
"le propre de l'artiste est non de reproduire, mais d'y ajouter du sens".
Ce n'est pas un hasard si Pierre Alechinsky, né en 1927 à Bruxelles se passionne pour le dessin et l'écriture et lie dans sa pratique artistique les deux. Gaucher, condamné à écrire de la main droite, l'apprentissage de l'écriture sera douloureux . Il écrira de sa main droite et dessinera de sa main gauche. Tout chez Alechinsky tourne autour du rapport dessin-écriture. Nous parlons ici de dessin au sens premier, faisant partie des potentiels de l'être humain et non de l'observation qui produira une reproduction du réel par le jeu de l'ombre et de la lumière. Si aujourd'hui cette notion est admise, elle ne l'était pas dans la jeunesse d'Alechinsky.
Après des études orientées sur l'illustration, et la typographie, Alenchinsky s'initie à la calligraphie japonaise, en travaillant au Japon et sous l'égide de "maitres". La calligraphie japonaise, contrairement à sa consoeur chinoise est moins codifiée. Elle laisse une place non négligeable à l'inventivivté et à la création qui passe aussi par le mot (la calligraphie japonaise repose sur une sorte de jeu de mots, difficile à comprendre pour nos esprits occidentaux).
"Le peu de ciel qui persiste coiffe votre front. L'écorce de la montagne vient plaquer sur vos yeux son grand masque. Les deux versants propices aux échos encapuchonnent vos oreilles. Il n'y a point d'homme autre que vous ? Mais le Paysage bien contemplé n'est pas autre lui même que la peau - trouée par les sens - de l'immense visage humain."
Très vite Alechinsky rejoint le tout jeune mouvement COBRA et en devient un membre très actif. Copenhague- Bruxelles- Amsterdam est né en réaction aux débats figuration/abstraction qui secouent en 1947 le monde des Arts. Même si il se dissout très vite (en 1951), son influence reste majeure et se poursuit dans l'art contemporain. COBRA prône un retour à l'art simple, populaire, primitif, enfantin. Cobra se veut proche d'un surréalisme à la Miro - qui en simplifiant la forme permet de retrouver le dessin d'enfant dans un univers onirique. Il s'inspire des thèses de Bachelard, tout en recherchant la spontanéité dans la peinture (on pense à l'action painting de Pollock). Surtout il remet en cause le statut sacré de l'artiste. "Tout le monde peut peindre et dessiner" est le mesage le plus fort des artistes du groupe, qui engagent des travaux collectifs, l'oeuvre d'art n'étant plus le fait d'un seul artiste mais d'un groupe.
L'influence de Cobra se retrouve dans la figuration Libre, et dans un certain comportement, une sorte de "déculpabilisation" de l'art qui permettra l'émergence d'une nouvelle génération d'artistes et d'expression.
Toute sa vie, Alechnisky restera fidèle à l'esprit Cobra, et le dépassera même. Illustrateur, mettant son talent au service des autres, Alechinsky libèrera la toile, ce support classique de la peinture, du sujet unique. La toile deviendra page de journal, support d'histoires multiples, avec des techniques multiples. Alechinsky travaille avec des encres, et des peintures acryliques. Leur fluidité et leur séchage rapide permettent la spontanéité. Même si il admire les recherches de Dubuffet, Alechnisky n'est pas un peintre de la matière ou de la couleur, mais de la forme. Une forme onirique, littéraire ou littérale. Pour nous entrainer à retrouver les chemins de l'enfance en nous. Et un peu plus.
Bibliographie non exhaustive
- Sur COBRA, l'ouvrage très complet de W. Stovkis aux éditions Gallimard
- de P. Alechinsky : parmi les nombreuses publications aux Editions Fata Morgana, citons "Lettre à René Char sur les incompatibilités de l'écrivain" avec G. Bataille, Vacillations avec Cioran
- une biographie de Daniel Abadie aux Editions Hazan : "Alechinsky, sources