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25 févr. 2010

Marcel Duchamp, le concepteur



Quand en 1917, Marcel Duchamp (1887-1968) expose son urinoir, sous le pseudonyme de R. Mutt, il ignorait sans doute qu'il allait révolutionner l'art de façon radicale.

Par cette boutade, le peintre, proche du mouvement Dada, voulait surtout ridiculiser la très sérieuse Sociéty of Independant Artists de New-York. En présentant, au milieu de peintures conventionnelles, un objet des plus insolites, Duchamps pensait surtout à un geste "politique" dans la philosophie Dada.
Dada nait avec la première gu
Duchamp abandonne la peinture vers 1914 pour se consacrer à ce qu'il appelle des "ready made", des objets touts faits, qu'il retouche à peine : Roue de bicyclette, Porte-bouteilles. Ces objets produits industriellement, standardisés et commercialisés sont détournés de leur fonction utilitaire première, déplacés de leur lieu habituel, pour être posés dans les lieux "sacrés" de l'art, les galeries et musées. The fountain - l'urinoir - en 1917 fait l'effet d'une petite bombe pour les critiques, sème la confusion pour les artistes et oblige les philosophes a revoir leur copies sur l'esthétisme.
L'art a changé, dans ce début du 20ième siècle bouillonnant : cubisme, suprématisme, abstraction, surréalisme... Les artistes prennent la place des philosophes en rédigeant des manifestes, en s'impliquant politiquement, et en occupant un terrain laissé vide par les penseurs. L'art ne renvoie plus désormais à l'image harmonieuse d'un monde sublimé, placé sous le signe du beau idéal.

Duchamp, en placant un objet commun dans un musée, fait une démarche conceptuelle : "que Richard Mutt ait fabriqué cette fontaine avec ses propres mains, cela n’a aucune importance, il l’a choisie. Il a pris un article ordinaire de la vie, il l’a placé de manière à ce que sa signification d’usage disparaisse sous le nouveau titre et le nouveau point de vue, il a créé une nouvelle pensée pour cet objet ". Par ce geste, il ouvre la porte à une nouvelle forme d'art, et affirme ainsi la rupture totale de l'art et du beau.
erre mondiale et regroupe des peintres, des poètes et des sculpteurs qui de Paris à Nex-York, de Belin à Munich poussent le même cri de desespoir et de révolte contre la guerre, contre l'art-illusion, contre le Beau trompeur, contre une société capable d'exterminer des millions d'hommes. "Merde à la Beauté'" crie Dada, qui repose le statut de l'artiste face à un monde en mutation.


Il faudra toutefois attendre les années 1960 pour que les travaux de Duchamp soient prolongés. L'urinoir originel, hormis le petit scandale qu'il provoqua en 1917, fut vite oublié. L'art est passé par une seconde guerre mondiale, un redécoupage du monde. C'est en 1963, lors d'une rétrospective Duchamp que l'urinoir est à nouveau exposé, et connait un succès retentissant. Il en existe 3 copies (dont une à Beaubourg). Le tout naissant mouvement "Pop Art" se réapproprie l'urinoir et la philosophie des ready made. On pense à Andy Wharol qui expose des boites de soupes Campbells en 1962.
Dans son sillage, des jeunes artistes s'orientent vers ce que l'on appelle désormais l'art conceptuel, fondé par Duchamp : un art qui remet en en cause toutes les notions classiques de l'art : la pensée de l'artiste prime sur la réalisation technique, la valeur prime sur le savoir faire.

La notion d'esthétique, avec son univers de la sensibilité, des émotions et de l'intuition est bien caduque. Cela fait dire au philosophe Nelson Goodman que la question primordiale de l'art aujourd'hui n'est plus "Qu'est-ce que l"Art", mais "Quand y a-t-il Art ". Il y a art quand l'objet fonctionne symboliquement comme une oeuvre d'art. Ce qui renvoie finalement à l'arbitraire de chacun, et fait appel à notre notion personnelle du beau.
Et finalement permet aux artistes d'ouvrir d'autres portes, de repenser l'esthétique et de laisser cours à leur imagination. Avec la relative liberté de l'adhésion du public et en gardant à l'esprit cette phrase de Picabia : "L'art est mort ! Je suis le seul à n'en avoir pas hérité."


Bibliographie
- Duchamp du signe, écrits aus Editions Flammarion
- Marcel Duchamp de Judith Housez, aux Editions Grasset
- l'art conceptuel de Peter Osborne aux Editions Phaidon Press
- A la frange du conceptuel, ouvrage collectif sous la direction d'Eric Manguelin aux Editions Huget
- Manière de faire des mondes de Nelson Goodman aux Editions Chambon
- Philosophie de l'Art de G. Lukacs aux éditions Gallimard
- La transfiguration du banal d'A. Danto aux éditions Le seuil.