“Le 10 août 1925, une hallucination visuelle insupportable me conduisit à découvrir les moyens techniques qui entraînaient la réalisation claire de la leçon de Léonard »
On le sait Ernst cherche à rompre avec toutes les pratiques académiques. En superposant les couches picturales, puis en grattant la peinture, Ernst travaille autrement la matière.
C’est le début d’un cycle de peintures totalement différentes de ce que l’artiste avait produit auparavant. Les « forêts » jouent sur l’organique, sur un retour originel au primitif. Plus tard, les séries sur les « villes entières » vont mêler le végétal et l’organique, des mondes étranges et inquiétants, qui rappellent les villes mortes et oubliées.
A partir de 1929, Ernst, toujours à la recherche d’un décalage avec son spectateur, intitule ses tableaux « Loplop présente » . Le peintre se fait narrateur, et surtout ne veut pas se présenter comme un artiste. Avec la Renaissance, l’artiste a acquis un statut qui a évolué d’observateur attentif du monde à celui d’artisan de mondes nouveaux. Pour rompre avec cette tradition, Ernst met en scène ses œuvres. Loplop serait un volatile (image que l’on retrouve très souvent dans son œuvre), un drôle d’oiseau, bien éloigné des colombes domestiques très à la mode à l’époque. Aigle prédateur qui se délecte de jeunes filles, coq moderne et fier, hirondelle libre dans ses envols gracieux, les différents symbolismes liés à l’oiseau n’échappent pas au peintre.
Alors que les courants de peinture précédents voulaient provoquer chez le spectateur des émotions et des sentiments, les dadaïstes et les surréalistes cherchent à exprimer les contenus inconscients dissimulés dans la vie quotidienne.
Ernst aime détourner les thèmes classiques de la peinture pour dépoussiérer les traditions picturales. Il est aussi un fervent défenseur des Républicains lors de la guerre d’Espagne, dont la défaite le désole.
Avec l’occupation de la France en 1939, les conditions de vie et de travail de l’artiste deviennent difficiles. Plusieurs fois arrêté, il réussit à fuir aux Etats-Unis avec l’aide de la collectionneuse Peggy Guggenheim.
Sur le sol américain, Ernst peint une prophétique « Europe après la pluie », monde marécageux et pétrifié. Il utilise les procédés d’impression et va désormais mêler collages et décalcomanie. Ernst a déjà exposé avec les surréalistes à New-York. S’il est moins populaire que Dali, ses découvertes ont influencé toute la jeune génération des artistes américains. L’action painting et l’expressionnisme abstrait vont, à l’instar d’Ernst, utiliser toute la surface picturale. Bien avant Pollock, il utilise, de façon très maîtrisée, le dripping, qui permet, selon la théorie surréaliste, de révéler l’inconscient.
En 1946, Ernst s’installe en Arizona. Il rencontre des Hopis, et est fasciné par la géométrie des motifs de l’art amérindiens. Il va incorporer des éléments géométriques dans ses compositions, mais aussi réaliser des sculptures aux formes simples et primitives.
Ernst ne modèle pas, mais il assemble des moulages séparés ou des objets divers, bouteilles de lait, amortisseur de voitures recouverts de plâtre, moulage de masque hopi. Il fallut attendre son retour en France en 1953 pour qu’Ernst puisse les faire réaliser en bronze.
Si Ernst est régulièrement exposé, il n’obtiendra qu’en 1954 la reconnaissance du milieu artistique en obtenant le grand prix de la Biennale de Venise, ce qui lui permettra de travailler sans soucis financiers.
Il s’installe en 1955 en Touraine. Depuis son séjour aux Etats-Unis, il ne tend plus ses toiles sur châssis, et peint à l’horizontale (comme le font d’ailleurs les amérindiens), ce qui induit un changement de perspective. Certaines de ses dernières œuvres peuvent être exposées dans tous les sens, et élargir la vision du spectateur, en lui offrant tous les possibles imaginaires.
Max Ernst s’éteint le 1er avril 1976, à près de 85 ans.
Il laisse une œuvre riche, variée et complexe. Homme discret mais innovant, Ernst laisse un fabuleux héritage, mais surtout il ouvre à l’Art des perspectives nouvelles
Bibliographie
Max Ernst, de Ulrich Bishoff – Taschen
Max Ernst, l’imagier des poètes , collectif aux éditions PU
Max Ernst, les collages originaux, collectif chez Gallimard