Wikipedia

Résultats de recherche

17 févr. 2010

La tache rouge, analyse


L’œuvre de Kandinsky peut toujours sembler complexe à l’amateur d’art.
Aussi, prolongeant une étude réalisée par le professeur Duchting, spécialiste de Kandinsky, je vous propose d’analyser le tableau « Tache rouge II ».

Peint en Russie en 1921, il est assez représentatif du style Kandinsky.
Dans le tableau, se détache une vaste surface blanche trapézoïde. Elle rappelle le suprématisme de Malevitch et les tentatives de géométrisation de Kandinsky pour se conformer à l’esprit de l’avant-garde russe.
Toutefois, le trapèze n’est pas entièrement tracé, il déborde du cadre du tableau. Comme il contient l’essentiel de la composition, il se trouve ainsi solidement posé sur le tableau,
Les quatre coins du tableau sont recouverts de structures nuageuses (plus tard, au Bauhaus Kandinsky utilisera la projection de peinture, et le sable pour des effets de matière), allusion au monde des rêves et du cosmos.
Dans l’angle en haut à gauche, vous noterez 2 formes blanches et ovales, qui semblent flotter, traversées par des bandes blanches, qui se transforment en noires dans les formes. La ligne coupe la forme. On sait aussi que Kandinsky était passionné par tout ce qui était folklore, et qu’il collectionnait les motifs rituels. L’opposition noir/blanc est assez utilisée dans les peintures des peuples dit « primitifs ». On pourrait voir dans le plus petit des ovales un visage très stylisé. Ces 2 formes viennent en contrepoint de la composition principale, la rappelant.
L’essentiel de la composition est centralisé sur la surface blanche. La tache rouge, qui donne son titre à l’œuvre est le centre de l’action où se déploient les autres éléments. Elle se situe dans ce que l’on nomme le point d’or, à l’intersection des 2 lignes du nombre d’or.
Le nombre d’or est utilisé par les peintres depuis la Renaissance. Il permet de cadrer les compositions dans une esthétique visuelle. Kandinsky l’emploie ici pour accentuer la présence de la tâche rouge, comme élément principal du tableau. Le rouge est aussi une couleur qui retient l’attention. Kandinsky dirige donc, à la première vision l’œil de son spectateur vers cette tache rouge. Bien évidemment, pour apprécier cette œuvre, il faudra la voir dans son format imposant (131 x 181 cm), telle qu’elle est accrochée sur le mur du musée d’art moderne de Munich.
Le regard est ensuite dirigé vers les 2 arcs opposés qui semblent entourer la tâche rouge. Cornes ou auréoles ? La plus foncée se finit par des cercles orange et noir, et par une virgule noire. On peut aussi voir dans ces cercles une représentation de l’atome, le peintre se passionnait pour les découvertes de la science. C’est aussi la première fois que Kandinsky utilise le cercle dans sa peinture, forme parfaite. Sous le deuxième arc orange, un petit arc bleu, coupé de droites, fait naître une structure spatiale indéfinissable.
A partir de la tache, pour équilibrer la présence des 2 arcs, 2 lignes courbes, l’une jaune, l’autre noire, semblent remonter vers le haut du tableau. Coupées de lignes droites, comme autant de petits éléments flottants, elles sont supposées représenter de la 4ème dimension, celle de la fusion de l’espace-temps, qui était au centre des préoccupations des artistes cubistes et futuristes. N’oublions pas que Kandinsky était un grand mystique La ligne jaune, couleur du soleil et de la lumière et son ample mouvement peuvent symboliser une évolution spirituelle de l’être.
Les principaux éléments de la composition sont reliés entre eux. Les 2 arcs se coupent, et l’arc noir se prolonge par un carré jaune. Une ligne courbe vient relier l’arc jaune à la ligne orange. Les formes se pénètrent et s’opposent au niveau des couleurs, pour créer une tension et maintenir la composition dans un équilibre flottant, renforcé par les cercles qui eux, ne s’ancrent nulle part.
Kandinsky cherchait aussi à relier les formes et les couleurs.
Sa palette est restreinte à 6 couleurs : rouge qui s’oppose au vert, bleu assez discret qui vient contrebalancer les oranges et les jaunes. Noir et blanc. Même s’il réalise des chocs chromatiques (la ligne jaune coupée d’un bleu sombre), les nuances sont étudiées pour préserver une harmonie : les noirs ne sont pas purs, les bleus sont adoucis, le jaune tire sur l’or. Même si les couleurs chaudes (rouge, jaune, orange) dominent, elles sont équilibrées par l’angle droit foncé.
Kandinsky concevait ses toiles comme des partitions de musique. Il parlait de « compositions picturales symphoniques, constituées de plusieurs formes qui dépendent d’une forme centrale nette ou masquée ».
Avec cette toile, Kandinsky affinait son langage pictural, sa vision d’un monde imaginaire et cosmique, où à l’instar des planètes qui tournent autour d’un soleil, les formes tourneraient autour d’une forme centrale, qui est peut-être notre âme ou notre être qui est toujours beau quand il se montre rayonnant.

Bibliographie

Kandinsky – Du spirituel dans l’art – Folio Essai
Kandinsky - Point et Ligne sur plan – Folio Essai
Kandinsky – Regards sur le passé et autres textes (1912-1922) – Herman Coll Savoirs
Michel Henri – Voir l’invisible, Sur Kandinsky - Puf