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26 févr. 2010
L'art des Dogons 4/9
La société des masques, l'awa, composée d'initiés, officie pour de nombreuses cérémonies qui règulent la vie des Dogons. La plus important des fêtes, le Sigi, dure 7 ans, et célèbre le renouveau des générations. Le sigi a lieu tous les 60 ans, le dernier s'est déroulé de 1697 à 1974.
Les Dogons attachent une importance particulière aux rites funéraires. La mort est la plus grande perturbation subie par la société Dogon, et les rites ont pour fonction de rétablir l'ordre social et des bonnes relations entre le monde des vivants et celui des morts.
Les funérailles
Les funérailles ont pour but d'éloigner provisoirement la question de la mort. Le cadavre, élément de contagion, est éloigné de la communauté, mais l'âme du défunt continue de vivre dans la communauté pendant la temps du deuil.
Les masques sont conviés lors des cérémonies d'inhumation qui seront d'autant plus importantes que le défunt était célèbre : prêtre, veillard, chef. Les cérémonies sont accompagnées de chants rituels, d'oraisons en langue secrète, de combats, de prières pendant deux jours et deux nuits.
Le dama
Considéré comme la fin du deuil, il a lieu plus tard dans le temps, jusqu'à deux ans après le décès. Il s'agit de restaurer l'ordre des choses dans le groupe qui subit le deuil, mais aussi d'accompagner l'âme du défunt dans l'Au-delà. Le dama marque aussi la fin des interdits sociaux liés au deuil. Selon les croyances des Dogons, il n'est pas bon de laisser des âmes errer dans le village ; elle pourraient entrainer sur le chemin de la mort les humains.
Si le dama est une cérémonie obligatoire pour tous les morts, il est codifié selon la position sociale.
Le grand dama, organisé pour la mort des hommes et de quelques femmes célèbres, sera faste : profusion de nourriture et d'alcool, cérémonies nombreuses et fabrication obligatoire de nouveaux masques.
Le petit dama concerne les pauvres et se limite à quelques cérémonies.
Cérémonie coûteuse en denrées et en bières de mil, les familles se regroupent pour organiser les damas, tous les 3 ou 5 ans.
Un rite codifié
Le dama comporte trois phases : l'organisation matérielle, notamment la préparation des repas et des boissons qui seront offerts à la communauté, la taille des masques et la confection des costumes de danse, et la cérémonie proprement dite. Le dama peut durer de quelques heures à 6 jours.
A chaque phase correspond des prières et des offrandes pour s'assurer des protections divines.
Le début du dama est annoncé par des rythmes joués sur les tambours. Puis les hommes sortent avec leur masque et se déplacent dans le village, en dansant et en chantant en langue secrète.
Pendant la période de dama, les interdits sont nombreux : interdiction de relations sexuelles pour les danseurs, interdiction de prononcer le nom du danseur et même de l'identifier sous son masque et autres interdits permettent de s'assurer de l'engagement de la communauté.
L'art des Dogons 3/9
De l'étude des masques rituels.
On doit la découverte des fabuleux masques dogons aux missions de recherches archéologiques et ethnographiques qui commencèrent au début du 20ième siècle.
En 1931, à l'initiative du Muséum national d'Hisoire Naturelle, une mission d'envergure font confiée à Marcel Griaude (la mission Djibouti-Dakar), et a donné lieu à un minitieux travail d'ethnologie. Le Docteur Griaude publia en 1938 une thèse sur les Masques Dogons, des mythes au langage spécifique des initiés le sigi so. Il a aussi étudié les différentes catégories de masques en les replacant dans leur contexte mythique et symbolique, mais sans nier le pouvoir créateur des sculpteurs. Marce Griaude explique aussi la théorie dogon de l'aura, qui à travers des rituels et des croyances diverses donne un sens spirituel à la vie et assure la cohésion sociale et la pérennité de peuple. Les artistes sont initiés à l'aura, ce qui ne les empêche pas de renouveler leur savoir faire et de rechercher d'autres formes plastiques.
Conscients de la mort, de la décomposition des corps, les Dogons cherchent avant tout à durer. En ce sens, comme l'a démontré Marcel Griaude l'art est une lutte contre la pourriture, le temps qui passe, la mort, physique et spirituelle de l'âme.
Marcel Griaude retournera en 1935 et en 1937 au Mali pour poursuivre ses études.
La société des Masques
Dans les régions de la falaise, tous les hommes adhèrent à la religion traditionnelle, l'awa. Ce terme désigne à la fois les costumes, les masques et l'ensemble des sociétaires.
Après la circoncision, le jeune homme est initié aux mythes des masques par ses aînés. Il ne pourra commencer à porter le masque qui lui correspond qu'après deux ans d'initiation, vers l'âge de 15 ans.
La société awa est hiérarchisée par l'âge. Les vieillards (mulono) forment un conseil de sages et transmettent leurs savoirs aux initiés (Olubaru) qui sont les chefs de la société des masques et qui assureront la pérennité des savoirs après la mort des anciens. Mais si les jeunes sont en bas de la hiérachie, pour maintenir un équilibre, ils ont rôle important de danseurs. L'awa est interdit aux femmes, à l'exception de la yasigine. On raconte que la femme mythique Yagemme introduisit les masques chez les hommes.
La légende de l'apparition des masques
Avant la migration qui fit quitter le pays mandé aux Dogons, une jeune fille s'éloigna du campement. Elle surprit les Andoumboulous, très petits hommes aujourd'hui disparus, qui fétaient leurs morts. Ces hommes étaient vétus de fibres rouges et portaient des masques en écorces ou en bois. La jeune femme chassa les petits hommes, et blessa le plus âgé, Albarga, qui ne peut s'enfuir. Elle vola les masques et les costumes. Rentrée chez elle, elle cacha son butin mais son mari lui reprit de force. Les hommes pensèrent que les masques des Andoumboulous étaient un moyen de domination sur les femmes. Ils se rendirent au camp des petits hommes et emmenèrent le viel Albarga qui délivra sa connaissance des masques.
Albarga expliqua aux jeunes dogons le danger de revêtir des masques sans initiation. Transformé en serpent, il surprit des jeunes en train de transgresser l'interdit et les insulta en utilisant la langue dogon et non la langue des esprits. Transgressant lui-même l'ordre établi, il perdit son pouvoir surnaturel et mourut, introduisant la mort dans le monde. Il envoya sur terre son "fantôme", le nyama. Pour le conjurer, il fallut tailler un grand masque, faire des offrandes et danser. Ainsi eut lieu le premier sigi.
Le nyama est une énergie impersonnelle, inconsciente, repartie dans toute chose : humains, animaux, végétaux, esprits. On pourrait parler d'âme même si le concept du nyama est plus subtil, parce qu'il comporte une notion d'équilibre et d'harmonie. Le nyama augmente avec l'âge.
Quand les hommes ont cessé d'être immortels, ils devinrent susceptible d'impureté et leur nyama perdit de sa force. Il ne fut plus capable de se défendre contre les nyamas des animaux chassés par les hommes. Sur les conseils des devins, les Dogons fabriquèrent alors des masques à l'image des animaux pour se protéger et faire circuler le nyama. De même lors des guerres, des masques de ennemis défunts furent sculptés. Pour fixer le nyama des défunts, les dogons sculptèrent aussi des masques pour les cérémonies du Dama qui est un rite funéraire qui a lieu après les cérémonies de funérailles et qui vise à accompagner le défunt dans l'au-délà, auprès de ses ancêtres.
On doit la découverte des fabuleux masques dogons aux missions de recherches archéologiques et ethnographiques qui commencèrent au début du 20ième siècle.
En 1931, à l'initiative du Muséum national d'Hisoire Naturelle, une mission d'envergure font confiée à Marcel Griaude (la mission Djibouti-Dakar), et a donné lieu à un minitieux travail d'ethnologie. Le Docteur Griaude publia en 1938 une thèse sur les Masques Dogons, des mythes au langage spécifique des initiés le sigi so. Il a aussi étudié les différentes catégories de masques en les replacant dans leur contexte mythique et symbolique, mais sans nier le pouvoir créateur des sculpteurs. Marce Griaude explique aussi la théorie dogon de l'aura, qui à travers des rituels et des croyances diverses donne un sens spirituel à la vie et assure la cohésion sociale et la pérennité de peuple. Les artistes sont initiés à l'aura, ce qui ne les empêche pas de renouveler leur savoir faire et de rechercher d'autres formes plastiques.
Conscients de la mort, de la décomposition des corps, les Dogons cherchent avant tout à durer. En ce sens, comme l'a démontré Marcel Griaude l'art est une lutte contre la pourriture, le temps qui passe, la mort, physique et spirituelle de l'âme.
Marcel Griaude retournera en 1935 et en 1937 au Mali pour poursuivre ses études.
La société des Masques
Dans les régions de la falaise, tous les hommes adhèrent à la religion traditionnelle, l'awa. Ce terme désigne à la fois les costumes, les masques et l'ensemble des sociétaires.
Après la circoncision, le jeune homme est initié aux mythes des masques par ses aînés. Il ne pourra commencer à porter le masque qui lui correspond qu'après deux ans d'initiation, vers l'âge de 15 ans.
La société awa est hiérarchisée par l'âge. Les vieillards (mulono) forment un conseil de sages et transmettent leurs savoirs aux initiés (Olubaru) qui sont les chefs de la société des masques et qui assureront la pérennité des savoirs après la mort des anciens. Mais si les jeunes sont en bas de la hiérachie, pour maintenir un équilibre, ils ont rôle important de danseurs. L'awa est interdit aux femmes, à l'exception de la yasigine. On raconte que la femme mythique Yagemme introduisit les masques chez les hommes.
La légende de l'apparition des masques
Avant la migration qui fit quitter le pays mandé aux Dogons, une jeune fille s'éloigna du campement. Elle surprit les Andoumboulous, très petits hommes aujourd'hui disparus, qui fétaient leurs morts. Ces hommes étaient vétus de fibres rouges et portaient des masques en écorces ou en bois. La jeune femme chassa les petits hommes, et blessa le plus âgé, Albarga, qui ne peut s'enfuir. Elle vola les masques et les costumes. Rentrée chez elle, elle cacha son butin mais son mari lui reprit de force. Les hommes pensèrent que les masques des Andoumboulous étaient un moyen de domination sur les femmes. Ils se rendirent au camp des petits hommes et emmenèrent le viel Albarga qui délivra sa connaissance des masques.
Albarga expliqua aux jeunes dogons le danger de revêtir des masques sans initiation. Transformé en serpent, il surprit des jeunes en train de transgresser l'interdit et les insulta en utilisant la langue dogon et non la langue des esprits. Transgressant lui-même l'ordre établi, il perdit son pouvoir surnaturel et mourut, introduisant la mort dans le monde. Il envoya sur terre son "fantôme", le nyama. Pour le conjurer, il fallut tailler un grand masque, faire des offrandes et danser. Ainsi eut lieu le premier sigi.
Le nyama est une énergie impersonnelle, inconsciente, repartie dans toute chose : humains, animaux, végétaux, esprits. On pourrait parler d'âme même si le concept du nyama est plus subtil, parce qu'il comporte une notion d'équilibre et d'harmonie. Le nyama augmente avec l'âge.
Quand les hommes ont cessé d'être immortels, ils devinrent susceptible d'impureté et leur nyama perdit de sa force. Il ne fut plus capable de se défendre contre les nyamas des animaux chassés par les hommes. Sur les conseils des devins, les Dogons fabriquèrent alors des masques à l'image des animaux pour se protéger et faire circuler le nyama. De même lors des guerres, des masques de ennemis défunts furent sculptés. Pour fixer le nyama des défunts, les dogons sculptèrent aussi des masques pour les cérémonies du Dama qui est un rite funéraire qui a lieu après les cérémonies de funérailles et qui vise à accompagner le défunt dans l'au-délà, auprès de ses ancêtres.
L'art des Dogons 2/9
t
La révélation de la parole
Les premiers humains s'exprimaient par des cris et des grognements. Ils reçurent la parole de Nommo, le fils du dieu créateur Amma. La légende raconte que Nommo tissait des fils de coton en utilisant sa langue fouchue comme navette. Ce faisant , il parlait et sa parole se fixa dans le tissu, soy en dogon qui veut aussi dire parole. Le premier prêtre Binou Sérou la repercuta sur son tambour et la communiqua aux hommes.
Les dogons ont une conception très précise de la manière dont la parole se forme dans le corps. Ils assimilent les dents à la navette du tisserand. La parole est composée des quatres éléments primordiaux (feu, terre, air, eau). Elle chemine dans l'air suivant une ligne hélicoïdale qui est celle de la vibration. Elle entre ensuite dans l'oreille de l'auditeur se condense et devient eau qui irrigue le corps.
Les Dogons attachent une grande importance à la voix, et les échanges verbaux sont codifiés : formules de politesse, emploi réglementé des noms de famille, interdits. La parole "douce" résoud les conflits, et facilite la vie sociale. Ue voix nasale est associée à la mort, la mort étant la non-parole.
La parole et la voix sont aussi régulateurs des relations hommes-femmes. La femme est vénérée en raison de son pouvoir fécond. Elle est donneuse de vie, pourvoyeuse d'eau et de nourriture. Mais on la considère aussi comme responsable des conflits et des querelles qui troublent l'ordre social, en liaison avec l'inceste de la légende. Toutefois le peuple dogon préconise la "bonne parole" entre les époux, l'harmonie. Les bijoux rituels (anneaux de nez, de lèvres, boucles d'oreilles) protègent contre les mauvaises paroles. Culturellement les Dogons sont bigames, avoir plusieurs femmes et donc plusieurs enfants assurant la survie du clan.
L'organisation totemique
Les 4 jumeaux descendus avec l'Arche fondèrent le peuple dogon, et ces quatre institutions.
Le premier jumeau Amma Sérou, représentant l'élément air fonda l'ordre des patriarches ou du chef, qui doit honorer l'autel des ancêtres qui est présent dans sa grande maison.
Le second jumeau Binou Sérou, élément eau, fonda l'ordre des prêtres qui honoreront les ancêtres totemiques.Chaque clan doit respecter un "ancêtre" symbolisé par un animal ou un végétal.
Le troisième jumeau Lébé Sérou qui mourut et ressucita sous la forme d'un grand serpent est associé à la terre et au cycle des saisons. Son prêtre, le Hogon est le plus vieil homme de la tribu, sorte d'autorité morale et religieuse qui veillera aux respects des cultes des semaillles. Même si son autorité est vaste, il protège et conseille l'ordre des cultivateurs.
Enfin le dernier jumeau Dyongou Sérou, élément feu, est aussi le premier humain à avoir fauté. C'était aussi le dépositaire de la médecine (et donc des plantes médicinales et autres rites de soin) qui fondera l'ordre desguérisseurs. Son culte est célébré par la société des Masques. Chaque garçon entre dans la société des masques après la cérémonie de la circonsition. Les femmes en sont exclues. Dyongou est associé à Yourougou, le Renard Mythique, qui provoqua le désordre. L'anniversaire de la mort de Dyongou est commémoré tous les 60 ans, lors d'une cérémonie spectaculaire nommée Sigui. La dernière a eu lieu en 1974. Elle marque le renouvellement des générations. Chants, danses, port des masques rituels se succèdent.
Enfin le Renard Yourougou est également fêté et honoré dans sa fonction divinatoire. Il possède son autel et des tables de divination que consultent les devins.
L'équilibre du monde
Pour les Dogons, le monde est porteur de sens. La parole a été donnée à l'homme par le Dieu Créateur. Il y aussi l'autre parole, la "parole invisible" qui s'exprime dans les formes de la nature et que l'homme doit apprendre à connaître et interpréter.
Les dogons répartissent les éléments du monde en 24 familles, ce chiffre étant fondé sur un découpage symbolique du corps humain. Il y a 24 familles de plantes, d'animaux, d'insectes, mais aussi de tissus ou de rythmes musicaux. Les voix humaines sont aussi classifiées, les 24 bonnes paroles sont associées au jumeau Nommo (les voix douces, les remerciements, les confidences), les 24 mauvaises à son frère Yourougou (les mensonges, les fausses promesses, les voix nasales, les contradictions). Chaque parole est associée à un animal, à une plante, à un mythe et à un signe graphique.
Les Dogons pensent que le dieu créateur a mis un ordre dans l'Univers et que cet ordre est régi par des lois que l'homme doit respecter, pour maintenir l'équilibre. Tous les mythes, toutes les cérémonies visent à préserver le grand équilibre cosmique, mais aussi à expliquer à l'homme la place qu'il occupe dans ce monde.
La révélation de la parole
Les premiers humains s'exprimaient par des cris et des grognements. Ils reçurent la parole de Nommo, le fils du dieu créateur Amma. La légende raconte que Nommo tissait des fils de coton en utilisant sa langue fouchue comme navette. Ce faisant , il parlait et sa parole se fixa dans le tissu, soy en dogon qui veut aussi dire parole. Le premier prêtre Binou Sérou la repercuta sur son tambour et la communiqua aux hommes.
Les dogons ont une conception très précise de la manière dont la parole se forme dans le corps. Ils assimilent les dents à la navette du tisserand. La parole est composée des quatres éléments primordiaux (feu, terre, air, eau). Elle chemine dans l'air suivant une ligne hélicoïdale qui est celle de la vibration. Elle entre ensuite dans l'oreille de l'auditeur se condense et devient eau qui irrigue le corps.
Les Dogons attachent une grande importance à la voix, et les échanges verbaux sont codifiés : formules de politesse, emploi réglementé des noms de famille, interdits. La parole "douce" résoud les conflits, et facilite la vie sociale. Ue voix nasale est associée à la mort, la mort étant la non-parole.
La parole et la voix sont aussi régulateurs des relations hommes-femmes. La femme est vénérée en raison de son pouvoir fécond. Elle est donneuse de vie, pourvoyeuse d'eau et de nourriture. Mais on la considère aussi comme responsable des conflits et des querelles qui troublent l'ordre social, en liaison avec l'inceste de la légende. Toutefois le peuple dogon préconise la "bonne parole" entre les époux, l'harmonie. Les bijoux rituels (anneaux de nez, de lèvres, boucles d'oreilles) protègent contre les mauvaises paroles. Culturellement les Dogons sont bigames, avoir plusieurs femmes et donc plusieurs enfants assurant la survie du clan.
L'organisation totemique
Les 4 jumeaux descendus avec l'Arche fondèrent le peuple dogon, et ces quatre institutions.
Le premier jumeau Amma Sérou, représentant l'élément air fonda l'ordre des patriarches ou du chef, qui doit honorer l'autel des ancêtres qui est présent dans sa grande maison.
Le second jumeau Binou Sérou, élément eau, fonda l'ordre des prêtres qui honoreront les ancêtres totemiques.Chaque clan doit respecter un "ancêtre" symbolisé par un animal ou un végétal.
Le troisième jumeau Lébé Sérou qui mourut et ressucita sous la forme d'un grand serpent est associé à la terre et au cycle des saisons. Son prêtre, le Hogon est le plus vieil homme de la tribu, sorte d'autorité morale et religieuse qui veillera aux respects des cultes des semaillles. Même si son autorité est vaste, il protège et conseille l'ordre des cultivateurs.
Enfin le dernier jumeau Dyongou Sérou, élément feu, est aussi le premier humain à avoir fauté. C'était aussi le dépositaire de la médecine (et donc des plantes médicinales et autres rites de soin) qui fondera l'ordre desguérisseurs. Son culte est célébré par la société des Masques. Chaque garçon entre dans la société des masques après la cérémonie de la circonsition. Les femmes en sont exclues. Dyongou est associé à Yourougou, le Renard Mythique, qui provoqua le désordre. L'anniversaire de la mort de Dyongou est commémoré tous les 60 ans, lors d'une cérémonie spectaculaire nommée Sigui. La dernière a eu lieu en 1974. Elle marque le renouvellement des générations. Chants, danses, port des masques rituels se succèdent.
Enfin le Renard Yourougou est également fêté et honoré dans sa fonction divinatoire. Il possède son autel et des tables de divination que consultent les devins.
L'équilibre du monde
Pour les Dogons, le monde est porteur de sens. La parole a été donnée à l'homme par le Dieu Créateur. Il y aussi l'autre parole, la "parole invisible" qui s'exprime dans les formes de la nature et que l'homme doit apprendre à connaître et interpréter.
Les dogons répartissent les éléments du monde en 24 familles, ce chiffre étant fondé sur un découpage symbolique du corps humain. Il y a 24 familles de plantes, d'animaux, d'insectes, mais aussi de tissus ou de rythmes musicaux. Les voix humaines sont aussi classifiées, les 24 bonnes paroles sont associées au jumeau Nommo (les voix douces, les remerciements, les confidences), les 24 mauvaises à son frère Yourougou (les mensonges, les fausses promesses, les voix nasales, les contradictions). Chaque parole est associée à un animal, à une plante, à un mythe et à un signe graphique.
Les Dogons pensent que le dieu créateur a mis un ordre dans l'Univers et que cet ordre est régi par des lois que l'homme doit respecter, pour maintenir l'équilibre. Tous les mythes, toutes les cérémonies visent à préserver le grand équilibre cosmique, mais aussi à expliquer à l'homme la place qu'il occupe dans ce monde.
L'art des Dogons 1/9
Le peuple Dogon du Mali ne cesse de nous fasciner, par ses mythes, ses rites et le magnifique paysage dans lequel ils évoluent. La société des masques et le culte des morts restent aujourd'hui encore très vivants, entraînant de nombreuses créations plastiques. Si le sculpteur Dogon d'aujourd'hui ne dipose plus des modèles anciens, détruits ou vendus, il s'inspire toujours des mythes de son peuple, et renouvelle les formes d'un art traditionnel.
C'est une escale en pays Dogon, si cher à Michel Leiris que je vous propose pour quelques chapitres.
Un peu d'histoire-géo
Les dogons représentent 5% de la population du Mali, repartis dans la région administrative de Mopti, au sud-ouest de la boucle du Niger. Coupé par une immense falaise de 200 km de long, on distingue 3 régions :
- le plateau rocheux difficile d'accès qui descend vers la plaine du Niger,
- la falaise coupée de failles et dont la base est recouverte des célébres éboulis aux sommets desquels des villages ont été bâtis,
- la plaine qui s'étale vers l'est du Burkina où l'implatation des Dogons est plus récente.
Les traditions tribales restent les plus fortes dans les villages de la falaise, notamment dans la région de Sanga. 30 000 personnes y vivent encore. On pense que les Dogons se sont réfugiés dans cette zone aride pour fuir des guerres plus au Nord. Mais la légende raconte qu'avant de partir, en creusant la tombe d'un ancêtre, un grand serpent apparut et leur montra le chemin en avançant sous la terre. Les Dogons se répandirent dans la région d'où ils chassèrent les anciens habitants, le peuple Kurumba qui vit au Burkina voisin. Il semble aussi que les Dogons aient repris les mythes et les formes d'art du peuple chassé, qu'ils respectent et fêtent, pour implorer leur clémence.
La création du Monde
Les légendes et la philosophie des Dogons reposent sur des mythes qui évoluent selon les époques. Toute la tradition se transmet de façon orale, s'enrichit et se transforme. Les travaux des ethnologues et les récits des anciens permettent de présenter aujourd'hui une histoire de la création du monde selon les Dogons, assez proche de l'âme de ce peuple.
Le Dieu Amma créa le monde. Il possédait une pensée créatrice et était doté d'une "parole" contenue dans sa salive. Après un premier essai, Le Dieu Amma ne conserva que les quatres éléments (feu, air, terre, eau), et usa de sa parole pour créer un "oeuf du monde" d'où naquit une entité féminine, nommée Mère du Monde. D'une union avec la Grande Mère naquirent deux couples jumeaux mixtes. Le jumeau mâle se rebella et quitta le monde de la Mère, sans sa jumelle, ce qui préfigura les naissances uniques.
Devenu Ogoyne, littéralement "homme fécond", le jumeau descendit de l'obscurité primordiale en emportant avec lui un morceau de l'oeuf qui devient la Terre. Puis, conscient de sa solitude, il erra dans l'espace à la recherche de sa jumelle. Il la chercha dans l'Oeuf du monde, et commis un inceste avec sa mère qui provoqua déluges et malheurs sur la terre. Le Dieu Amma transforma ce fils indigne en renard, Yourougou, voué à l'obscurité et à la quête éternelle de sa jumelle perdue. Dans le Ciel, il est Sirius, satellite tournant autour de notre planète sans jamais l'atteindre.
Yourougou le renard en sortant de l'Oeuf Primordial a emporté les signes graphiques et donc le langage. On ditrqu'il a "volé" la parole à Dieu. Furieux Amma lui trancha la langue. Toutefois, le renard peut s'exprimer par ses pattes et les traces qu'il laisse. Aux devins de lire l'avenir dans ses pas.
Amma sacrifia son autre jumeau mâle Nommo pour purifier l'univers. Le sang qui coula donna naissance aux astres, aux plantes et aux animaux. Le plus petit élément de l'Univers (une graine de fonio, sorte de blé) éclata et forma un arche dans laquelle Amma plaça Nommo ressucité et quatres nouveaux couples de jumeaux, qui sont les ancêtres de tous les humains. L'arche descendit sur terre par une chaine de cuivre, et en tombant sur la terre, elle provoqua la première pluie purificatrice. Nommo enseigna à ses frères et soeurs l'art de l'agriculture et le respect de la nature.
Navajo 8/8
La voie de l'Eau est très peu pratiquée aujourd'hui. Elle ne se déploie que sur 5 nuits. Les chanteurs lui préfère sa soeur jumelle, la Voie de la Grande Etoile qui est une des "filiations" de la Voie du Projectile. Comme toujours, le héros suit un parcours initiatique, fait d'erreurs, d'épreuves, aidés par les Etres sacrés. Il prendra surtout conscience de son état d'homme, ni bon, ni mauvais, naviguant entre ses forces et faiblesse. Il deviendrat à son tour un Etre Sacré qui enseignera aux hommes l'immatérialité, et leur indiquera les différents chemins qui mênent à la quête spirituelle. Cérémonie de revitalisation par excellence, elle met en scène le Coyote, animal ambigu, tentateur, imaginatif et double. N'est-ce pas lui qui a donné au peuple navajo le feu, mais qui a aussi provoqué le déluge ?
Assise sur un rocher de Black Mesa, je contemplais l'étrange beauté de ce paysage infini. Ce n'est qu'un désert, mais j'en fait partie. Ce n'est qu'un vent de sable mais j'en fais partie aussi. De ma roche jusqu'à l'infini rayonne la beauté, et son rayonnement ne cesse d'augmenter. Hozhone haaz' dlii. Hozhonz haaz' dlii.
A ajouter des ouvrages déjà cités
- Michel Foucault et la médecine, de P. Atières, aux éditions Kimé - 2001
- Dictionnaire amoureux de l'Amérique de Y. Berger aux Editions Plon - 2002
- Enquête sur les savoirs indigènes, de S. Crossman aux éditions Calman Lévy
- Les navajos, de H. Haussman - éditions Le Mail
- Hoosteen Klab, homme médecine et peintre sur sable de F.J. Newcomb aux éditions Le mail
- Rituels de guérison chez les Navajos de D. Sandner - Editions du Rocher
- Le livre des indiens Navajos - collectif - Editions du Rocher
Navajo 7/8
Nous l'avons dit, ils existent de nombreuses cérémonies de guérison chez les indiens navajos. Elles ne sont pas toutes pratiquées, certaines demandant une maitrise et de longs apprentissages.
Organiser un rituel de guérison est coûteux pur la famille du malade. Il faut payer le chanteur et ses assistants, les héberger mais aussi inviter les amis, les membres du clan qui vont y participer. Les très grandes cérémonies qui durent sur plusieurs jours sont l'occasion de fêtes mêlant cérémonies rituelles divertissements. La consommation d'alcool bat des records, et si de gros efforts sont fait pour limiter ce fléau (l'introduction d'alcool par des touristes est interdite dans la Grande réserve) il n'en reste pas moins un souci constant des autorités.
Aussi, les cérémonies plus intimes ont tendance à se developper.
La Voie du Vent raconte l'histoire des vents qui sont chez les Navajos le principe même de la vie dans sa manifestation macrocosmique. Au sein du microcosme humain, ils parcourent le corps, animent les poumons et le coeur. C'est la cérémonie de guérison destinée à ceux qui souffrent de maux circulatoires. Il y a encore une cinquantaine d'années elle durait 9 nuits et 8 jours. Mais elle est prodiguée aujourd'hui de façon plus restreinte. Toute la poésie navajo se retrouve dans la multitude des vents cités : Petits vents de la Montagne du Yucca, Vent Jaune de l'Ouest, Vent rouge et Vent gris, Vent rayé, Vent gaucher. L"homme médecine capte la puissance fulgurante mais destructrice du vent, pour enseigner aux hommes les grands souffles qui traversent l'univers et l' y raccorder, dans l'harmonie.
Navajo 6/8
La mystérieuse voie du projectile
Nous l'avons dit, la médecine navajo considère l'ensemble de l'individu malade, et vise à restaurer un équilibre.
Le philosophe et médecin Georges Ganguilhem dans sa thèse de médecine en 1943, est l'un des premiers à concevoir une approche de la maladie assez différente des thèses en cours : "nous estimons que le pouvoir et la capacité de se rendre malade sont une caractéristique essentielle de la philosophie humaine". Une idée très "navajo".
La voie du Projectile est la racine et la clé de toutes les croyances navajos. Voie majeure, initiatrice, elle relie les puissances matérielles et spirituelles, le corps et l'esprit. On fait appel à cette cérémonie lorsqu'un individu a perdu le goût de vivre, ou lorsqu'il souffre physiquement de maux mystérieux que l'on appellerait "somatisation" dans la médecine occidentale. Elle se déroule sur 9 nuits, parfois seulement sur cinq, et comporte une branche masculine et une branche féminine. Elle a été décrite par des antropologues en 1922.
Femme-qui-change donna naissance aux deux Jumeaux, Tueur de Monstres conçu avec le Soleil et Né de l'Eau, conçu par la pluie. Les deux jumeaux ignorent leur filiation paternelle et se mettent en quête de la trouver, après des épreuves terribles. Le Soleil finalement les reconnait et leur fait cadeau de la médecine et des armes nécessaires pour débarasser la terre de ses monstres. Emerge alors le peuple des hommes médecines. Femme-qui-change, qui, sans cesse passe, de la jeunesse à la vieillesse reconquiert alors sa beauté et une éternelle jeunesse.
De nombreuses peintures de sable viennent illustrer à chaque épisode de la légende. Le rose, mélange du blanc de la paix et du rouge du danger est largement utilisé, pour signifier l'équilibre entre les différentes forces en présence. Le chanteur travaille dans le sens contraire à la course du soleil, comme pour retarder le temps, repousser les limites. Les peintures ne se bornent pas à illustrer. Certaines comportent des substances médicinales, et font la liaison entre le patient et son mal. Ici, les structures classiques des peintures sont trrangressées : l'arc en ciel protecteur est remplacé par des serpents, on y évoque des cycles de mort et de renaissance, par l'alternance des couleurs noires et roses.
Il s'agit ici plus que d'un soin, mais d'une sorte de traitement préventif général. Certains observateurs pensent que cette voie pourrait s'adresser aux capacités immunitaires menacées, ou même avant qu'elles ne le soient.
Rarement exécutée car elle demande une très grande maîtrise du chamane, la Voie de la Nuit n'a pas révélé tous ces mystères. On y vit, on y meurt, mais sans jamais perdre la capacité de guérir et de renaître à soi-même dans un état où l'équilibre sera restauré. Et les inversions et transgressions dans l'éxécution des peintures peuvent laisser supposer que cette cérémonie touche au mystère même de la vie.
Celui que l'on instruit je suis
Dieu qui parle, je suis
Que les pollens de l'aube, du crépuscule et du petit tourbillon de terre m'instruisent
Puissé-je marcher parle pollen de l'oiseau bleu, du ciel et rayon de soleil
Rendu à la beauté, puissé-je être sur le chemin de la connaissance.
(chant de Femme-Qui-Change)
Bibliographie
- G. Ganguilhen, le Normal et le pathologique aux PUF - 1979
Le texte "l'idée de guérison" a été publié dans La Nouvelle Revue de Psychanalyse - Paris, printemps 1978
- Michel Foucault, Naissance de la Clinique - Puf
Peintures de sables de Fred Stevens
- FJ Newcom : Hoosteen Klah aux éditions Le mail (le chant de Femme-Qui-Change).
- G. Ganguilhen, le Normal et le pathologique aux PUF - 1979
Le texte "l'idée de guérison" a été publié dans La Nouvelle Revue de Psychanalyse - Paris, printemps 1978
- Michel Foucault, Naissance de la Clinique - Puf
Peintures de sables de Fred Stevens
- FJ Newcom : Hoosteen Klah aux éditions Le mail (le chant de Femme-Qui-Change).
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