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28 nov. 2011

Giacometti et les Étrusques



Pinacothèque de Paris jusqu'au 8 janvier 2012

2500 les séparent.
Giacometti, le sculpteur le plus torturé du siècle denier et les ex-votos de cette étrange civilisation, les étrusques, vite disparue sous la Rome flamboyante.
Rapprocher des arts aussi apparemment différents que l'art ancien et l'art contemporain est le défi de l'exposition qui se tient actuellement à la Pinacothèque. Une façon aussi de présenter un art et une civilisation qui commence, avec les découvertes de la génétique, à livrer ses secrets.

Le mystère étrusque
D'où viennent les étrusques ? Déjà, dans l'Antiquité, la question faisait débat. Étaient-ils les descendants des actuels toscans, ou un peuple venu de la Turquie orientale, chassé par la famine après la guerre de Troie ? D'autres historiens ont soutenus que ce peuple aurait pu descendre des Alpes pour s'installer dans la fertile plaine toscane.
En 2004, une équipe internationale regroupant généticiens et archéologues a mené une étude portant sur l'analyse ADN de 80 squelettes en possession dans les musées italiens, et correspondant à un large arc de temps, du VIIème av JC au IIième siècle. Les analyses ont été effectuées dans des laboratoires différents, à Rome et à Barcelone. Cette première étude a été complétée en 2007, par des comparaisons avec l'actuelle population toscane. Le résultat est sans appel : le peuple étrusque se rapproche plus des peuples du moyen orient (Turquie, Palestine) que du peuple romain. Les étrusques venaient bien de l'ancienne Lydie, comme le soulignait déjà Hérodote au Vème siècle avant JC.
Pendant des siècles, grâce à une flotte puissante, les Étrusques surent garder leurs terres, en repoussant les colons venus de Grèce. Avec la fondation de la puissante Rome, les étrusques, minés par une société clanique et des révoltes internes, ne purent résister. En 264 avant JC, la dernière cité étrusque, Orvieto tomba aux mains des Romains. En 82 av JC, l'empereur Scylla fit exécuter les derniers étrusques, et toute la Toscane fut annexée à l'Empire romain.
Cette civilisation, considérée comme d'un grand raffinement disparu et l'on ne l'entrevoit aujourd'hui qu'à travers les écrits des historiens de l'antiquité et les découvertes archéologiques.

Les plus belles tombes étrusques ont été découvertes entre 1820 et 1850. La découverte du site de Tarquinia en 1958, puis dans les années 1960, la photographie aérienne à infra-rouges a permis de mettre à jour plus de 6200 tombes.
En l'absence d'écrits laissés par les étrusques et des cités, enfouies sous des villes postérieures, les tombes sont le seul moyen d'aborder la civilisation étrusque. Peintures, bronzes, objets domestiques renseignent sur le mode de vie de ce peuple, mais aussi sur le raffinement des objets, finement sculptés. Très tôt dans l'histoire, les Étrusques sont passés maitres dans l'art de travailler les métaux. Que cela soit le travail du bronze ou de l'or, les motifs et les formes sont originales, et ne se rattachent pas vraiment à ce qui se produisait alors dans le monde antique. Certes la poterie peut se rapprocher de la poterie grecque noire et blanche, mais les scènes figuratives sont accompagnées de motifs géométriques abstraits et répétés (que l'on retrouvera dans l'art musulman quelques siècles plus tard).
On peut dire que les Étrusques avaient leur propre vision du monde et de l'art, par une pureté formelle, des lignes simplifiées et une délicatesse dans l'exécution qui reste à part dans le monde antique.

Giacometti, la forme longiligne
C'est en 1920 que le sculpteur né en Suisse italienne en 1901, visite la Toscane et découvre les collections d'art étrusques à Florence. Il s'intéresse notamment au culte du divin dans les arts antiques. En 1922, lors de son installation à Paris où il passera la plus grande partie de sa vie,
il copie les œuvres des collections de l'art étrusque. « Depuis toujours, et cela sûrement pour plusieurs raisons, j'ai eu l'envie, le désir et le plaisir de copier, soit d'après des originaux, soit d'après des reproductions, toute œuvre d'art qui me touchait, m'enthousiasmait ou m'intéressait particulièrement » écrit-il dans le recueil « Notes sur le copies ». Élève de Bourdelle, Giacometti tente de comprendre le difficile travail de la forme longiligne, son équilibre (la répartition des masses).
En 1946, alors qu'il est affirmé comme artiste, il commence à réaliser des œuvres aux formes allongées, déformées et tourmentées qui feront son succès. Ces formes, qui renvoient à certaines statues étrusques, évoquent aussi le squelette. Profondément marqué par la seconde guerre mondiale, Giacometti explique qu'il veut évoquer un squelette dans l'espace. Sur dimensionnés, presque sans tête, déchirés, ces hommes vidés de leur âme traduisent aussi l'angoisse du peintre, son interrogation sur la nature humaine.

En 1955, s'ouvre au Louvre l'exposition «Art et civilisation des Étrusques ». 477 objets y sont exposés, provenant des dernières découvertes archéologiques. Giacometti y découvre des petits bronzes votifs , des candélabres tout en hauteur ornés de figures humaines, des vases cinéraires à tête humaine. Cette même année, le musée Guggenheim de New-York lui consacre une importante exposition.
Giacometti ne fait pas un mystère de sa fascination pour les arts antiques et les arts premiers. L'observation des œuvres antiques lui permet de parcourir à rebours la genèse d'autres formes, et comment ces formes pouvaient imprégner une civilisation et retransmettre son réel. En quelque sorte, le sculpteur se réapproprie les œuvres anciennes, les revisite à des millénaires de distance, dans un monde qui sort du chaos de la guerre.
Giacometti, travailleur acharné, meurt d'épuisement cardiaque en 1966.

L'art du modelage
Les étrusques étaient parvenus à un art du modelage rarement atteint dans l'antiquité. Que cela soit pour le travail des terres cuites, toujours ornées de motifs colorés ou pour la métallurgie. Pour cela, ils avaient développés des techniques de chauffe au charbon de bois. Ils travaillaient aussi bien l'argent, que l'or ou le bronze, mais aussi du cuivre et du plomb argentifère et du cinabre, un minerai permettant les colorations dans des rouges intenses.
Les étrusques utilisaient la technique de la cire fondue. Les ex-votos, mais aussi les objets de vaisselle, sont soigneusement polis et patinés, là où Giacometti laissera un effet de matière, qui sera d'ailleurs l'objet même de sa recherche plastique.
Giacometti réalise lui ses modelages en plâtre ou en terre sur armature. La terre lui permet de retoucher et d'affiner les œuvres. Les habitués de son atelier témoigne de son extraordinaire agilité à façonner, mais aussi à effacer, recommencer pendant des longues heures.
C'est son propre frère qui coule dans le bronze les plâtres, la fonte permettant plusieurs tirages d'une même œuvre.
« La sculpture n'est pas un objet, elle est une interrogation, une question, une réponse. Elle ne peut être ni finie, ni parfaite ».

Pour en savoir plus
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