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17 févr. 2010

Kandinsky - Schonberg



C’est assez rare dans l’histoire de l’art pour être souligné : deux créateurs le peintre Kandinsky et le compositeur Schonberg se rencontrent, échangent leurs conceptions et idées esthétiques, croisent leur destin, correspondent épistolairement.
Deux personnalités qui ont révolutionné l’histoire de la peinture et de la musique dans une même démarche de rejet ou dépassement du passé pour aller vers l’abstraction et l’atonalité.
Quand ils se rencontrent en 1911, les deux artistes ont déjà une solide culture derrière eux. Kandinsky est reconnu comme peintre novateur et Schonberg comme musicien.
Schonberg (1874-1951) se définit comme autodidacte, il a étudié le piano avec son beau-frère et est enseignant, à Vienne puis à Berlin. Il a 40 ans quand il rencontre Kandinsky, qui en a 45. Tous deux sont pédagogues et théoricien et ils viennent chacun de publier un ouvrage théorique, Du spirituel dans l’art pour Kandinsky et Structures et fonctions en harmonie pour Schonberg. S’ils se croisent lors d’un concert à Vienne, ils s’envoient mutuellement leurs œuvres.

Au début de sa carrière, Schonberg était un compositeur romantique. Influencé les grands compositeurs Bach, Mozart, Beethoven, il était un admirateur de Wagner et de Brahms. Mais très vite, il va dépasser la composition classique pour ériger un système atonal. Petit à petit, il supprime le contrepoint et l’harmonie. Mais restait le problème des sons, les 12 sons qui caractérisent la musique. Il réorganisa les sons en « composition sérielle » allant du do dièse au si dièse. Toute composition doit se baser sur une série de12 tons, dans l’ordre que l’on veut, puis être transposée. Tout le morceau créé découle donc d’une série préalablement établie, ce qui donne une méthode et un cadre aux sons, et évite la cacophonie.
La première œuvre de Schönberg écrite selon ce principe est la valse de l'op. 23. La série en était : do dièse, la, si, sol, la bémol, sol bémol, si bémol, ré, mi, mi bémol, do, fa.
En 1933, Schonberg, qui a toujours revendiqué sa judaïté dut fuir le nazisme. Il se réfugia aux Etats-Unis où il continua d’enseigner et de former des musiciens aussi différents que les compositeurs John Cage et Theodor Adorno, les chefs d’orchestre Otto Klemperer et René Leibowtiz.

Mais revenons aux relations et aux échanges entre les deux artistes.
Schonberg était assez bon peintre, il réalisait des portraits et autoportraits, et on connaît l’attirance de Kandinsky pour la musique, il avait pratiqué le piano et le violoncelle dans sa jeunesse.
Schonberg aurait pu être peintre. Autodidacte, mais admirateur de Van gogh, il réalisera plus de 200 peintures, des « visions », des portraits de face, entre symbolisme et expressionnisme, et des études d’après nature. Il exposera d’ailleurs avec le Blue Reiter, en 1911. Kandinsky publiera à l’occasion un texte sur la peinture de Schoenberg : « peintures du seulement » seulement une tête (autoportrait le plus souvent), seulement une couleur pour un paysage, seulement un personnage contre un fond. Avec la peinture, le musicien élimine les contours de la forme, se rapprochant des peintres abstraits et cubistes qui remettent en cause l’espace du tableau.
Kandinsky a toujours fait des références à la musique dans ses théories picturales. Il avait rédigé un livret pour une pièce musicale, Sonorité jaune, publiée dans l’Almanach du Blaue Reiter en 1912 avant que la musique, confiée à Thomas von Hartmann, ne soit écrite. Schopenhauer préfaça l’œuvre, influencée par le symbolisme et l’expressionnisme dans sa mise en scène et son éclairage. « Le travail scénique doit faire apparaître l’unité intérieure où la sonorité musicale, la sonorité corporelle spirituelle et la sonorité colorée font un ».
Il appuiera même l’art abstrait sur la musique, qui échappe à la contraint figurative et qui est aussi intemporelle.
Quant aux couleurs, Kandinsky les associe à des instruments de musique : le jaune terrestre serait figuré par une trompette, le bleu céleste par un violoncelle, le vert de la nature par un violon, le rouge actif par une fanfare de tubas et de timbales, l’orange par une voix de contralto, le violet triste par un basson
De son coté, Schonberg n’associa que tard peinture et musique. Dans son traité d’harmonie, il utilise le mot « espace », pour expliquer ses théories sur la musique sérielle. Il n’y a pas une ligne directrice, mais un environnement.
Toutes fois, on peut noter des corrélations entre les démarches des deux créateurs.
- la disparition, du thème (et donc de structures de notes identifiables) et de l’objet en peinture (identification au monde extérieur)
- la modification de l’accompagnement : les voix secondaires perdent leur caractère de contrepartie au thème principal, le fond du tableau ne se démarque plus par rapport à la forme
- la présence du silence en musique ou de toile laissée vierge ou blanche
- l’importance du rythme : la pièce musicale tout comme le tableau sont rigoureusement composés, les petits éléments colorés chez Kandinsky rythmant l’espace du tableau.

L’amitié entre les deux artistes, suivie par une correspondance régulière, ne durera pas. Schonberg qui ne peindra jamais de toiles abstraites, et reproche à Kandinsky certaines compositions et le gigantisme des formats. De son coté, Kandinsky n’arrive pas à lire le traité du musicien.
En 1914, Kandinsky retourne en Russie. Avec la guerre, leur correspondance s’espace.
La rupture viendra en 1923, où dans une lettre datée du 19 avril, Schonberg reproche le peu d’engagement du peintre face à la montée du nazisme et certains propos équivoques qui auraient été tenus par Kandinsky au Bauhaus. Les deux artistes se rencontreront une fois en 1927 et une dernière lettre du peintre en 1936 viendra clore une amitié entre deux fortes personnalités, liées par une évolution de l’art nécessaire, dans un siècle de perpétuelles remises en cause des pratiques artistiques.
Je remercie Monsieur JF BOUKOBZA, enseignant au CNSMP pour son aide et son étude sur les relations entre les 2 peintres