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25 févr. 2010

Séraphine Louis, peindre jusqu'à la folie. 1/2


« Je fais comme cela, j’y connais rien ».

Etrange vie que celle de Séraphine Louis, que l’on redécouvre actuellement, grâce au succès du film de Marc Provost (récompensé par 7 césars dont celui de meilleure actrice, justifié pour Yolande Moreau dans le rôle titre).

Cadette d’une famille pauvre de l’Oise, Séraphine naît le 3 septembre 1864. Sa mère meurt jour pour jour un an plus tard et la fillette est élevée par sa sœur aînée Argentine. Très jeune la fillette aide aux petites tâches ménagères, dans ce milieu pauvre et campagnard.

Après l’école, où elle est une élève appliquée mais solitaire, reconnue pour avoir des dons pour le dessin, elle garde les vaches, parcourant la nature et dessinant. Toute sa vie, elle gardera le souvenir des champs, des arbres, de fleurs et des animaux.

C’est aussi une enfant pieuse, qui voue un véritable culte à la Vierge.

A 13 ans, elle est placée comme bonne dans une maison bourgeoise de Compiègne. Nourrie, logée, blanchie, elle fera plusieurs places et effectuera ce qu’elle nomme ses tableaux noirs. Engagée comme servante au Couvent Saint Joseph de Cluny à Senlis, elle restera 20 ans au service des sœurs. Est-ce cela qui a renforcé chez elle la passion religieuse ?


En 1902, elle quitte le couvent, pour des raisons inexpliquées. Elle trouve des emplois comme servante à Senlis et à Paris.

En 1906, âgée de 42 ans, elle décide de se mettre à peintre. Pour la première fois de sa vie, Séraphine a un chez elle, une pièce modeste meublée chichement, qui lui sert d’atelier, au cœur de Senlis. On ne peut pas imaginer la modernité de ce comportement, dans le contexte et dans le cadre d’une région rurale. Que des femmes peintres aient traversé le siècle (Suzanne Valadon ou Marie Laurencin) était déjà exceptionnel, mais limité à un microcosme parisien et artiste. En tout cas, nuSéraphine Louis cherche à prendre des cours de dessin. Mais on n’enseigne pas à une servante, et elle est obligée de se débrouiller seule. En journée, elle travaille dans les maisons bourgeoises, où elle ne fait pas attention aux railleries de cette étrange bonne-peintre. Elle est même réputée aimable, serviable. Elle troque ses premières toiles contre des vivres auprès de commerçants. On ne lui connaît pas d’amoureux, si ce n’est un imaginaire Cyrille.

Mais petit à petit, au fil du temps, la personnalité quelque peu originale de Séraphine va s’affirmer. Femme vivant et s’assumant seule, s’habillant de façon peu conformiste, portant les cheveux courts, elle peint la nuit et travaille le jour. Dans une petite ville moyen-âgeuse et bourgeoise comme Senlis, elle fait figure d’excentrique. Mais il semble que Séraphine ait traversé cette période de sa vie sans se soucier de l’opinion publique, trop préoccupée par sa peinture, son désir de peindre.


Elle raconte que la Vierge lui a parlé et lui a donné l’ordre de dessiner et de peindre. On sait que la jeune femme est d’une grande piété : elle ne manquera jamais un office religieux, et dans son atelier trône une statue de la vierge. De l’encens brûle et elle peint en chantant des cantiques.


Peu cultivée, n’ayant jamais eu aucun enseignement artistique, elle peint à sa façon, des fleurs, des feuilles, des arbres, cette nature de son enfance, ce qu’elle connaît et ce qu’elle magnifie dans le langage pictural qu’elle invente. On est frappé par les talents de composition et par le raffinement des couleurs, travaillées, étudiées.

Jamais Séraphine Louis n’a révélé la composition de ses peintures. On sait que, faute de moyens, elle sera fidèle au ripolin, une peinture à l’huile qui sèche rapidement et qui est utilisée pour le bâtiment. Elle y adjoindra des pigments et d’autres produits dont de l’huile bénite, dérobée dans les églises, et plus tard des vernis.

On sait qu’elle peint par terre, et qu’elle passe en fond, une première couche de ripolin blanc. Elle dessine ensuite son motif, et superpose des couches de peinture, travaillant la matière picturale, alternant les empattements et les glacis fins. Il n’y a pas de représentation humaine dans ses tableaux, mais une nature abondante, riches de couleurs et de formes. Si le sujet apparent semble simple, peindre est comme le dirait Kandinsky, une vraie nécessité intérieure. Les couleurs sont des émotions, les formes très travaillées, évoquant les plumes des animaux, tout un monde imaginaire, sublimé.

« J’aime les couleurs, la lumière. J’aime les arbres, les feuilles, les fruits, les fleurs et les oiseaux. J’aime surtout les plumes des paons, des faisans et des pintades ».

Sans doute pour échapper à d’autres démons intérieurs ? Séraphine ne peut peindre qu’entourée d’encens, de bougies, en chantant des cantiques, dans une sorte d’environnement mystique, proche d’une forme de transe intérieure.