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25 févr. 2010

Balthus, de l'autre coté du miroir 2/2


Le meilleur moyen de ne pas tomber en enfance c’est de ne l’avoir jamais quittée.

Balthus a toujours voulu peindre pour l’éternité. Il cherchait à atteindre un équilibre définitif, une immobilité contre laquelle les siècles ne peuvent rien. Pour cela, il travaillait longtemps la matière en s’appuyant sur les techniques des peintres italiens de la Renaissance qu’il admirait tant. Il aimait aussi Poussin, Courbet, Derain.

Peindre pour l’éternité n’est pas une prétention mais une façon de placer le travail artistique au plus haut.


Mais sous la facture classique, pointe le bizarre. Il ne représente pas la réalité, mais suggère que ce que l’on voit n’est que l’apparence acceptable des êtres. Il provoque les projections du spectateur à travers un érotisme délicat.

Balthus est le peintre des jeunes filles, offertes à tous les désirs mais dans un monde clos qui les renvoie à leur propre solitude. L’adolescente incarne la femme en devenir, l’être avant qu’il ne se transforme en beauté parfaite. La femme a trouvé sa place dans le monde, pas l’adolescente. Les corps ne sont pas parfaits chez Balthus : ventres trop ronds, seins trop hauts, jambes trop fines. Balthus incite à voir de l’autre coté du miroir. Ses jeunes filles attendent la métamorphose, le passage du virtuel à la réalité. En peinture classique, le nu est considéré comme la plus haute expression graphique. Bien sur, il était facile de reprocher à Balthus des intentions érotiques perverses. « Je n’ai jamais peins que des anges. D’ailleurs toute ma peinture est religieuse » se défendait le peintre. Même si ces anges sont quelques peu pervers et ambiguës, à l’instar de la jeune Alice de Lewis Carroll.


Balthus, afin de ne pas faire poser trop longtemps ses jeunes modèles, les fit photographier. Balthus, occupé par ses responsabilités à la villa Médicis, peignait lentement. Il achevait parfois ses toiles huit ans après. Initié à la photographie, Balthus décidait la pose, l’éclairage et les habits des modèles, filles d’amis ou d’employés de la villa Médicis. Le photographe Durieu prenait les clichés.

Souvent de grand format, les tableaux de Balthus sont peints selon la technique des fresques. Il utilise un mélange de caséine et de gesso, qu’il mélange avec des peintures à l’huile. Il utilisera aussi des couleurs appliquées à l’éponge ou mouchetées à la brosse pour des fonds duveteux et vivants.

Balthus aime les ambiances tamisées et feutrées. Ses couleurs sont toujours adoucies, et frisent parfois la monochromie, juste relevées d’une trace de couleur complémentaire ou tranchée.


Après son mariage avec Setsuko, Balthus apporte une touche d’orientalisme dans ses œuvres. Dans son enfance, il avait lu un livre sur la peinture chinoise, et étudié les estampes des paysagistes japonais Hokusai et Hiroshige. Dans les paysages qu’il a peints, Balthus utilise les techniques d’ombres et de lumières et les perspectives abaissées traditionnelles aux peintures d’Extrême-Orient.

Balthus est aussi le peintre des chats, sa famille. Son autoportrait de 1935 porte le nom de « Roi des chats ». Fasciné par la lecture d’Alice aux pays des merveilles, il peint une série de Chat au miroir .

« Le chat est stupéfait par l’image que lui renvoie le miroir. C’est un tableau polémique, j’ai voulu me moquer des gens qui écrivent sur la peinture ». Chat du Cheshire, chat taquin ou mystérieux, témoin silencieux des scènes peintes par l’artiste.


On a souvent reproché à Balthus de peindre pour les musées, d’être trop classique, voire conservateur. Trop parfaits ses tableaux ? Travail de la matière picturale, composition géométrique sous-jacente des tableaux, dessin parfait. Sans doute, à la fin de sa vie, Balthus a perdu l’agressivité de ses premières œuvres. Mais en cherchant bien, il y a toujours un petit détail dérangeant, soit dans la pose trop maniérée de ses personnages, soit dans les expressions lascives ou figées.

« Je déteste le moderne. Cela veut dire quoi être moderne, en peinture ? Les peintres d’aujourd’hui ne savent pas réaliser une phase picturale. Avant, il fallait apprendre un minimum de techniques. J’ai l’impression que mon monde n’existe plus. Je ne comprends plus rien à notre époque. C’est comme si la laideur avait envahi la planète » déclare-t-il en 2001 peu avant sa mort.

Mais Balthus n’est pas un conservateur. Il a aussi de l’humour et aime son monde irréel, dans lequel il a pris le temps de peindre, en amoureux de la beauté.

Il fallait aussi avoir une forte personnalité, et un certain courage pour traverser un siècle d’art fait de ruptures, de déconstruction et d’abstraction pour affirmer haut et fort une peinture différente.

Lorsqu’on peint, on essaie d’oublier son ego, et c’est à ce moment là que je sens que la lumière qui est Dieu. Et mon esprit, mes mains ne sont plus que des machines qui écoutent. On écoute ce qu’on doit faire.

Mon idéal serait de faire une peinture religieuse, mais sans aucun sujet religieux. Je voudrais rentre la beauté du divin. Seul Mozart a réussi à le faire.