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22 févr. 2010

Corpus 1/2


Le corps garde son secret, ce rien, cet esprit qui n'est pas logé en lui mais répandu, épandu, étendu tout à travers lui, si bien que le secret n'a nulle cache, nul repli intime où il serait un jour possible de le découvrir. Le corps ne garde rien : il se garde comme un secret. C'est pourquoi le corps meurt et s'emporte en secret dans la tombe. C'est à peine si il nous reste quelques indices de son passage.

Corps veut dire très exactement l'âme qui se sent corps. Ou l'âme est le non sentir du corps. On pourrait le dire avec d'autres couples de termes : le corps c'est l'égo qui se sent un autre égo. On pourrait le dire en prenant toutes les figures de l'intériorité à soi en face de l'extériorité, le temps qui se sent espace, la nécessité qui se sent contingence, le sexe qui se sent autre sexe. La formule qui résume cette pensée serait : le dedans qui se sent dehors.

Différents, les corps sont tous quelque peu difformes. Un corps parfaitement formé est un corps gênant, indiscret dans le monde des corps, inacceptable. C'est une épure, ce n'est pas un corps.

Le corps est l'en-soi du pour soi. Dans le rapport à soi, il est le moment sans rapport. Il est impénétrable, impénétré, il est silencieux, sourd, aveugle et privé de tact. Il est massif grossier, insensible, inaffectif. Il est aussi l'en soi pour les autres, tourné vers eux mais sans aucun égard pour eux. Il est seulement effectif - mais il l'est absolument.

Toutes les citations de cette série de 15 propositions sont tirées du livre de J.L. Nancy "Corpus", aux éditions Métaillé, collection Sciences humaines. Un regard différent sur cette chose étrange que nous nommons corps et qui nous possède, nous agace, nous charme et toujours nous soumet.