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4 mars 2017

Médecine rituelle du Mexique

Une alimentation variée
Les aztèques accordaient beaucoup d'importance à la préparation des repas. Les plantes étaient cultivées en terrasse ou en chinampas (jardins flottants).
Le mais : consommé en galettes (tortillas), en tamales (petits pains), en atoles (polenta), c'est une plante sacrée qui apporte acides aminés et glucides lents. Plusieurs déités le représentaient et il était considéré comme graine de vie, solaire. Le mais sauvage existe depuis 16 000 ans, sa culture depuis 7000 ans. Plusieurs variétés existaient, mais blanc, rouge, sombre. Les "cheveux" qui sortent de l'épi faisaient des tisanes diurétiques, une pâte de farine de mais était employée en cataplasme en cas de blessures. De la tige du maïs, les Aztèques extrayaient une liqueur servant de sucre.
- les frijoles ou haricots rouges apportent les protéines
- l'avocat, riches en vitamine A et B, mais aussi des courges et des plantes sauvages comestibles (quelites ou épinards, pissenlits), feuilles de nopal fournissaient les légumes, les fruits provenaient de certains cactus.
les piments : ou chilli était à la fois considéré comme épice et comme remède : digestif, fébrifuge, analgésique... Plus de 70 variétés de piments, des plus doux ou plus féroces qui étaient cuisinés en soupe, en sauce.
- Ces repas étaient améliorés pour les plus aisés des poissons et crustacés des lacs, par la chasse et par l'élevage de poules et dindes. Enfin les insectes (sauterelles grillées) étaient cuisinés...
-  le cacao ou xoco-alt était cultivé par les Mayas dès 600 ap JC. Mais le chocolat maya ou aztèque n'avait rien à voir avec nos chocolats chauds : c'était une boisson froide et amère obtenue à partir des fèves grillées et écrasées et mises à bouillir. Cannelle, piment, poivre parfumaient cette boisson. Les fèves de cacao étaient par ailleurs une monnaie d'échange, mais aussi un remède prescrit pour l'anémie, la faiblesse, ou la nervosité.
l'agave ou maguey ou metl pousse sur les hauts plateaux, (tout comme pour le cacao). De cette plante, les aztèques extrayaient le suc du coeur de la plante, pour en faire un liquide à la saveur sucrée. Les médecins prescrivaient une boisson à partir du sirop d'agave pour les femmes allaitantes, mais aussi les problèmes rénaux, les rhumatismes. Mais fermenté, ce sirop donne un alcool nommé pulque. Celui-ci pouvait aussi être prescrit, lors de rituels magiques.
Peyote

La conception de la médecine
Les aztèques avaient déterminés 3 centres vitaux :
- la tête, tonalli, d'où émane la fonction psychique rationnelle
- le coeur, teyolia, d'où surgissent les sentiments
- le foie, iyiotl, d'où émanent les passions.
Ces 3 centres doivent être en harmonie pour que la personne soit saine.

Classification des maladies
Toutefois, les médecins mexicains classifiaient aussi les maladies en deux types disctints
- maladies naturelles : physiques et organiques (blessure, rhume, indigestion)
- maladies surnaturelles : d'ordre psychologiques (peurs, angoisses, jalousie).
Les maladies les plus graves ou "inexpliquées" devaient être diagnostiquées par un curandero qui utilisaient des rituels de divination ou de magie. Ensuite, le malade était confié à des spécialistes

Les acteurs médicaux
- le ticitl : celui qui a la connaissance des plantes. C'est le guérisseur et l'apothicaire qui préparait les potions de plantes et prescrivait les bains de vapeurs
- le tlamantini ou homme sage possédait la connaissance des codex, et des livres sacrés
- le tonalpohualli ou magicien connaissait non seulement les usages des plantes, les codex et livres sacrés, mais qui pouvait lire le calendrier divinatoire et prédire l'avenir
- le teomiqueztani était une sorte d'ostéopate qui travaillait sur le corps physique
- le tettlacuilliani travaillait avec des pierres (litothérapeute)
- les zurujanos ou chirurgiens qui savaient opérer en cas de blessures graves, et soigner grâce à des onguents dont ils avaient le secret. Très réputés, ils étaient consultés non seulement par les aztèques, mais par d'autres peuples.
- enfin les aztèques avaient des sages femmes, des prêtres spécialisés dans l'interprétation des rêves et leur décryptage

Une large pharmacopée
- plus de 1200 plantes à usage médicinal, cette pharmacie puissante intéressa les conquérants qui envoyèrent leurs propres médecins apprendre auprès des shamanes.
- des plantes analgésiques : afin de soulager la douleur ou de pouvoir opérer, les aztèques avaient un grand nombre de plantes, dont l'aloliuqui ou nahuatl qui guérissait la syphillis et certaines tumeurs, la taloache (datura) utilisée contre la goutte ou les morsures de serpents venimeux, favoriser les accouchements.
le pericon ou yauthli est une herbacée aux fleurs jaunes riches en tanins et saponines, et utilisée comme dépuratif, astringent et "aspririne"
le peyote : ce petit cactus dont on tire la mescaline n'avait pas que des propriétés hallucinogènes, mais nourrissantes et stimulantes. Appliqué en cataplasme ou baume, il soulage les douleurs locales, en décoction il est tonifiant.
le tabac ou yelt n'était pas forcément fumé, mais mélangé dans des décoctions de plantes, comme stimulant, vermifuge doux, et anti-grippal. Les feuilles fraîches soignaient les maux de têtes, séchées et frottées contre les muscles comme tonifiant musculaire. Le tabac comme le peyote sont des plantes sacrées, offertes en offrande aux dieux
les champignons sacrés, de type psylocybe : réservés aux chamanes pour leur vision, rarement utilisés à titre de soin
enfin les minéraux dont le jade, l'agate, l'ambre, l'obsidienne, la malachite ou la selenite étaient utilisés pour soulager ou soigner.

Toutes ces plantes sont encore utilisées aujourd'hui par les indiens Huichols ou d'autres ethnies. Certaines font même l'objet de recherches poussées par les chercheurs occidentaux, afin d'isoler des actifs curatifs.

Dans les prochains chapitres, nous nous intéresseront à des médecines pratiquées aujourd'hui encore par d'autres ethnies mexicaine. Une bibliographie vous sera également donnée.

Voyage dans la Selva de Veracruz
Voici une région qui s'étend à  km autour de Vera Cruz, nommée Los Tuxtlas, et qui est verdoyante, donc riche en plantes diverses.

Dans cette grande biodiversité, notons la forêt humide de montagnes, le bosque mésofolio, les mangroves, le matorral xérofila composé de plantes et d'arbustes épineux et enfin la selva alta perrinifolia, ou la forêt toujours verte. C'est là que l'on trouve la plus grande diversité biologique : 1300 espèces de plantes différentes, 26 des 40 arbres endimiques des forêts tropicale comme le caoba, l'amate, le coralillo, 20 plantes à usage médicinal largement utilisées par les guérisseurs de la région. On recense aussi 561 espèces d'oiseaux, 128 espèces de mammifères, 500 espèces de papillons et 133 variétés de .......... libellules.

Cette biodiversité est menacée par la déforestation qui gagne du terrain et la fragmentation de la végétation d'origine, qui bouleverse le système et entraine la disparition de certaines espèces comme le jaguar, le tapir, ou l'aigle harpie. La création de la réserve de Las Tuxtlas de 122 ha, et l'implantation d'autres parcs nationaux protégés - sous l'impulsion des associations écologiques et la tutelle de l'Université Autonome de Mexico) visent à réduire le phénomène de déforestation, avec le soutien des populations locales, qui cherchent à préserver leurs modes de vie traditionnels.

statue olmèque

Les Olmèques
Cette région verdoyante et humide était considéré par les Aztèques comme le Tlalocan, le royaume des Dieux. Mais c'est aussi dans cette région qu'est née la grande civilisation de la Méso-Amérique, les Omèques. Cette civilsation a mystérieusement disparu, pour laisser la place aux Mayas puis aux Aztèques. Il reste toutes fois des têtes colossales sculptées dans le basalte, certaines pesant jusque 40 tonnes, dont on ignore la signification.

Le curanderismo
A la fois médecin, herboriste, psychologue ou devin, il soigne le corps et l'âme.
Il existe encore 500 curanderos reconnus et réputés dans la région de Los Tuxtlas, sans compter ceux qui exercent dans des villages reculés. La population préfère avoir recours à un curanderismo qu'à un médecin classique, pour des raisons de coût et aussi de confiance.
Après diagnostic de la maladie (à l'aide de la prise du pouls et de l'examen des yeux par exemple), les soins consistent en des massages avec des huiles aux plantes médicinales, des potions, mais aussi des chants et des prières. Les guérisseurs peuvent aussi être spécialisés et différenciés comme suit :

Le curandero ou guérisseur
Il soigne à l'aide de potions, de massages, de chants toutes les maladies, physiques ou psychiques.

Le brujo
est un curandero qui possède en plus de pouvoirs magiques. Il vit en général en ermite, et on le consulte pour s'attirer la chance. Très respectés, on les dit capables de jeter aussi bien des bons sorts que des mauvais

Le yerbero
c'est le grand spécialiste des plantes médicinales. Aujoud'hui, ils travaillent en relation avec des laboratoires pour fabriquer pommades ou microdoses des principes actifs de plantes. Mais ils fabriquent toujours eux-même les lotions curatives par macération des plantes dans de l'huile ou de l'alcool de canne. Sa formation dure au moins 5 ans.


Le huesero
C'est l'ostéopathe local. Il peut employer des méthodes modernes mais aussi anciennes en fabricant des cataplasmes de plantes ou de fruits (le mélange oignon/avocat/sel étant très efficace).

La patera
C'est l'accoucheuse qui s'occupe aussi des enfants dans le monde rural. Elle soigne à l'aide de potions, de bains de vapeurs ou de massage.

Le rezandero
Il communique avec les esprits et obtient ainsi des aides pour la guérison. Chants et prières, mais aussi offrandes accompagnent les cérémonies

Le sanador
Outre sa formation de curandero, il soigne aussi avec des pratiques proche du reiki (imposition des mains pour transmettre et faire circuler l'énergie dans le corps).


Le concept de la maladie
Comme ailleurs au Mexique, la notion de maladie est imprégnée de la philosophie aztèque.
Il y la maladie naturelle : fracture, rhume, et toutes affections physiques dont on connait la cause et le remède.
Et puis il y a la maladie surnaturelle ou maladies de l'esprit : le mal ojo (mauvais oeil), la peur, les frayeurs. Elles sont considérées comme graves parce qu'elles impliquent la "perte de l'âme" et il est alors nécessaire pour le guérisseur de rétablir l'harmonie, à l'aide de rituels précis où se mêlent l'usage des plantes, des objets magiques, des prières, des offrandes, des chants.

Le plus souvent, ces maladies sont soignées lors de cérémonies pouvant durer plusieurs jours.
Tout d'abord le chamane procédera à une purification du corps du malade, par un bain de vapeur ou des massages à l'aide de plantes odorantes comme le basilic, la rue, la sauge ou même des roses. Ensuite des prières et des offrandes ont lieu, ainsi que des purification au copal.

La place de la magie
De nombreux lieux sont réputés magiques dans la région de Los Tuxtlas, comme la montagne du Singe blanc. Les futurs curanderos doivent s'y rendre en pélerinage avec leur maître, souvent un parent ou grand-parent. Mais si un néophyte se sent "appelé" à travers des rêves ou des visions, il devra aussi y faire un pelerinage, accompagné d'un curandero.
Le volcan San Martin est aussi un pelerinage obligatoire, notamment pour y recueillir des herbes médicinales, tout comme la laguna Encantata, dont le lieu est tenu secret, et qui permet d'être initié aux rituels magiques

Les curanderos portent toujours amulettes ou talismans comme des fétiches en jais, ou en oeil de tigre. Les minéraux sont très importants dans le processus de guérison, le corail, l'ambre, sont particulièrement utilisés.
Parmi les plantes sacrées, le basilic, le romarin, et des plantes plus locales.
Enfin tout un tas de "grigris" de la médaille à la dent de jaguar en passant par la pièce de monnaie fait partie de l'attirail du curanderos. Les marchés spécialisés de Vera Cruz ou des autres villes de la région son très prisés, non seulement des curanderos, mais des profanes.
Les bougies sont allumées en permanence devant l'autel des guérisseurs. Selon leur couleur, elles auront un effet bien précis. Blanches, elles purifient - rouges, elles attirent l'amour - jaunes, la richesse - vertes elles protègent et portent chance - bleues, elles élèvent spirituellement - enfin noires elles jettent le mauvais oeil ou un sort.
La couleur rouge est particulièrement importante, elle protège des sorts. Porter un foulard rouge ou manger des aliments rouges (mais rouges, haricots, piments, tomates et poivrons) ou boire des infusions d'hibiscus est recommandé par les chamanes.

La classification chaud-froid
Très spécifique de la région de Vera-Cruz, la classification des maladies selon leur températures.
Ainsi les maladies froides seront soignées par des plantes dites chaudes comme ail, sauge soigneront les maladies comme les rhumatismes, l'arthrite. La fièvre est considérée comme une maladie froide dans la mesure où elle est la conséquence d'une maladie froide type rhume. On utilisera alors une plante froide comme la verveine mais on rajoutera une épice chaude comme le girofle ou la cannelle.

A l'inverse les maladies chaudes seront soignées par des plantes froides : l'hibiscus soignera une maladie urinaire, l'épazote une diarrhée,  l'aloé verra soigne les brûlures ou l'agua de Jamaica soulage la rougeole.
Cette classification, assez novatrice est pourtant assez logique quand on y songe, et rappelle nos remèdes de grands-mères.

Visite en pays huichol

Groupe ethnique proche des indiens tarahumaras, les huichols ont conservé leurs traditions en raison de leur isolement. Peu de routes traversent leur territoire, sur les hauts plateaux des sierras Nayarit et Jalisco.
Les colons se sont peu aventurés dans cette région hostile et les Huichols ont pu garder leur tradition, transmise oralement.
Aujourd'hui 44 000 huichols vivent en petits hameaux dispersés dans la montagne. Ils cultivent du maïs, des haricots et des calebasses. Plantes et fruits sauvages, ainsi que chasse au cerf viennent compléter une alimentation frugale. Mais depuis quelques décennies, les huichols vendent leur artisanat et les recherchés tableaux de laine nierikas.

Le pouvoir du maraakame
Dans chaque "rancheria" ou communauté, il y a au moins un chamane, nommé maraakame, qui détient non seulement un pouvoir politique mais surtout un pouvoir de guérisseur. Dans chaque hameau, le callihuey, sorte de temple, sert d'église, d'hopital et d'abri pour les objets rituels (masques, tambour, bâton de pluie, plumes sacrées).
Le maraakame est initié auprès d'un maître pendant une durée variant de 3 à 5 ans. Il devra alors maitriser tous les chants et rites des cérémonies, mais aussi les mythes et la connaissance des plantes médicinales.
Il est considéré comme l'intermédiaire entre les hommes et les divinités. A ce titre, il procédera aux bénédictions et baptèmes, aux funérailles.

Le rituel du Wirikuta
Le Wirikuta est le centre mystique de l'univers huichol. C'est la terre où pousse le hikuri, cactus sacré. Le lieu dit "El Lehunar"(Etat de San Luis Potosi) est considéré comme le centre mythique où le soleil est né, et chaque indien huichol devra y faire un pelerinage, sous l'égide du maraakame. Ce pelerinage comporte des périodes de jeune, des offrandes (flèches votives, bols en calebasse décorés de perles, tableaux de laine représentant la mythologie), prières. Ces offrandes seront réparties le long du parcours.
Il permettra de consacrer les apprentis maraakame, mais aussi d'apporter au profane bénédiction et protection.
Le rituel du Wirikuta permet aussi la récolte du hikuri, fruit d'un cactus, dont les effets sont proches du peyote.
Mais comme le peyote, l'hikuri ne se consomme pas n'importe comment, mais sous le contrôle des chamanes. La consommation d'hikuri permet une meilleure connaissance de soi et du monde et de communier avec la nature.
De ce pélerinage, les Huichols ramèneront non seulement des hikuris, mais aussi des plantes sacrées, herbes et graines qui serviront à établir les remèdes médicaux.

La médecine huichole est holistique, et vise aussi à rétablir la bonne circulation des énergies dans le corps des hommes et dans l'accord avec la nature. La vrai connaissance du chamane est aussi celle de "voir" et de "saisir le mouvement flottant du monde".

L'importance des cérémonies
Les chants et les danses, tout comme la chasse au cerf rituelle inclut l'ensemble de la communauté et parfois celles d'autres villages. Les chants ont un but thérapeutiques avant tout. Il faut guérir à la fois la Terre et les hommes et redonner de l'énergie à la terre, une vision du monde héritée des aztèques.
Des chants spécifiques sont adressés aux divinités pour la fertilité des sols, la venue de la pluie nécessaire pour les cultures.
De même la chasse n'est pas uniquement un acte de consommation, mais fait l'objet d'une cérémonie et d'offrandes. La chasse est en sorte régulée pour permettre la reproduction des cerfs sauvages et assurer l'avenir de la communauté.

La poésie huichole
Les chants huichols sont toujours empreints de poésie.
Voici l'un des chants expliquant la création du hikuri ou Teuta Matike.
Teuta Matike est né
l'arbre à musique est né
Le grand cerf le créa. Le grand sage le forma
Mais il n'avait pas d'âme. Pesant était son corps. Muet était son coeur
Alors le Très Haut envoya l'Oiseau magique
Et l'oiseau passa en chantant
Il entra dans la plante, devint sa sève, devient son coeur
Alors Teuta Matike chanta
Et l'arbre à musique vibra aux caresses du vent.

Voyage chez les indiens Tarahumaras
70 000 indiens tarahumaras (ou raramuris) vivent dans les montagnes de la Sierra Madre au sud-ouest de l'état de Chihuahua au Mexique. Région sauvage, difficilement accessible, terre chaude et aride des canyons, mais aussi froid des nuits en altitude, le territoire raramuri n'est pas facile.
Mais les tarahumaras se sont adaptés à leur environnement, en pratiquant des migrations saisonnières. Lors des dures périodes hivernales (-15° la nuit), ils se réfugient dans des grottes aménagées pour retourner au mois de mars vers les fermes.
Seuls les indiens vivant à proximité de grands villages sont soignés par la médecine occidentale. Mais pour la majorité des tarahumaras, les remèdes (caseros) sont fabriqués à partir des plantes locales, dont les recettes se transmettent de génération en génération. Les chamanes sont consultés en cas de maladie les plus graves.


La richesse des plantes médicinales
Plus de 50 plantes sont utilisées pour soigner les maux courants.
- les variétés de pins : les tisanes d'aiguilles de pin ou de sève sont utilisées pour soigner les rhumes, toux, bronchite
- les racines et les feuilles de la yerba del catarro soigne aussi la toux
- les tisanes de camomille sauvage ou de rue servent pour les indigestions et les maux d'estomacs
- les feuilles du corneton sont appliquées en cataplasme pour soigner les maux de tête
- contre les rhumatismes, des plantes sauvages sont utilisées
- et pour soigner les blessures l'écorce de tescalama ou de matarique sont utilisées.
Les plantes font l'objet de troc entre les différentes communautés tarahumaras.

Des plantes sauvages comestibles
- si l'alimentation est essentiellement composée de maïs, en bouillie, en tortilla ou en une sorte de popcorn, les tarahumaras récoltent des plantes sauvages mais comestibles, que les femmes revendent aussi sur les marchés. Variétés de pissenlit, d'amaranthe, figue de barbarie sont cuisinés dans des sauces pimentées, accompagnées de tortillas.
- les fruits sauvages sont aussi récoltés comme fruits de divers cactus ou de nopal.



Le chamanisme tarahumara
- un rôle politique
En tant que gardien des traditions les chamanes avait non seulement un rôle de guérisseur, mais aussi un rôle politique comme chefs de clan ou chefs de guerre contre les conquérants espagnols. Aujourd'hui, ils conservent un rôle important au sein de la communauté, afin de rester fidèles aux traditions et aux ancêtres.

- une mission religieuse
Le chaman procède aux cérémonies de protection de l'enfant lors de sa naissance, aux cérémonies funèbres. Il dirige tous les rites liés à la fertilité de la terre, à la pluie nécessaire. Danses et chants rituels accompagnent ces cérémonies.

- un rôle de médecin
Il doit non seulement établir un diagnostic de la maladie puis y remédier. Les rêves, la divination sont souvent utilisés. Le rôle de chamane se transmet héréditairement.
Les tarahumaras distinguent plusieurs catégories de chamanes, le guérisseur, le spécialiste des plantes médicinales et le chanteur.
Les chamanes les plus puissants sont respectés : ils sont capables de soigner toutes les maladies, mais aussi de jeter des sorts ou de les faire disparaitre.

Rituel de guérison
Le chamane appelé par une famille arrivera toujours avec son assistant. Il bénira une boisson préparée en son honneur, sorte de bière de maïs fermenté, le tesguïno. Puis il jettera quelques gouttes de ce liquide aux 4 points cardinaux pour s'assurer de la protection des esprits.
Il entrera ensuite en "transe" ou méditation ou rêverie pour diagnostiquer la maladie et administrera le remède approprié. Il pourra s'agir d'extraire la maladie par un petit tube de roseau enfoncé dans la partie malade, de prescrire un bain de vapeur (pierres chauffées et brindilles de cèdres).
Les cérémonies de guérison s'accompagnent de chants et danses.


Les rites curatifs
- La danse pour ne pas mourir
La danse est une forme de prière collective et de requête.
Les danses sont codées, et sont exécutées selon le rituel à accomplir : lors d'un décès pour aider l'âme à monter au ciel, pour féter une naissance, pour éloigner une épidémie. Les danses sont pratiquées par des membres d'une même famille, sous l'égide du chamane. Des offrandes sont faites aux divinités invoquées, et la famille qui reçoit ou demande la cérémonie se chargera de fournir l'alimentation (tortillas, bière).

- rituel du dutuburi
Il s'agit d'une cérémonie annuelle ou bi-annuelle ou selon la demande d'une famille, qui offrira en échange une chèvre ou une vache si elle est riche.
Cette cérémonie a pour but de purifier la communauté ou la famille et lui assurer protection. Elle dure une nuit : danses et chants rituels, puis offrandes et bénédiction par le chamane. Un breuvage composé de meke (sorte de sirop d'agave) est alors offert à chaque participant. Le rituel se termine par une purification à l'eau pure ou au copal (encens).
Les offrandes sont ensuite consommées ainsi que la bière locale.

- rituel de la tesguïnada
Moins solennelle et plus festive, cette cérémonie joue un rôle important dans la vie sociale. Il s'agit d'une fête familiale ou avec les voisins pour partager de la bière et des plats. Assez isolés dans leur quotidien, les tarahumaras peuvent ainsi se retrouver et s'amuser. C'est aussi lors de ces fêtes que se forment les couples.

- rituel du peyote
Nommé Hikuri ou curi qui veut dire ivresse dans la langue tarahumaras, ce petit cactus hallucinogène est considéré comme plante divine. Le peyote est consommé à fins curatives, et selon des indications très précises des chamanes. Plante puissante, stimulante, mais aussi hallucinogène.
Le rite a souvent lieu dans un endroit éloigné et secret, pour initiés et pour des soins importants, les tarahumaras pratiquant une médecine holistique. Le rituel dure une nuit en général. Les boutons de peyote sont broyés et mélangés à de l'eau pour former un liquide vert. Seul le chamane peut distribuer du liquide aux participants. Chants et offrandes se succèdent. Au lever du jour, le chamane bénit les participants, puis purifie le lieu avec du copal. Enfin les participants partagent un repas, le tonare (viande de chèvre cuite avec du maïs).
Pour les tarahumaras, le rituel du peyote est de loin le plus purificateur et le plus intense, mais il ne doit être pratiqué que sous l'égide du chamane et dans le respect des codes cérémoniels.
Le peyote n'est pas utilisé au quotidien. Une plante proche mais moins puissante, la bakanawa est utilisée comme antalgique et stimulant.

Le pays des Tarahumaras est plein de signes, de formes, d’effigies naturelles qui ne semblent point nés du hasard, comme si les dieux, qu’on sent partout ici, avaient voulu signifier leurs pouvoirs dans ces étranges signatures où c’est la figure de l’homme qui est de toutes parts pourchassée. [...]  quand tout un pays sur la pierre développe une philosophie parallèle à celle des hommes ; quand on sait que les premiers hommes utilisèrent un langage de signes et qu’on retrouve formidablement agrandie cette langue sur les rochers, certes, on ne peut plus penser que ce soit là un caprice, et que ce caprice ne signifie rien.
Extrait de « La montagne des signes » Antonin Artaud

Voici quelques articles pour vous faire partager les médecines utilisées au Mexique, des Aztèques à d'autres ethnies.
Il n'est pas question de vous donner des recettes, puisque nous ne trouverons pas en France les plantes utilisées, et encore moins les dosages.
Un panorama culturel pour tous ceux qui s'intéressent aux thérapies alternatives.

Médecine aztèque
Nous en avons une bonne connaissance, non seulement grâce aux récits des conquérants espagnols, mais aussi grâce au travail de décryptage des codex, écrits en nahuatl (langue aztèque composée de pictogrammes), et déchiffrés par le moine Bernardino de Sahagun de 1558 à 1577. Ce codex se nomme codex Florentinus. Plus de 40 traités de médecine complets, avec description des plantes, modes de diagnostic, usages thérapeuthiques (Codex Badianus de la Cruz, Codex Nuttal) ont également été traduits et 15 d'entre eux sont conservés à Paris, probablement des cadeaux des conquérants aux rois de l'époque.

Equilibre et Harmonie
On peut dire que les Aztèques pratiquaient une médecine holistique, fondée sur le bien-être, l'équilibre et l'harmonie. Un esprit sain dans un corps sain. Le mot santé n'existe pas dans la langue aztèque. On parle plutôt de "cuali ni etoc" (je vais bien). La maladie (cocolis) est considérée comme une rupture de l'harmonie et de l'équilibre, mais aussi un déséquilibre des 3 corps : physique, émotionnel, mental.

Les bains de vapeur ou temazcal
Aussi bien à titre préventif que curatif, les bains de vapeur étaient prescrit par les médecins. Ils étaient aussi recommandé pour les problèmes de peau, les rhumatismes, les problèmes nerveux.
Des petites huttes étaient construites en pierre ou en adobe, chauffées intérieurement et extérieurement. Le patient jetait de l'eau sur la paroi chauffée et se frottait le corps avec des herbes et brindilles. Une tisane de plantes curatives était ensuite administrée et le patient devait rester allongé. On retrouve cette tradition des bains de vapeur chez les Indiens Navajos en rituel de purification, mais aussi dans d'autres médecines.

Si elles le pouvaient, les femmes aztèques accouchaient dans les bains de vapeur, en présence d'une sage femme, et après avoir bu des décoctions ou tisanes favorisant le travail. L'enfant était béni par l'eau du bain de vapeur. Le shaman consultait ensuite l'almanach sacré pour déterminer le jour où l'enfant recevrait son nom, voire même changer la date de naissance si elle ne lui semblait pas favorable.
Les femmes les plus pauvres accouchaient dans l'eau des lacs et rivières.

Le temazcal était considéré comme un endroit sacré, où l'on trouvait une représentation de la déesse de la Nuit Yotalticitl. Des offrandes de fleurs et de copal étaient faites pour obtenir la bénédiction de la déesse.
agave

Une alimentation variée
Les aztèques accordaient beaucoup d'importance à la préparation des repas. Les plantes étaient cultivées en terrasse ou en chinampas (jardins flottants).
Le mais : consommé en galettes (tortillas), en tamales (petits pains), en atoles (polenta), c'est une plante sacrée qui apporte acides aminés et glucides lents. Plusieurs déités le représentaient et il était considéré comme graine de vie, solaire. Le mais sauvage existe depuis 16 000 ans, sa culture depuis 7000 ans. Plusieurs variétés existaient, mais blanc, rouge, sombre. Les "cheveux" qui sortent de l'épi faisaient des tisanes diurétiques, une pâte de farine de mais était employée en cataplasme en cas de blessures. De la tige du maïs, les Aztèques extrayaient une liqueur servant de sucre.
- les frijoles ou haricots rouges apportent les protéines
- l'avocat, riches en vitamine A et B, mais aussi des courges et des plantes sauvages comestibles (quelites ou épinards, pissenlits), feuilles de nopal fournissaient les légumes, les fruits provenaient de certains cactus.
les piments : ou chilli était à la fois considéré comme épice et comme remède : digestif, fébrifuge, analgésique... Plus de 70 variétés de piments, des plus doux ou plus féroces qui étaient cuisinés en soupe, en sauce.
- Ces repas étaient améliorés pour les plus aisés des poissons et crustacés des lacs, par la chasse et par l'élevage de poules et dindes. Enfin les insectes (sauterelles grillées) étaient cuisinés...
-  le cacao ou xoco-alt était cultivé par les Mayas dès 600 ap JC. Mais le chocolat maya ou aztèque n'avait rien à voir avec nos chocolats chauds : c'était une boisson froide et amère obtenue à partir des fèves grillées et écrasées et mises à bouillir. Cannelle, piment, poivre parfumaient cette boisson. Les fèves de cacao étaient par ailleurs une monnaie d'échange, mais aussi un remède prescrit pour l'anémie, la faiblesse, ou la nervosité.
l'agave ou maguey ou metl pousse sur les hauts plateaux, (tout comme pour le cacao). De cette plante, les aztèques extrayaient le suc du coeur de la plante, pour en faire un liquide à la saveur sucrée. Les médecins prescrivaient une boisson à partir du sirop d'agave pour les femmes allaitantes, mais aussi les problèmes rénaux, les rhumatismes. Mais fermenté, ce sirop donne un alcool nommé pulque. Celui-ci pouvait aussi être prescrit, lors de rituels magiques.
Peyote

La conception de la médecine
Les aztèques avaient déterminés 3 centres vitaux :
- la tête, tonalli, d'où émane la fonction psychique rationnelle
- le coeur, teyolia, d'où surgissent les sentiments
- le foie, iyiotl, d'où émanent les passions.
Ces 3 centres doivent être en harmonie pour que la personne soit saine.

Classification des maladies
Toutefois, les médecins mexicains classifiaient aussi les maladies en deux types disctints
- maladies naturelles : physiques et organiques (blessure, rhume, indigestion)
- maladies surnaturelles : d'ordre psychologiques (peurs, angoisses, jalousie).
Les maladies les plus graves ou "inexpliquées" devaient être diagnostiquées par un curandero qui utilisaient des rituels de divination ou de magie. Ensuite, le malade était confié à des spécialistes

Les acteurs médicaux
- le ticitl : celui qui a la connaissance des plantes. C'est le guérisseur et l'apothicaire qui préparait les potions de plantes et prescrivait les bains de vapeurs
- le tlamantini ou homme sage possédait la connaissance des codex, et des livres sacrés
- le tonalpohualli ou magicien connaissait non seulement les usages des plantes, les codex et livres sacrés, mais qui pouvait lire le calendrier divinatoire et prédire l'avenir
- le teomiqueztani était une sorte d'ostéopate qui travaillait sur le corps physique
- le tettlacuilliani travaillait avec des pierres (litothérapeute)
- les zurujanos ou chirurgiens qui savaient opérer en cas de blessures graves, et soigner grâce à des onguents dont ils avaient le secret. Très réputés, ils étaient consultés non seulement par les aztèques, mais par d'autres peuples.
- enfin les aztèques avaient des sages femmes, des prêtres spécialisés dans l'interprétation des rêves et leur décryptage

Une large pharmacopée
- plus de 1200 plantes à usage médicinal, cette pharmacie puissante intéressa les conquérants qui envoyèrent leurs propres médecins apprendre auprès des shamanes.
- des plantes analgésiques : afin de soulager la douleur ou de pouvoir opérer, les aztèques avaient un grand nombre de plantes, dont l'aloliuqui ou nahuatl qui guérissait la syphillis et certaines tumeurs, la taloache (datura) utilisée contre la goutte ou les morsures de serpents venimeux, favoriser les accouchements.
le pericon ou yauthli est une herbacée aux fleurs jaunes riches en tanins et saponines, et utilisée comme dépuratif, astringent et "aspririne"
le peyote : ce petit cactus dont on tire la mescaline n'avait pas que des propriétés hallucinogènes, mais nourrissantes et stimulantes. Appliqué en cataplasme ou baume, il soulage les douleurs locales, en décoction il est tonifiant.
le tabac ou yelt n'était pas forcément fumé, mais mélangé dans des décoctions de plantes, comme stimulant, vermifuge doux, et anti-grippal. Les feuilles fraîches soignaient les maux de têtes, séchées et frottées contre les muscles comme tonifiant musculaire. Le tabac comme le peyote sont des plantes sacrées, offertes en offrande aux dieux
les champignons sacrés, de type psylocybe : réservés aux chamanes pour leur vision, rarement utilisés à titre de soin
enfin les minéraux dont le jade, l'agate, l'ambre, l'obsidienne, la malachite ou la selenite étaient utilisés pour soulager ou soigner.

Toutes ces plantes sont encore utilisées aujourd'hui par les indiens Huichols ou d'autres ethnies. Certaines font même l'objet de recherches poussées par les chercheurs occidentaux, afin d'isoler des actifs curatifs.

Dans les prochains chapitres, nous nous intéresseront à des médecines pratiquées aujourd'hui encore par d'autres ethnies mexicaine. Une bibliographie vous sera également donnée.