"L'artiste vient à la vie pour un accomplissement qui est mystérieux. Il est un accident. Rien ne l'attend dans le monde social."
Etrange les dessins d’Odilon Redon, ce peintre méconnu, trop souvent associé aux bouquets de fleurs qu’il a peint pour gagner sa vie. Surréaliste avant l’heure, affilié à l’école symboliste, Redon est un visionnaire, et à sa discrète façon, un de ces artistes qui ont fait évoluer l’art.
Découvrons (ou redécouvrons) ce peintre trop souvent ignoré.
Odilon Redon est né à Bordeaux le 20 avril 1840, d’un père français et d’une mère créole. Très jeune, on note ses capacités en dessin. Enfin fragile, il est enclin au rêve et à la solitude. Elevé dans la propriété viticole familiale, il se promène et dessine au fusain.
Un voyage à Paris lui permet de découvrir la peinture et la musique.
Bon élève, il développe aussi un fort sentiment religieux, plus lié à la fascination des églises qu’à la piété. A 15 ans, il prend des cours de dessin, s’initie à l’aquarelle. Avec son professeur, il découvre Courbet, Corot et surtout Gustave Moreau. " C’est avec lui que j'ai connu la loi essentielle de création... cet organisme d'art qui ne peut être appris par règles ni formules...".
Pour plaire à son père, il entame des études d’architecte, mais s’il garde le goût de la précision des dessins d’architecte, il sait que sa voie n’est pas dans ce domaine. Curieux, Redon s’intéresse à aux sciences et à la littérature. La découverte des Fleurs du Mal de Baudelaire oriente son imaginaire déjà fertile. Redon se met à peindre et voyage en Espagne.
En 1963, de retour à Bordeaux, il s’initie à la gravure, puis à la sculpture avant d’intégrer l’école des Beaux-Arts.
Ses premières eaux-fortes sont saluées par la critique. Pour vivre, Redon écrit des chroniques d’art dans la presse. C’est après la guerre franco-allemande de 1870 que Redon décide de quitter son bordelais natal pour s’installer à Paris. Il fréquente un milieu artistique, entrecoupé de séjours en Bretagne, en Hollande et en Allemagne. La découverte de peintres flamands lui inspire la série des « noirs », et il travaille désormais en prolongeant le clair-obscur de Rembrandt.
Redon a quarante ans, une solide expérience picturale. Il publie un album de lithographie dans lequel il explore les perspectives du clair-obscur. En 1880, il épouse une jeune femme d’origine créole. Il commence à travailler au pastel. Si les critiques ne sont pas enthousiastes lors des expositions où il présente ses fusains, Redon est apprécié par les jeunes artistes avec lesquels il fonde la Société des Artistes Indépendants. Il se lie aussi d’amitié avec Mallarmé et dédie 8 lithogravures à Edgar Poe.
Les années 1885-1887 sont difficiles pour Redon sur le plan personnel : décès de son père, puis de son frère Léo et de sa sœur Marie. Son premier fils meurt à 6 mois et Redon, très peiné, entre dans une crise mystique. Ses amis Huysmans et Vollard le soutiennent.
Plus que peintre, Redon se fait illustrateur. Il compose 6 lithogravures pour « la tentation de Saint –Antoine de Flaubert, et participe à une exposition de gravures à la célèbre galerie Durand-Ruel à Paris en 1889. S’il en fait pas partie du groupe de Nabis, il les fréquente, et c’est peut-être sous leur influence qu’il revient à la couleur et au pastel. « J'ai fait un art selon moi ». Ce qui ne l’empêchera pas d’illustrer Baudelaire, plus tard Mallarmé.
" Je délaisse de plus en plus le noir. Entre nous, il m’épuisa beaucoup » confiera-t-il à son ami Emile Bernard.Redon aime aussi voyager, avec sa famille. Il se qualifie lui-même d’artiste apatride. Londres, Venise, Genève. C’est partir de 1898 que Redon commence à être reconnu comme peintre. Il expose régulièrement chez Durand-Ruel. Il a 58 ans, et il reçoit des commandes de décorations. En 1908, il exécute ses premiers cartons à tapisserie pour la manufacture des Gobelins. Il se met à peindre des fleurs, renouant avec les travaux de ses débuts, lorsqu’il était jeune peintre désargenté.
En 1913, une grande rétrospective de son œuvre est organisée à New-York.
Il meurt le 6 juillet 1916 à Paris. Sa tombe à Bièvres est toujours régulièrement fleurie.
A suivre, une analyse de l’œuvre de Redon.