes politiques bloquent - il se produit tout simplement un effet de rayonnement. C'est cette volonte entravée qui rayonne. Voici aussi le sens de certaines sculptures très ramassées, denses comme les tas de feutre que j'appelle agrégats ou machines productrices d'énergie - non parce qu'elles produisent du courant électrique, mais parce qu'elles sont censées avoir ce "rayonnement intérieur ". Au sens métaphorique, bien sûr. Elles fournissent une indication sur une force qui devrait être mise en oeuvre dans chaque homme

"Je réclame une meilleure forme de la pensée, de la sensation et de la volonté. Ce sont les véritables critères esthétiques."

Joseph Beuys 1/2


"Chaque homme est un artiste "
Pas simple de parler de Joseph Beuys, figure emblématique de l'art d'après-guerre, peintre, dessinateur, sculpteur et fondateur du mouvement Fluxus.

Né le 12 mai 1921 en Allemagne, Beuys doit interrompre ses études, il songe à devenir médecin, en raison de la seconde guerre mondiale. Pilote de l'air de la Luftwaffe, son avion s'écrase en Crimée. Traumatisé par cet événement, il racontera que son avion s'est écrasé dans le désert et qu'il a été sauvé par des nomades...
Après guerre, il entreprend des études artistiques, à l'Académie des Beaux-Arts de Dusselldorf, puis auprès du sculpteur allemande Mataré. Il exposera dès 1953, tout en continuant à se former.
En 1961, il co-fonde le mouvement Fluxus.

Fluxus refuse la catégorisation en art, se veut libertaire, héritier de Dada, du musicien John Cage et regroupe des artistes aussi différents que Ben, Daniel Spoerri, Brecht...

Beuys fondra également la Documenta, manifestation d'art contemporain, en parallèle avec un difficile statut de professeur à l'université de Dusseldorf. Prônant une révolution de la sculpture et un art accessible à tous, ces postions engagées ne sont pas au goût des autorités de la ville. Il retrouve un poste d'enseignant à Hambourg, puis à Vienne. Il est également membre de l'académie des Beaux-Arts de Berlin. Alternant conférences sur l'art, expositions, et projets artistiques, il jouit rapidement d'une renommée internationale, et ses travaux sont récompensés par de nombreux prix.
Il meurt le 21 janvier 1986 à Dusseldorf.

Voilà pour quelques repères biographiques.
Reste l'oeuvre, complexe que l'on peut regrouper autour de 3 grands axes

Beuys, dessinateur

Le dessin chez Beuys n'est pas un travail préparatoire, mais une oeuvre à part entière. Le dessin magnifice l'essence des choses. A travers des formes supposées simples, Beuys recherche l'empreinte, la trace, qui permet une perception de la réalité dans ce qu'elle a d'essentielle. On retrouve ainsi dans ses dessins des figures quasi préhistoriques d'animaux, des corps schématisés ou des paysages qui invitent à nous souvenirs de la terre première.
Pour renforcer cette idée de primarité de toute chose, Beuys se tourne vers des matériaux inédits. Aux traditionnels crayons papier et peintures à l'eau, il va ajouter du sang, du chlorure ferreux, du bronze doré.

Anselm Kiefer

Est-ce parce qu'il est né en 1945, sous les bombardements qu'Anselm Kieffer commencera son parcours artistique en dénonçant dans ses oeuvres le nazisme et les destructions de la seconde guerre mondiale ?

Etudiant en droit, puis en littérature, il se tourne vers l'Art, et étudie dans plusieurs académies allemandes.
Parce que le devoir de mémoire ne doit pas être oublié, Kiefer fait scandale en 1969 en s'exposant dans la pose du salut nazi.
"Pour se connaître soi, il faut connaître son peuple, son histoire pour réveiller la mémoire.' Non pour changer la politique, mais pour me changer moi, et puiser dans les mythes pour 'exprimer mon émotion. 'C'était une réalité trop lourde pour être réelle, il fallait passer par le mythe pour la restituer."

Parce qu'il vivra sa jeunesse dans une allemagne coupée en deux, l'artiste explorera les thèmes de la destruction, de la catastrophe, du vide. En quête de son identité, de sa place dans le monde, Kiefer noie paradoxalement ses toiles sous une abondance de matériaux et un travail subtil de la couleur, qui se révèle au fur et à mesure de la vision. A priori austères, les peintures révèlent une richesse de tons.
Peintre de l'accumulation Kiefer ?

Elève de Joseph BEUYS, il opère dans ses oeuvres une singulière union entre sculpture et peinture. Sable, livres, terre, feuilles ou arbustes coulés dans le plâtre puis collés sur des toiles immenses, Kiefer prolonge la recherche de Dubuffet en la structurant. Chez Dubuffet les matériaux, que ce soient des ailes de papillons, du sable, du bois sont le sujet de la peinture. Chez Kiefer, elles ne sont qu'outils, prétexte à des représentations et d'une vision du monde.
Mais ce qui étonne c'est le format des oeuvres. Dépassant le format "4x3", surchargées de matériaux, elles gardent un homogénité de structure et de construction. A l'instar de la sculpture qui recherche toujours l'équilibre des masses, Kiefer équilibre le poids très physique de ces toiles par une même unité de couleurs.
Erudit, passionné de poésie, féru de mystique juive, Kiefer insère toujours un livre ou deux livres dans ses compositions. Il en fabrique aussi, sculpures en soi mais symboles dans ses recherches sur le savoir universel par l'image.
« Le livre, l’idée d’un livre ou l’image d’un livre, est un symbole d’apprentissage, de transmission du savoir […]. Je fabrique mes propres livres pour me retrouver dans les histoires anciennes. » dit-il.


«Je suis seul, je mets la fleur de cendre
dans le verre rempli de noirceur mûrie. Bouche sœur,
tu prononces un mot qui survit devant les fenêtres,
et sans un bruit, le long de moi, grimpe ce que je rêvais».
En 2007, Anselm Kiefer a investit le Grand Palais à Paris. Non seulement pour y présenter ses peintures géantes mais pour habiter le lieu, et perdre son visiteur dans l'immensité de son univers.
Anselm Kiefer, lauréat de nombreux prix internationaux vit et travaille en France.

Bibliographie
- Anselm Kiefer Sternenfall : Grand Palaisde Paul Ardenne et Pierre Assouline aux éditions du Regard
- Anselm Kiefer de Daniel Arasse, aux Editions Thames.

s.

Annette Messager


"Je suis la colporteuse de chimères, la colporteuse de rêves simiesques, des délires arachnéens. Je suis la truqueuse, la truqueuse des photos repeintes, des agrandissements d'images, des lentilles déformantes. Je suis la menteuse , la messagère des fausses prémonitions, des amours douteux, des souvenirs suspects , la dompteuse des araignéees de papier".

Née en 1943, Annette Messager est surement "l'artiste" de ce 21ème siècle naissant. De ses études d'arts appliqués elle gardera le goût de l'objet. Les Arts appliqués recouvrent trois domaines, le graphisme, le design et l'objet. La plasticienne va s'intéresser à l'objet, son culte, sa fonction. L'exposition "les pensionnaires" - 1974 - montre des oiseaux empaillés et emmaillotés dans du tricot et choque le Tout Paris.

Proche du féminisme, Annette Messager ne va pas cesser "d'épingler" les gestes du féminin : tricot, broderie (ses fameuses petites phrases brodées genre "je pense donc je suce"), couture sont récurrents dans son oeuvre.
L'objet devient aussi un totem, un talisman ou un fétiche moderne. (les peluches abandonnées et revisitées par l'artiste comme symbole de "fausse vie"). En bonne héritière de l'art pauvre (arte povera), l'artiste récupère morceaux de tissus, crayons, vêtements et petits objets d'un quotidien assez féminin.

Mais l'artiste ne se limite pas à l'univers des objets. En 1971, elle fait scandale en exposant des photographies d'enfants dont les yeux sont percés ou biffés. On ne touche pas si facilement au mythe de l'enfance...
Mais c'est toujours vers le féminin que revient Annette Messager. Au travers de montage photos, de collages, l'artiste pointe tous les travers d'une société où le rôle de la femme reste encore celui d'une ménagère ou d'un objet de désir.

Son travail inspirera bon nombre d'enseignants en arts plastiques : le détournement d'objet, le collage, la réappropriation d'images publiques, la fiction personnelle... Bien des choses qui nous semblent acquises aujourd'hui. Elle redonne aussi sa place à la femme en tant qu'artiste, en montrant que la création au féminin peut rimer avec inventivité et succès.
Annette Messager suit un parcours individuel, même si les thèmes abordés sont génériques : la femme, l'enfance, l'objet, la mort aussi, la génétique. Elle enseigne actuellement à l'école des Beaux-Arts de Paris.

"

Après avoir reçu le Lion d'Or à la Biennale de Venise en 2005 avec son installation "Casino" au pavillon français. En 2007, elle a investit le centre Beaubourg à Paris, avec des installations de peluches, tissus, dessins. Cette exposition a également été présentée en 2008 à Tokyo et à Londres cette année.

"Oh, c’est comme dessiner une forêt... Ce qui est bien, c’est que ça, on l’a tous, et c’est quand même dégueulasse tout ce qu’on a à l’intérieur! Les intestins que j’ai fait, je voulais qu’ils ressemblent à des coussins, à des poupées. Les organes suspendus c’était la maternité, un foetus qui ressemblait à une poupée. Il faut garder une distance, ça reste de l’ordre de l’imaginaire. Ce qui m’intéresse c’est un fantastique qui est là, en nous, pas le fantastique lointain, ce qui m’intéresse, c’est nous-mêmes." (interview en 1999- les Inrocks)

Bibliographie

- Les messagers, d'Annette Messager, aux éditions Barral

- La femme et .... d'Annette Messager, aux éditions DIlecta

- enfin l'ouvrage de référence : Annette Messager par Robert Storr aux éditions Ori (livre en anglais).

Pour cette occasion et avec le concours d'étudiants des Beaux-Arts, Anette Messager a inventé une incroyable salle composée de boyaux.


Yves Klein, le temps et l'infini 2/2


"Avec le vide, les pleins pouvoirs"

Yves Klein connait un succès grandissant, non seulement en raison des idées novatrices qu'il défend mais aussi par rapport à une certaine originalité dans la façon de se concevoir artiste.

En 1958, avec l'exposition "Le vide", Klein met en scène une vision particulière de l'art qui allait faire école : le concept. Non seulement il vide totalement la galerie, allant même jusquà faire installer le téléphone à l'extérieur, la repeint en un blanc lumineux, mais il soigne l'extérieur : rideaux extérieurs peint du bleu célèbre, et l'obélisque de la Place de la Concorde à Paris est éclairée en bleu. Klein reprend les théories de Duchamp : l'idée est plus importante que l'oeuvre d'art matérielle.
Au passage, il réalise la première installation du siècle.
Mais Klein ne va pas s'arrêter à cela.
Pour l'artiste, la sensiblité picturale "existe au-délà de nous,et pourtant elle appartient à notre sphère". Passionné de judo, qu'il pratiquera toute sa vie, il réalise des premières empreintes de corps en roulant le modèle dans une toile en 1959. Il poursuit en organisant dans les galeries des "happenings" ou "performances artistiques", en badigeonnant des modèles du bleu IKB et en les faisant se projeter sur la toile. La relation entre le modèle (passif) et le peintre (actif) est inversée. Plus d'une soixantaine d'antropométries ont ainsi été réalisée, sur papier et tissus.
Klein fondra dans les années 60, le groupe des Nouveaus Réalistes regroupant le fidèle Arman, Jean Tinguely, Nikki de Saint Phalle, David Spoerri et d'autres créateurs voyageurs et visionnaires.
Les courants d'art actuels : Fluxus, Body art, art conceptuel, installations et performances sont issus de l'oeuvre de Klein.

Klein reste associé à sa couleur, l'IKB. Mais il ne s'est pas limité, dans ses recherches à cette seule couleur.
Toujours à la recherche de l'intensité et de la force de la couleur, Klein, se tourne vers le magenta puis l'or (le jaune), les 3 couleurs primaires. IL avait déjà peint des éponges en bleue et en rose, l'éponge se saturant du pigment. "L'éponge illustre parfaitement l'imprégnation de toute chose avec de la sensibilité picturale". Toute une série de tableaux-reliefs voit le jour entre 1957 et 1960, rappelant les fonds originaux marins ou des paysages lunaireq. Klein veut immerger le spectateur dans un espace de quiétude, l'amener par la contemplation à une transe éveillée, "une force vibratoire créatrice" dit-il.

Klein est faciné par l'or. Il avait suivi une formation de doreur. L'or, valeur suprème et marchande, est ici sublimée en énergie solaire, en feu. Ne lésinant pas sur l'utilisation de feuilles d'or, Klein se réfère à l'art de l'icone, aux enluminures du Moyen-Age ou aux coupoles dorées des mosquées. Autant d'influences religieuses, qui rappellent que Klein était aussi un mystique. Il se rend souvent en pélerinage et vénère Sainte Rita.

Il réalisera d'ailleurs en 1961 un ex-voto au sanctuaire de la sainte, un simple coffrage rempli des 3 pigments, bleu, magenta et or. Le rose, figure de la matière, du sang, de la vie terreste cotoie le bleu spirituel et tous deux se rejoignent dans l'état immatériel ou infini de l'or.
Magenta, Bleu, Or. Ce sont aussi les 3 couleurs de la flamme, sa décomposition chromatique. Klein recherchait à représenter le feu en peinture, l'âme du feu que cela soit la douce chaleur du rayon solaire (le bleu)ou les feux de l'enfer (le rose).
En 1961, il présente l'exposition "Monochromes et Feu". A coté des grands panneaux des 3 couleurs, Klein propose un dispositif pyrotechnique qu'il met en scène lors du vernissage de l'expo. Mais c'est lors du dévernissage qu'il va surprendre une fois du plus le public. A l'aide d'un lance-flammes, il brûle des peintures. Il inaugure alors une série de peinture de feu, en utilisant le feu comme matière picturale. Pour cela, Klein a travaillé avec des ingénieurs de Gaz de France, en multipliant les essais au Centre d'Essais de GDF à Paris.
Il pourra alors enflammer des toiles peintes et travailler jusqu'au vide pictural.
"Il faut être comme le pur feu dans la nature, doux et cruel, on doit pouvoir se contredire. Alors, alors seulement, on est vraiment un principe personnifié et universel".

En 1962, Yves Klein que ses amis ont toujours décrit comme un homme chaleureux, humble et extrêmement sensible décédait d'une crise cardiaque. Prémonition ? Sensibilité aigue de l'artiste. Ces dernières oeuvres représentent l'une un tombeau empreint de poésie et l'autre une photo de lui sous cette oeuvre "Ci-git l'espace".
"Maintenant, je veux aller au-delà de l'art, au-delà de la sensibilité, de la vie. Je veux aller dans le vide. Je veux mourir et on doit pouvoir dire de moi : il est mort, donc il vit"