Wikipedia

Résultats de recherche

14 déc. 2014

Plasticiens, les fantômes de l'art.

Alors que ces derniers mois les intermittents du spectacle manifestaient pour sauvegarder un régime toujours plus instable, les artistes plasticiens, eux, ne se sont pas montrés. Pour cause : en plus de pâtir de la précarité et de difficultés financières, ils ne possèdent aucun statut au contraire des musiciens, acteurs et autres danseurs.
Tout esprit créatif rêve de vivre de son art. Mais voilà, être artiste au XXIe siècle est surtout synonyme de galère et de débrouille, dans un monde où il est monnaie courante de faire des plasticiens les "esclaves" créateurs des temps modernes, au service des grandes institutions. Et ce n'est pas leur statut social qui l'empêchera.

De statut d'ailleurs, ils n'ont point : ils sont considérés par Pôle emploi comme travailleurs indépendants au même titre qu'un plombier ou qu'un programmateur informatique. Pourtant, leur activité et surtout leurs revenus ne sont pas comparables. Un plasticien a pour principal salaire la recette des ventes de ses œuvres, le temps de recherche et de création ou encore les expositions étant rarement monnayés. Pour le fisc, les artistes sont donc des libéraux puisqu'ils travaillent en indépendants et que leur production comporte une dominante intellectuelle.
Pour avoir une reconnaissance légale en France, les peintres, les sculpteurs et autres vidéastes doivent s'inscrire à la MDA, Maison des artistes, organisme indépendant agréé de protection sociale, ce qui leur permet de pouvoir exercer la fameuse activité de vente (il faut également faire une démarche fiscale pour obtenir un numéro Siren-Siret, identifiant légal pour une activité économique).  Mais la MDA est surtout utile à la poignée de plasticiens qui gagnent bien leur vie en France. Pour la majorité il n'y a que le RSA, ou un travail d'appoint si on peut en trouver pour survivre.

Sauf que le RSA est bien trop souvent tout ce qu’ont ces créateurs. Selon le Comité des artistes-auteurs plasticiens, organisation syndicale nationale, plus de la moitié des plasticiens vivraient sous le seuil de pauvreté, avec un revenu médian deux fois plus faible que celui des salariés "lambda". D’où la nécessité d’élargir son champ d’activité. . Car les conditions émises par la Maison des artistes pour être affilé et pouvoir bénéficier des droits nécessitent de déclarer au minium un bénéfice de 900 fois le smic horaire par an, soit 8 577 €. Dans le cas contraire, l'artiste est assujetti et aucune ouverture de droit ne lui est accordée alors qu'il doit cotiser.

Trouver un emploi est déjà difficile dans un contexte économique particulièrement austère. De plusn travailler à côté se révèle contraignant et oblige parfois l'artiste à délaisser une part importante de son art. Car le plasticien doit aussi consacrer un temps considérable en démarches de galeristes, d'envoi de dossiers - souvent utopiques - ou de montage d'exposition.
Avec un budget de la Culture en baisse de 2% depuis 2 ans, du jamais vu dans la Vème République, des nombreuses aides publiques aux artistes ont totalement disparu, comme la subvention pour une première exposition par exemple. Les DRAC (Direction Régionale de l'Action Culturelle) ont un budget qui leur permet à peine d'entretenir un patrimoine.

Car si l'artiste peut tirer un bon profit sur la vente d'une œuvre (suivant la cote sur le marché de l'art), la situation est bien différente pour une exposition. L'ensemble des intervenants est logiquement payé pour la préparation et le déroulement de l'événement, sauf l'artiste, auteur de ce que l'on vient voir. Paradoxe ultime du monde de l'art, les institutions considèrent que c'est une chance pour un artiste d'exposer.
Bien souvent même, l'artiste, pour exposer doit payer une contribution de sa poche :
- de nombreuses galeries ou associations "offrent" leurs murs contre rétribution, dont les montants sont souvent inappropriés avec le statut des artistes
- des appels d'offre, sous forme de concours engendrent des frais qui ne sont ni remboursés ni valorisés pour les artistes : montage et envoi de dossiers (un joli dossier avec des impressions de qualité coûte cher) qui n'est jamais retourné, paiement d'une somme forfairaire obligatoire, que l'artiste soit sélectionné ou pas, "jury" fantaisiste composé de copains ou copines..


En France, il est donc malheureusement convenu de ne pas payer un artiste pour son exposition, même quand les structures en auraient les moyens. D'autres modèles existent à l'étranger, avec par exemple des grilles tarifaires pour rémunérer les artistes lors des expositions. Quant aux galeristes, qui sont pour la plupart dans le domaine privé à l’inverse des institutions précitées, ils sont souvent dans le même cas que les artistes, vivant uniquement de la vente des œuvres qu'ils présentent, avec une part qui varie selon les contrats. Et le marché de l'art étant fortement basé sur la spéculation, les un et les autres tentent de créer un réseau de « fidèles » pour (sur)vivre, avec ou sans statut.


28 nov. 2011

Edvard MUNCH


L'œil Moderne – jusqu'au 9 janvier 2012 – Centre Beaubourg

Considéré comme un peintre intimiste, tourné vers la vie intérieure, Munch est souvent considéré comme un grand artiste du 19ième siècle, symboliste ou expressionniste.
C'est oublier toute la richesse de l'œuvre de ce peintre né en un 12 décembre 1883 à Loten (Norvège), son intérêt pour le cinéma et la photographie.
La très belle exposition du Centre Pompidou nous permet de découvrir les faces cachées de ce peintre moderne.

Munch grandit à Oslo (Christiana). Une enfance marquée par la mort de sa mère et de son frère aînée, et par la maladie – dépression ou mélancolie comme l'on disait à l'époque – de deux de ses sœurs. Admis à l'école royale d'Art de Norvège, il suit un enseignement artistique complet, et reçoit une bourse qui lui permet d'aller travailler à Paris en 1889 où il découvre la peinture des impressionnistes et la photographie. Mais Munch cherche à affirmer son style, et peindre « les impressions de son âme).
En 1892, il est invité à Berlin, où ses peintures font scandales. Il se lie à un cercle intellectuel composé d'auteurs et de peintres d'origines scandinaves, dont l'écrivain Stringberg. Il s'initie aussi à la gravure et à l'eau forte.
Si il choisit de rester vivre à Berlin, Munch voyage souvent : Paris, Venise, Florence, Rome avec sa compagne Tulla Larsen. Mais les relations avec Tulla sont difficiles, et Munch, pourtant reconnu comme peintre souffre de dépressions. Il est hospitalisé en 1908.
En 1916 Munch achète une maison près d'Oslo, où il vivra, assez solitaire jusqu'à sa mort en 1944.
Considéré par le régime nazi comme artiste dégénéré, Munch laissera un millier de tableaux, près de 4500 œuvres sur papiers. En son honneur, la ville d'Oslo construit le musée Munch qui fut inauguré en 1963.

Si il y a chez Munch un coté sombre, dépressif, il ne faut pas oublier que Munch est aussi un homme qui voyage énormément, lit, et a toujours entretenu des relations permanentes avec toute l'intelligentsia du 20ème siècle. Très vite, il prend conscience de l'importance des « nouveaux médias », la photographie et le cinéma. On retrouve d'ailleurs dans certaines de ces œuvres une approche cinématographique : composition dynamique, où le « plan rapproché » met en valeur le sujet, par des effets de perspectives. Munch n'hésite pas à utiliser la perspective inversée, le gros plan, ou le dépassement des marges du tableau. Des techniques qui nous semblent acquises aujourd'hui, mais qui étaient novatrices au début du 20ième siècle.
Proche du théâtre, Munch met en scène, dans des toiles rarement présentées au public, des hommes (des soldats, des paysans ?) marchant dans la neige, et qui me semblent encore très actuelles, par le message politique qu'elles envoient : paupérité, lutte des classes, ou simple condition de l'homme. Certains visages, effrayant, portent l'expression de la mort.
Des œuvres qui tranchent avec l'univers intimiste ou psychologiques du peintre du Cri. Ainsi, les thèmes des vampires, de l'enfant malade, de l'hôpital ou des jeunes filles sur le pont sont déclinés tout au long de sa vie. Les visages sont renvoyés à des formes géométriques audacieuses, et les couleurs sont riches de mauves, de noirs, l'éclairage est soigné.

Munch a peint quelques autoportraits mais c'est surtout au travers de la photographie qu'il se représente, à tous les âges de sa vie. Développant lui-même ses photos, il utilise quelques « trucages » (variations du temps de pose) pour renforcer l'état d'âme du moment. Bien souvent, l'artiste se représente à coté d'une toile qu'il vient de peindre, malice ou fierté du peintre ?
Il tournera aussi quelques petits films à Paris, jouant sur l'architecture et la vie urbaine.

Le travail du peintre tourne autour du regard et de la lumière. En 1930, à 67 ans, Munch, une hémorragie dans le corps vitré de l'œil droit altère sa vue. Avec une précision méthodique, Munch va dessiner pendant 3 mois ce que voit son œil malade. Introspection de la vision, au delà de l'autoportrait et analyse des formes que son œil perçoit, où revient l'étrange figure d'un corbeau.

Avant tout Munch reste un peintre. Du fauvisme, il gardera dans ses toiles d'après 1900, une auréole floue, de Cézanne, il reprendra, bien avant les demoiselles de Picasso en 1908, le visage cubiste d'une femme (en 1903). Mais c'est son travail de matière qui est le plus impressionnant. Extrême matité de certaines toiles, touches fluides aquarellisées ou au contraire épaisses mais toujours maitrisées, finesse des couches ou empâtements (surtout dans les tons clairs pour mieux en faire ressurgir la lumière), c'est une grande leçon de peinture qui est exposée là, sous nos yeux, sans jamais perdre de son originalité et de sa modernité. Mais Munch ne se souciait pas de recherches théoriques, mais seulement de perceptions, et c'est peut-être là, le secret de ce peintre si complexe, si actuel, dans la richesse et la diversité de son œuvre.

Si vous passez par Paris, c'est surement l'exposition à voir actuellement.


Giacometti et les Étrusques



Pinacothèque de Paris jusqu'au 8 janvier 2012

2500 les séparent.
Giacometti, le sculpteur le plus torturé du siècle denier et les ex-votos de cette étrange civilisation, les étrusques, vite disparue sous la Rome flamboyante.
Rapprocher des arts aussi apparemment différents que l'art ancien et l'art contemporain est le défi de l'exposition qui se tient actuellement à la Pinacothèque. Une façon aussi de présenter un art et une civilisation qui commence, avec les découvertes de la génétique, à livrer ses secrets.

Le mystère étrusque
D'où viennent les étrusques ? Déjà, dans l'Antiquité, la question faisait débat. Étaient-ils les descendants des actuels toscans, ou un peuple venu de la Turquie orientale, chassé par la famine après la guerre de Troie ? D'autres historiens ont soutenus que ce peuple aurait pu descendre des Alpes pour s'installer dans la fertile plaine toscane.
En 2004, une équipe internationale regroupant généticiens et archéologues a mené une étude portant sur l'analyse ADN de 80 squelettes en possession dans les musées italiens, et correspondant à un large arc de temps, du VIIème av JC au IIième siècle. Les analyses ont été effectuées dans des laboratoires différents, à Rome et à Barcelone. Cette première étude a été complétée en 2007, par des comparaisons avec l'actuelle population toscane. Le résultat est sans appel : le peuple étrusque se rapproche plus des peuples du moyen orient (Turquie, Palestine) que du peuple romain. Les étrusques venaient bien de l'ancienne Lydie, comme le soulignait déjà Hérodote au Vème siècle avant JC.
Pendant des siècles, grâce à une flotte puissante, les Étrusques surent garder leurs terres, en repoussant les colons venus de Grèce. Avec la fondation de la puissante Rome, les étrusques, minés par une société clanique et des révoltes internes, ne purent résister. En 264 avant JC, la dernière cité étrusque, Orvieto tomba aux mains des Romains. En 82 av JC, l'empereur Scylla fit exécuter les derniers étrusques, et toute la Toscane fut annexée à l'Empire romain.
Cette civilisation, considérée comme d'un grand raffinement disparu et l'on ne l'entrevoit aujourd'hui qu'à travers les écrits des historiens de l'antiquité et les découvertes archéologiques.

Les plus belles tombes étrusques ont été découvertes entre 1820 et 1850. La découverte du site de Tarquinia en 1958, puis dans les années 1960, la photographie aérienne à infra-rouges a permis de mettre à jour plus de 6200 tombes.
En l'absence d'écrits laissés par les étrusques et des cités, enfouies sous des villes postérieures, les tombes sont le seul moyen d'aborder la civilisation étrusque. Peintures, bronzes, objets domestiques renseignent sur le mode de vie de ce peuple, mais aussi sur le raffinement des objets, finement sculptés. Très tôt dans l'histoire, les Étrusques sont passés maitres dans l'art de travailler les métaux. Que cela soit le travail du bronze ou de l'or, les motifs et les formes sont originales, et ne se rattachent pas vraiment à ce qui se produisait alors dans le monde antique. Certes la poterie peut se rapprocher de la poterie grecque noire et blanche, mais les scènes figuratives sont accompagnées de motifs géométriques abstraits et répétés (que l'on retrouvera dans l'art musulman quelques siècles plus tard).
On peut dire que les Étrusques avaient leur propre vision du monde et de l'art, par une pureté formelle, des lignes simplifiées et une délicatesse dans l'exécution qui reste à part dans le monde antique.

Giacometti, la forme longiligne
C'est en 1920 que le sculpteur né en Suisse italienne en 1901, visite la Toscane et découvre les collections d'art étrusques à Florence. Il s'intéresse notamment au culte du divin dans les arts antiques. En 1922, lors de son installation à Paris où il passera la plus grande partie de sa vie,
il copie les œuvres des collections de l'art étrusque. « Depuis toujours, et cela sûrement pour plusieurs raisons, j'ai eu l'envie, le désir et le plaisir de copier, soit d'après des originaux, soit d'après des reproductions, toute œuvre d'art qui me touchait, m'enthousiasmait ou m'intéressait particulièrement » écrit-il dans le recueil « Notes sur le copies ». Élève de Bourdelle, Giacometti tente de comprendre le difficile travail de la forme longiligne, son équilibre (la répartition des masses).
En 1946, alors qu'il est affirmé comme artiste, il commence à réaliser des œuvres aux formes allongées, déformées et tourmentées qui feront son succès. Ces formes, qui renvoient à certaines statues étrusques, évoquent aussi le squelette. Profondément marqué par la seconde guerre mondiale, Giacometti explique qu'il veut évoquer un squelette dans l'espace. Sur dimensionnés, presque sans tête, déchirés, ces hommes vidés de leur âme traduisent aussi l'angoisse du peintre, son interrogation sur la nature humaine.

En 1955, s'ouvre au Louvre l'exposition «Art et civilisation des Étrusques ». 477 objets y sont exposés, provenant des dernières découvertes archéologiques. Giacometti y découvre des petits bronzes votifs , des candélabres tout en hauteur ornés de figures humaines, des vases cinéraires à tête humaine. Cette même année, le musée Guggenheim de New-York lui consacre une importante exposition.
Giacometti ne fait pas un mystère de sa fascination pour les arts antiques et les arts premiers. L'observation des œuvres antiques lui permet de parcourir à rebours la genèse d'autres formes, et comment ces formes pouvaient imprégner une civilisation et retransmettre son réel. En quelque sorte, le sculpteur se réapproprie les œuvres anciennes, les revisite à des millénaires de distance, dans un monde qui sort du chaos de la guerre.
Giacometti, travailleur acharné, meurt d'épuisement cardiaque en 1966.

L'art du modelage
Les étrusques étaient parvenus à un art du modelage rarement atteint dans l'antiquité. Que cela soit pour le travail des terres cuites, toujours ornées de motifs colorés ou pour la métallurgie. Pour cela, ils avaient développés des techniques de chauffe au charbon de bois. Ils travaillaient aussi bien l'argent, que l'or ou le bronze, mais aussi du cuivre et du plomb argentifère et du cinabre, un minerai permettant les colorations dans des rouges intenses.
Les étrusques utilisaient la technique de la cire fondue. Les ex-votos, mais aussi les objets de vaisselle, sont soigneusement polis et patinés, là où Giacometti laissera un effet de matière, qui sera d'ailleurs l'objet même de sa recherche plastique.
Giacometti réalise lui ses modelages en plâtre ou en terre sur armature. La terre lui permet de retoucher et d'affiner les œuvres. Les habitués de son atelier témoigne de son extraordinaire agilité à façonner, mais aussi à effacer, recommencer pendant des longues heures.
C'est son propre frère qui coule dans le bronze les plâtres, la fonte permettant plusieurs tirages d'une même œuvre.
« La sculpture n'est pas un objet, elle est une interrogation, une question, une réponse. Elle ne peut être ni finie, ni parfaite ».

Pour en savoir plus
De nombreux livres sont également proposés, vous les trouverez aussi dans vos librairies habituelles.

Expressionnismus & Expressionismi

Pinacothèque de Paris – jusqu'au 11 mars 2012



A travers des thématiques simples (paysages, portraits, animaux, les iles), la Pinacothèque confronte dans une très belle exposition les deux mouvements fondateurs de ce que l'on nommera l'expressionnisme allemand, un courant artistique né au début du 20ième siècle, qui aboutira à l'abstraction avec Kandinsky, et à d'autres formes de représentation.
L'expressionnisme ne cherche pas à représenter la réalité telle qu'elle est, mais sa représentation imaginaire, à travers le filtre des états d'âme ou des émotions personnelles des artistes. Contrairement à l'impressionnisme français (mouvement du 19ème siècle qui aura libéré la couleur), l'expressionnisme ne se soucie pas d'une représentation tangible de la réalité, mais de la psyché, libérant ainsi l'audace de la forme et de l'emploi de la couleur. Ce sont aussi deux mouvements opposés ou complémentaires qui naissent dans une Allemagne en crise, pour renouveler l'art, et l'homme.


La Brucke, un pont vers un art nouveau (1905 - 1913)
C'est à Dresdeeeee que démarre en 1905 le mouvement de la Brucke, autour de 4 étudiants en architecture : Bleyl, Heckel, Kirchner et Rottluff. Rejetant la géométrie de l'architecte ces jeunes peintres, autodidactes veulent aller vers une peinture plus intuitive, où la couleur sera le support à des émotions. Ainsi, la Brucke, le pont, se veut un passage vers un monde meilleur, influencé en cela par l'œuvre de Nietzsche.
La première exposition de la Brucke en 1906 provoque un scandale, et est rejetée aussi bien par le public que par la critique. Le groupe écrit un manifeste en 1906 et est rejoint par les peintres Nolde, Amiet, Peschtein. Mais cette peinture nouvelle ne fait pas son chemin dans le monde des arts et les salons berlinois n'ouvrent pas leur porte à ces jeunes artistes.
Dès 1907 Nolde quitte le groupe, qui petit à petit se disloque. En 1913, le groupe est officiellement dissous, mais chaque peintre continuera son œuvre.
La Brucke s'intéresse aux arts d'Océanie et d'Afrique noire et le traduit dans ses œuvres par une simplification des traits du visage, et la schématisation. Kirchner simplifie ainsi son trait. Pechstein se libère de la couleur en ne la liant plus au motif représenté. Quant à Nolde, il tend vers l'abstraction par la simplification des masses, et un travail très audacieux de la couleur. Les peintres de la Brucke seront condamnés par le régime nazi. 639 des œuvres de Kirchner seront décrochées des musées. Le peintre se suicidera en 1938


Le cavalier bleu (1911 – 1912)
Alors que la Brucke avait son manifeste, et ses statuts, le mouvement du Cavalier bleu est plus informel. Les artistes qui s'y retrouvent sont aussi différents en style qu'en personnalités, mais ils veulent reconquérir un art qui se veut plus spirituel.
Autour du peintre allemand Franz Marc et du russe Kandinsky, se forme le cavalier bleu, probable allusion à un tableau de Kandinsky peint en 1903, à Munich. La première exposition du groupe en 1911 à Munich regroupe 14 artistes aussi différents que Le douanier Rousseau, Robert Delaunay, le compositeur Schonberg, les peintres Munter et Macke. Ici prédomine le renouveau de la forme, et est surtout un tremplin pour promouvoir l'art contemporain. L'exposition voyage à travers l'Allemagne, avec un certain succès. En mars 1912, s'ouvre alors une deuxième exposition, plus audacieuse, Kandinsky présente des œuvres quasi abstraites et essuie la vindicte d'une critique hostile. Mais le Cavalier bleu est soutenu par tout le monde culturel européen : Apollinaire, Cendrars, Léger soutiennent Kandinsky qui l'année suivante exposera sa première toile abstraite, et s'affirme comme le théoricien du groupe.
Le Blaue reiter publie un almanach en 1912, et veut faire de cette publication un creuset pour les artistes, en regroupant aussi bien des œuvresravées, des reproductions, des textes théoriques, et des personnalités aussi différentes que Jean Arp, Macke, Delaunay, mais aussi des œuvres venues d'autres cultures. Le Blaue reiter veut fédérer les arts, les décloisonner, sans hiérarchie entre arts majeurs et mineurs, arts primitifs et contemporain. L'art est libéré des étiquettes, et veut s'affranchir des contraintes de représentation pour aller vers une valeur émotionnelle et subjective de l'œuvre. L'expression plastique est libérée d'un académisme qui n'a plus raison d'être, et ouvre le chemin à l'abstraction et à tous les grands courants d'art qui vont sillonner le reste du siècle.
La Guerre de 14-18 met fin aux activités du Cavalier bleu. Franz Marc, cheville ouvrière du groupe, qui par la simplification des formes animales tend aussi à l'abstraction meurt au front en 1916. Macke, qui introduit dans sa peinture une géométrie cubique meurt en 1914.
Parmi les artistes qui ont rejoint le cavalier bleu, citons 3 femmes : la russe Natalia Gontacharova, et les allemandes Marianne Werefkin qui cherche à attendre un art fondé sur la vie abstraite, et Gabrielle Munter, compagne de Kandinsky dont elle fut l'élève. Très vite, elle rejette toute notion de perspective qu'elle remplace par des aplats de couleurs.



Les différences esthétiques
Les mouvements Brucke et Blaue Reiter se rejoignent dans l'intention et dans le sens à donner à la peinture, mais pas sur la forme. C'est un état d'âme, la subjectivité, permettant de révéler l'intériorité de l'artiste, son rapport et sa vision du monde. Il y a donc autant d'états que d'artistes, autant de façons de peindre.
Toute fois, on peut noter chez la Brucke, une volonté d'aller vers un acte primitif de peindre, de simplifier la forme, en privilégiant la ligne brisée, la forme anguleuse. L'emploi de la couleur est saturée, dans des tons chauds et violents (Nolde fera un usage éclatant de la couleur). L'effet visuel produit accentue le malaise, la distorsion qui renvoie à un quotidien sordide, un monde en conflit. Les artistes du pont sont des révoltés, contre un monde qui s'urbanise et engendre les inégalités.
Au contraire au Blaue Reiter, la recherche se théorise, les couleurs sont plus douces, et l'on renoue avec la courbe, qui permettra à Kandinsky et à Marc d'aller vers l'abstraction. Il ne s'agit pas de s'affranchir des angoisses, mais de les maitriser, et de passer, par des formes souples et des tons rompus où le bleu, couleur immatérielle, domine. C'est le passage subtil d'un monde sensible, celui de la figuration à un monde ultra sensible, celui de l'abstraction. La peinture se veut une harmonie nouvelle, non dénudée de poésie.
Ces nouvelles esthétiques furent condamnées par les nazis en 1937, et qualifiées d'art dégénéré, d'arts pour les fous. Il s'agissait pour Hitler de réduire les artistes au silence en confisquant les œuvres. Kirchner et Nolde (pourtant un temps séduit pas les idées fascistes) payèrent un lourd tribu, avec la confiscation de la totalité de leur production.
L'exposition de la Pinacothèque propose un choix d'œuvres inédites, permettant de découvrir les artistes les moins connus des 2 mouvements, et offrant une diversité d'œuvres : peintures, mais aussi gravures, dessins, aquarelles et sculptures. Ces œuvres, rarement présentées par les Musées, permettent de découvrir la richesse de ce mouvement, libérant la peinture des sentiers battus et faisant entrer définitivement l'art dans le contemporain. 

19 mai 2011

Le processus créatif

Le processus créatif.
Considérons d’abord deux facteurs importants, les deux pôles de toute création d’ordre artistique : d’un côté l’artiste, de l’autre le spectateur qui, avec le temps, devient la postérité.
Selon toutes apparences, l’artiste agit à la façon d’un être médiumnique qui, du labyrinthe par-delà le temps et l’espace, cherche son chemin vers une clairière.
Si donc nous accordons les attributs d’un medium à l’artiste, nous devons alors lui refuser la faculté d’être pleinement conscient, sur le plan esthétique, de ce qu’il fait ou pourquoi il le fait - toutes ses décisions dans l’exécution de l’œuvre restent dans le domaine de l’intuition et ne peuvent être traduites en une self-analyse, parlée ou écrite ou même pensée.
T.S. Eliot, dans son essai Tradition and individual talent, écrit : « l’artiste sera d’autant plus parfait que seront plus complètement séparés en lui l’homme qui souffre et l’esprit qui crée ; et d’autant plus parfaitement l’esprit digérera et transmuera les passions qui sont son élément ».
Des millions d’artistes créent, quelques milliers seulement sont discutés ou acceptés par le spectateur et moins encore sont consacrés par la postérité.
En dernière analyse, l’artiste peut crier sur tous les toits qu’il a du génie, il devra attendre le verdict du spectateur pour que ses déclarations prennent une valeur sociale et que finalement la postérité le cite dans les manuels d’histoire de l’art.
Je sais que cette vue n’aura pas l’approbation de nombreux artistes qui refusent ce rôle médiumnique et insistent sur la validité de leur pleine conscience pendant l’acte de création – et cependant l’histoire de l’art, à maintes reprises, a basé les vertus d’une œuvre sur des considérations complètement indépendantes des explications rationnelles de l’artiste.
Si l’artiste, en tant qu’être humain plein des meilleures intentions envers lui-même et le monde entier, ne joue aucun rôle dans le jugement de son œuvre, comment peut-on décrire le phénomène qui amène le spectateur à réagir devant l’œuvre d’art ? En d’autres termes, comment cette réaction se produit-elle ?
Ce phénomène peut être comparé à un « transfert » de l’artiste au spectateur sous la forme d’une osmose esthétique qui a lieu à travers la matière inerte : couleur, piano, marbre, etc.
Mais avant d’aller plus loin, je voudrais mettre au clair notre interprétation du mot « Art » sans, bien entendu, chercher à le définir.
Je veux dire, tout simplement, que l’art peut être bon, mauvais ou indifférent mais que, quelle que soit l’épithète employée, nous devons l’appeler art : un mauvais art est quand même de l’art comme une mauvaise émotion est encore une émotion.
Donc quand plus loin je parle de « coefficient d’art », il reste bien entendu que non seulement j’emploie ce terme en relation avec le grand art, mais aussi que j’essaie de décrire le mécanisme subjectif qui produit une œuvre d’art à l’état brut, mauvaise, bonne ou indifférente.
Pendant l’acte de création, l’artiste va de l’intention à la réalisation en passant par une chaîne de réactions totalement subjectives. La lutte vers la réalisation est une série d’efforts, de douleurs, de satisfactions, de refus, de décisions qui ne peuvent ni ne doivent être pleinement conscients, du moins sur le plan esthétique.
Le résultat de cette lutte est une différence entre l’intention et sa réalisation, différence dont l’artiste n’est nullement conscient.
En fait, un chaînon manque à la chaîne des réactions qui accompagnent l’acte de création ; cette coupure qui représente l’impossibilité pour l’artiste d’exprimer complètement son intention, cette différence entre ce qu’il avait projeté de réaliser et ce qu’il a réalisé est le « coefficient d’art » personnel contenu dans l’œuvre.
En d’autres termes, le « coefficient d’art » personnel est comme une relation arithmétique entre « ce qui est inexprimé mais était projeté » et « ce qui est exprimé inintentionnellement ».
Pour éviter tout malentendu, nous devons répéter que ce « coefficient d’art » est une expression personnelle « d’art à l’état brut » qui doit être « raffiné » par le spectateur, tout comme la mélasse et le sucre pur. L’indice de ce coefficient n’a aucune influence sur le verdict du spectateur.
Le processus créatif prend un tout autre aspect quand le spectateur se trouve en présence du phénomène de la transmutation ; avec le changement de la matière inerte en œuvre d’art, une véritable transsubstantiation a lieu et le rôle important du spectateur est de déterminer le poids de l’œuvre sur la bascule esthétique.
Somme toute, l’artiste n’est pas seul à accomplir l’acte de création car le spectateur établit le contact de l’œuvre avec le monde extérieur en déchiffrant et en interprétant ses qualifications profondes et par là ajoute sa propre contribution au processus créatif. Cette contribution est encore plus évidente lorsque la postérité prononce son verdict définitif et réhabilite des artistes oubliés.
Duchamp du Signe de Marcel Duchamp - Ed. Champs Flammarion - (P.187)

16 déc. 2010

Héréros, le génocide oublié


Cette jeune femme souriante porte la coiffure traditionnelle des Héréros, peuple africain de langue bantoue. Les Héréros se sont répandus dans l'Afrique australe, du Cap vers la Namibie, chassant ou colonisant les bushmens et les namas (peuples de langue khoi).
Dans les années 1880, des colons allemands s'installent en Namibie. Très vite, des gisements de diamants sont découverts sur les terres de Héréros. Leurs terres sont annexées par le gouvernementnt allemand et en 1885, les peuples héréros et namas se soulèvent pour récupérer leurs terres. Déplacements de population, confiscation des terres, privations se succèdent jusqu'en 1904 où, à la suite d'une dernière rébellion des héréros, fut organisé le premier génocide du 20ème siècle, oublié.
Les héréros et namas furent emprisonnés dans ce qui préfigurera les camps de concentration de la période nazie. Sur les 80 000 héréros que comptait la Namibie, seuls 10 000 survécurent selon les historiens. Près de 10 000 namaquas périrent également dans ces camps, situés dans la partie désertique de la Namibie.
«Tout Héréro aperçu à l'intérieur des frontières allemandes [namibiennes] avec ou sans arme, sera exécuté. Femmes et enfants seront reconduits hors d'ici - ou seront fusillés. Aucun prisonnier mâle ne sera pris. Ils seront fusillés. Décision prise pour le peuple Héréro."
Le grand général du tout puissant Kaiser [Guillaume II], Lieutenant général Lothar Von Trotha
(chargé des opérations militaires en Namibie).
A ce jour, et malgré les demandes des ONG et des héréros très structurés politiquement, l'Allemagne n'a jamais voulu reconnaître ce génocide.
Aujourd'hui, les héréros seraient environ 120 000 individus, repartis aux alentours de Windhoek, dans le Kakaoland et au Botswana. Nomades, ils sont structurés en petites communautés. Traditionnellement, les hommes transmettent les pratiques religieuse et l'organisation du clan. Les femmes, qui portent toujours aujourd'hui une coiffe héritée de l'époque victorienne ont en charge l'habitat et le bétail. Si ils sont souvent convertis aux religions évangélistes, leur croyance mêlent catholicisme, dieux originaux, le culte des ancêtres et l'entretien du feu, considéré comme sacré.

12 déc. 2010

Peuple Khois


Dans un monde merveilleux, ils vivraient sur leur terre ancestrale, ils continueraient leur vie nomade entre chasse et cueillette. Mais voilà bien longtemps que les premiers habitants de l'Afrique australe, les Bushmens sont condamnés à vivre dans le désert le plus chaud du monde, le Kalahari.
Ils ne restent que 100 000 bochimans, répartis entre l'Afrique du Sud, la Namibie et le Botswana.
Victimes de l'apartheid, méprisés par les noirs pour qui ils ne sont pas assez foncés de peau, la majorité d'entre eux vit aujourd'hui dans les bidonvilles du Cap ou Windhoek. Beaucoup d’entre eux sont confrontés à l’alcoolisme, le chômage et à des maladies telles que la tuberculose ou le SI.
Le reste tente de survivre entre travaux agricoles pour le compte d'autres. Seuls 2 000 bushmens continueraient leur mode de vie nomade. Des traditions anciennes, il ne reste plus rien. Les derniers chamanes vont s'éteindre sans successeurs, d'ailleurs les plus jeunes ont été convertis aux églises évangéliques.
Au Botswana, des années de procédure ne permettent toujours pas aux Bushmens de retrouver leurs terres (riches en mine de diamants). Des ONG tentent de lutter contre la politique d'exclusion des autorités, notamment la privation d'eau et la répression systématique des chasseurs.

On a retrouvé en Namibie les plus vieilles peintures rupestre de l'humanité, célébrant la chasse et attestant du mode de vie des premiers occupants de l'Afrique du Sud. Dans la religion bushmen, le Dieu créateur Kaggen est représente sous la forme d'un élan, le seul animal qui n'est pas chassé. Kaggen peut aussi prendre la forme d'autres animaux, les mantis qui sont ses avatars. Comme dans toutes les religions animistes, la vie spirituelle des Bushmens est ponctuée de chants, de danse et de cérémonies. Les plus importantes célèbrent l'entrée dans la vie adulte des jeunes, le mariage et la mort. Pour cette occasion, les femmes se parent de bijoux tissés aux couleurs éclatantes.
Les chamanes entrent en relation avec les esprits, pour protéger le clan, par le biais de transes. Leur connaissance des plantes et racines permet de soigner les membres de la tribu.
Les bushmens ont leur propre langue, dite à clic (langue Khoisan) et leur propre écriture.