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26 févr. 2010

Art tribal : Zuni 2/2


La religion est d'une importance capitale pour tout indien zuni. Toute sa vie est ponctuée de rites et cérémonies à travers l'organisation sociale qui en découle.
Dès la naissance, chaque individu possède sa propre voie, un chemin spécifique qui si il est bien suivi ménera à une existence longue et saine. Cette voie est encadrée par des esprits "Les gardiens du Chemin" qui donnent le souffle à la naissance de l'enfant. Toute sa vie, l'individu devrait honorer les esprits tutélaires, par la contemplation, la méditation et la participation aux cérémonies.

Une société clanique matriarcale
Le foyer maternel est l'unité social et religieuse de première importance chez les indiens zunis. Comme chez les Navajos, l'enfant appartient au clan de sa mère et suivra donc les recommandations de ce clan toute sa vie. Le clan paternel intervient au niveau des relations sociales et du soutien dans les moments de crises.
Il existe quatorze clans matrilinénaires, représentés par un totem et en portant le nom (Clan du Coyote, du Tabac, du la Grenouille). Chaque clan descend du même ancêtre commun, et le mariage est interdit entre les membres du même clan, parce qu'incestueux.
A cette organisation clanique se superpose une organisation religieuse, formée de 6 groupes religieux masculins ou kivas. Deux ordres de prêtres officient, les Prêtres-de-la-pluie et les Prêtres de l'Arc au rôle plus politique.
Enfin, il existe 10 confréries d'hommes ou de femmes chamanes, ayant chacune sa spécificité.
Le bon ordre de la société est assuré par les prêtres qui établissent un calendrier religieux. AInsi, chaque période de vie est marquée par des cérémonies individuelles (entrée dans l'âge adulte, mariage, naissance d'un enfant) et collectives, afin de bien insérer l'être dans sa fratrie, son village et plus globalement le monde entier.

Une mythologie complexe
Le monde selon les Zunis est la création d'un être originel. L'univers comporte 6 points cardinaux, représentant les 6 kivas, et symbolisé par une couleur : jaune au nord, bleu à l'ouest, rouge au sud, blanc à l'est. Le zénith est muticolore, le nadir est noir. Ces 6 points représentent des mondes, antérieurs ou supérieurs, dans lequels vivent des animaux, et de deux catégories d'êtres, les humains "le peuple du jour", et les esprits "le peuple cru" capable de changer d'apparence mais ayant la même structure sociale que les humains.
Parmi les esprits, les Kokkokwe ou kachinas sont des êtres surnaturels qui entretiennent des relations privilégiées avec les humains. Parmi les autres créatures surnaturelles citons les nawe (les âmes des animaux qui vivent dans un lac sacré), les Chipia (esprits possédant le pouvoir de guérison), et les animaux qui sont associés à une direction.
Tous les êtres surnatuels viennent porter secours aux zunis, en cas de maladie par exemple.
Leur représentation sculptée sert de fétiches.

la danse des kachinas
Parmi tous les esprits vivant dans les mondes zunis, certains sont plus importants et se manifestent de façon cyclique, donnant lieu à des cérémonies.
Ainsi Shi-tsukia, le kachina tout blanc et Kwelele le Kachina tout noir sont fétés en début d'année car porteur de feu et de lumière. Les Atoshle esprits ogres, rendent visite aux enfants trop turbulents et une cérémonie vient remettre dans le droit chemin les chérubins pas très sages.
Toute la vie des zunis est rythmée par la visite des kachinas, parfois taquins, parfois hostiles, toujours reliés à des légendes où le merveilleux l'emporte, mais qui sont aussi une façon de souder la société, d'éduquer les enfants dans le respect de certaines valeurs, de maintenir vivantes les légendes,
Les cérémonies ont pour fonction de conter à nouveau les légendes, les participants étant costumés et portant des masques à l'effigie des esprits qu'ils représentent. Toute une imagerie symbolisée par les poupées -qui sont à la fois objets de cultes, fétiches, satuettes, offrandes s'est créée au fil des ans. Il en existe encore aujourd'hui plus d'une centaine, aussi divers que possibles.

Un cérémonial codifié
La religion zuni est précise, rigide et formelle. l'étude des rituels, des prières, chants et danse se fait sur tout une vie. Il faut lune longue pratique pour devenir prêtre. Ce n'est quà la vieillesse que l'on acquiert la sagesse et si toute la vie d'un zuni est jalonnée d'études et de cérémonies, c'est aussi dans le but de les transmettre à ses enfants. De plus les zunis attachent une très grande importance au déroulement des cérémonies ; une prière mal dite, un rituel mal exécuté peuvent avoir des conséquences néfastes.
Les fétiches sont omni-présents dans la vie des ashiwis. Les statuettes individuelles sont souvent à l'effigie d'un animal totemique et apportent chance et protections. Les fétiches appartenenant au clan sont gardés par la femme la plus âgée, et sont jamais montrés aux étrangers.
Les offrandes sont très courantes. Dans la vie quotidienne, une infime portion de nourriture est dédiée aux esprits du clan. Lors des cérémonies, bâtons de prière et plumes votives sont offerts. Les plumes sont élaborées à partir de bois, de plumes d'oiseaux bien précis selon le rituel, de coton filé et de plantes médicinales. La farine de prière composée de maïs concassé, de fragements de coquillages, de turquoise, mais aussi le pollen, le miel et la tabac font aussi partie des offrandes.
Chaque individu doit respecter des interdits selon la période de sa vie, interdiction de se rendre sur tel lieu saint, de manger tel aliment. De nombreuses cérémonies de purification ont lieu, incluant le jeune et la méditation.
Chaque individu doit se plier aux règles religieuses et surtout respecter le culte des kachinas, des esprits de son clan. Il doit connaitre les danses appropriées, savoir fabriquer les masques et les poupées.

L'imbrication entre vie sociale et vie religieuse est forte et si la pratique de la religion semble contraignante, elle a permis et permet encore aujourd'hui aux zunis de garder une stabilité interne et de protéger leur culture unique. Complexe, mêlant le surnaturel à la médecine shamanique, la religion zuni vise à lier l'individu non seulement dans sa communauté mais aussi à un univers mouvant et changeant. Lui permettre de s'y sentir bien sans jamais y perdre son âme.

Art tribal : Zuni 1/2


Les indiens Zunis vivent sur la Grande Réserve Navajo, dans une enclave au Nouveau Mexique.

Le peuple errant

Les mythes de la création du monde, selon les Zunis, sont une succession d'aventures de leur peuple à travers le temps et les épreuves. De nombreuses légendes relatent les différents épisodes du peuple ashiwis (le nom que les zunis se donnent dans leur langue), faits de guerres mais aussi de rencontres amicales avec d'autres peuples, toujours à la quête d'un pays idéal.
Selon le mythe les ashiwis vivaient dans un univers instable, où dieux, humains, animaux parlaient la même langue. Ce peuple, doté d'une queue et de membres palmés vivaient dans les ténèbres. Les fils du Soleil, les Jumeaux sacrés, emmenèrent le peuple ashiwi sur terre. Mais le monde était encore changeant et la terre se mit à trembler, et de ses entrailles sortirent des monstres. Les Jumeaux guidèrent le peuple plus à l'ouest, vers la route du soleil, à la recherche du pays Coeur du Monde. Les Dieux Jumeaux tuèrent les monstres et consolidèrent l'écorce terrestre. Tout ceci prit du temps et le peuple se sépara en tribus : Peuple-du-soleil, Clan blaireau, Peuple-Tortue, Clan des Ours.
Allant toujours plus à l'ouest, les Ashiwis rencontrèrent un peuple, le Peuple de la Rosée, qui n'était pas hostile. Le plus bel indien épousa 7 filles de ce peuple et donna naissance aux Jeunes-Filles-Maïs qui veillèrent sur les récoltes de cette plante sacrée.
Le temps passa et les ashiwis avaient oublié leur quête du pays Coeur du monde. Lors que la terre trembla à nouveau, ils songèrent à repartir. Un des prêtres envoya son fils sur le chemin de la terre promise. Il ne revint jamais et les ashawis durent reprendre la route.
Ils marchèrent jusquà un large fleuve. Les femmes entrèrent dans l'eau en portant leurs enfants dans leur bras. Hélas, elles perdirent pied et les enfants tombèrent au fond du fleuve, se changeant en poissons. Entrainés vers un lac sacré, ils devinrent esprits, kachinas.
Arrivées sur l'autre rive, les femmes pleurant leurs enfants perdus, ne voulurent pas repartir. Alors, émus, les Dieux Jumeaux fabriquèrent des petites poupées et les donnèrent aux femmes en leur exliquant que leurs enfants, devenus esprits, seraient toujours avec elles. Le peuple se remit en marche et après d'autres aventures, il s'installèrent près d'un petit cours d'eau (le fleuve Zuni) et s'éparpillèrent dans les collines et les vallées. Sept villages furent construits tout autour de leur territoire.


Le Territoire Zuni
Les légendes zunis font état de migrations, ponctuées de guerre et de rencontres avec d'autres peuples. Les découvertes archéologiques semblent confirmer ces histoires mythiques.
On pense qu'une branche des anasazis, indiens pueblos, s'est installée sur les rives du fleuve zuni et y bâtirent des hameaux qui devinrent des cités, souvent défensives, mais très organisées. Vers 1550, les voyageurs espagnols parlèrent des 7 cités de Cibola comme d'importantes agglomérations, jusqu'à déformer la réalité pour parler de cités luxueuses où l'eau qui coule était de l'or et les trésors inimaginables..

Malgré les excursions espagnoles, les guerres avec d'autres tribus indiennes (navajos et apaches), la colonisation blanche et les épidémies de variole, les zunis ont pu garder leur territoire, leur langue, leurs coutumes et leurs croyances.
En 1934, leur territoire est protégé sous le nom de Zuni Indian Reservation.
Le conseil tribal, élu au suffrage universel gère les affaires de santé, et intervient dans le domaine social. Ils sont 6500 à vivre sur leur territoire, le long du ruisseau zuni, au Nouveau Mexique.
L'artisanat est la deuxième source de revenus après les emplois salariés : fabrication d'objets rituels mais aussi travail de la pierre, et le sertissage en or ou argent.
Bien intégrés socialement dans la société américaine, les zunis gardent toute fois un sens religieux élevé. Leur religion ancestrale, faite de rites et de cérémonies est bien vivante, qui s'accompagne d'une vision du monde qui leur est propre.
Les kachinas sont des poupées rituelles créées par les Indiens Zunis et Hopis dont le territoire est enclavé dans la Grande Réserve Navajo dans le sud-ouest des Etats Unis.

Des ancêtres mystérieux

Les indiens hopis et zunis descendent des anasazis (mot navajo signifiant ancien). Ce peuple, apparu il y a 20 000 ans, serait sédentarisé il y a une dizaine de millénaires, dans le Sud Ouest américain, de l'Utah au nord du Mexique (province de Mogollon), peu après la dernière glaciation (dit glaciation du Wisconsin). De chasseurs, les anasazis deviennent cultivateurs (vers 5 000 av JC) et construisent des villages en briques et terres.
Chassés par les peuples venant du Mexique et par d'autres tribus, les Hitsasinoms (nom hopi) se réfugièrent d'abord dans une vallée verdoyante du Colorado (Meza Verde) puis sur la falaise, la meza, où ils construirent des habitations troglodytes.

Vers 1300 après JC, ils se déplacent vers l'Arizona, au Sud, et finissent par disparaître. La raison de cet exode est inconu à ce jour : guerres, bouleversements climatiques, maladies, les causes peuvent être nombreuses.
Ce peuple, métissés aves des indiens du mexique et des populations précolombiennes régna sur un territoire immense, répartis sur quatre à cinq états américains et mexicains.
De nombreux vestiges archéologiques ont été retrouvé dans ce grand ouest. A noter des peintures sur les roches, réprésentant animaux et végétaux, des spirales (que l'on retrouve dans l'art précolombien, et qui symbolisent la ronde du soleil ou des planètes).
Les Anasazis rendaient un culte à un dieu créateur, et à des esprits "les kachinas", sans doute des ancêtres. Les cérémonies rituelles - destinées à invoquer les esrpits. Des "chapelles", nommées Kivas, de forme ronde, étaient construites, les plus grandes pouvant accueillir plus de 100 personnes.
Grande civilisation, ayant développé un artisanat riche (tissage du coton, poterie), construit des canaux d'irrigations pour leur champs et su s'adapter aux climats changeants, les anasazis fascinent les américains, et le mystère de leur disparition fait toujours l'objet de recherches.

Les Kachinas zunis
Figurines sculptées dans les kivas, ces chambres secrètes de culte, elles représentent un esprit et le costume que le danseur portera lors des cérémonies religieuses.
Avant 1860, les kachinas produites étaient uniquement des objets de cultes, qui ne sortaient pas des territoires hopis et zunis. Mais les émigrants se sont intéressés à ces statuettes si originales, en les achetant ou en pillant les réserves indiennes. Les Indiens ont donc produit "industriellement" des kachinas, sans relation avec les mythes et les cultes auxquelles elles se rattachent, pour satisfaire clients, collectionneurs et touristes. Il y aurait 800 types de kachinas, alors que les authentiques sont bien moins nombreuses.
Actuellement les Hopis fabriquent toujours des poupées rituelles, les cultes se pratiquant toujours.
En France on doit à André Breton, à Marc Ernst et à Marcel Duchamps d'avoir très vite reconnus dans les kachinas de véritables sculptures aux qualités plastiques.

Art Tribal, Chowké


Les cultes des hambas et de Chibinda
L
e peuple Chokwé vit dans un territoire immense à la frontière de l'Angola et de la République démocratique du Congo. Quelques tribus vivent en Zambie. Selon la légende, les Chokwe descendent de l'empire Lunda, dont l'ancêtre mythique Chibinda Lunga rest omniprésent dans la mythologie de ce peuple.
Ses représentations sous forme de statues de guerriers ou de chefs abondent.
L'art des Chokwé, comme l'art ethnique en général repose sur deux piliers : l'art séculaire, et l'art religieux.
Peuple conquérant, ayant soumis d'autres tribus, les Chokwé connurent un âge d'or, juste avant la colonisation portuguaise du début du 20ième siècle. L'art est alors mis au service du pouvoir royal : trônes, sceptres, armes, bijoux, mobilier finement sculptés témoignent du raffinement de ce peuple. Cet art de cour allait décliner avec la période coloniale et le partage du territoire Chokwé entre portuguais, belges et britanniques.

Seul l'art religieux a pu survivre, de façon appauvrie certes en raison de la main mise sur les richesses du pays par les occidentaux, mais les techniques ont été protégées par les "tagis" , les prêtres.

L'art rituel des Chokwé est complexe

les paniers du Tagi
D'une part on trouvera les objets de culte destinés aux devins. En aucun cas les devins ne prédisent l'avenir mais soignent les maux et les malheurs, en expliquant les causes possibles du mal, en s'adressant au "hamba" , l'esprit tutélaire invoqué. Le tagi utilise un panier divinatoire, fabriqué par les femmes, à parti du tressage de l'arbustre sacré mukenge, orné de peaux, de grelots et de peintures rouges et blanches. Les hochets ou misambo contenus dans le paniers symbolisent les attributs des hambas. Le devin interprête le message du hamba dans des buts de guerison.

Les statuettes des cultes de chasse et de fertilité
Parmi tous les esprits hambas, certains sont particulièrement célébrés. Peuple chasseur, les chokwé invoquent régulièrement les esprits de la chasse et de la fertilité. Très souvent, ceux-ci sont honorés par des batons de bois peints, présents dans chaque village, souvent plantés à coté d'un arbre qui fait office d'autels. Des offrandes y sont déposées: pièces de tissu, petites figurines, amulettes contenant des plantes médicinales. Les hambas sont célèbrés lors de cérémonies publiques, avec chants et danses rituelles.

Les satutes de Chibinda Llunga
Les repésentations du dieu-héros Chibinda sont considérées par les collectionneurs et les professionnels comme de véritables chéfs d'oeuvres. Nous l'avons dit, cette figure mythique est omniprésente dans la culture des Chokwé.
Selon la légende, le prince Chibinda, un chasseur de l'ethnie Luba épousa la princesse lunda Lueji. Il fonda le peuple des Chokwé et lui enseigna l'art de la chasse, de la guerre et de la magie.
Figure imposante, Chibinda est toujours représenté avec une barbe saillante, une coiffe, et des attributs guerriers, arc, flèche, couteau, plus tardivement fusil. Il est circoncis selon la coutume.
Parfois représenté tenant des enfants dans ses bras, ou avec son épouse, il incarne le principe masculin, la puissance solaire. Il faut dire que le rôle de la femme chez les Chokwé est réduit à la reproduction, et la seule initiation qu'elles recoivent est celle de la fécondité, avec des prières à la lune, qui représente, comme dans d'autres civilisations l'esprit féminin.
Avant l'ère colonial, les chefs étaient vénérés. Outre leurs pouvoirs politiques, militaires et judiciaires, ils sont investis du pouvoir divin. A eux de célébrer les ancêtres devenus esprits, d'enseigner aux jeunes adultes l'art traditionnel de la chasse et les rituels de possession mais aussi de la fertilité.
Les effigies de Chibinda étaient possession des chefs qui devaient l'honorer. Seuls les meilleurs artisans avaient le droit de sculpter ces statues qui devaient évoquer la puissance (bras, mains et pieds proéminents), et le recueillement.

Les masque en bois des rituels de ciconcision
Même si les masques chokwé sont très divers, par les expressions qu'ils suggèrent, ils sont la plus part du temps peints dans les 3 couleurs rituelles : noir, blanc, rouge (femme, homme, esprit). Fabriqués en bois, en fibres végétales, tissu, papier, ils interviennent dans la mukanda, l'initiation des jeunes garçons. Toujours portés par des hommes, il existe des masques féminis (pwo) scarifiés et des masques masculins (chihongo). Ce sont ces derniers, plus puissant et plus abstraits qui sont utilisés lors de la cérémonie de circoncision. Ils étaient brûlés à la fin de la cérémonie, coutume vite abandonnés par les artisans.
Le masque (ainsi que le costume traditionnel) symbolisent d'autres réalités, des messages d'un autre monde, celui des esprits et du divin en ce mode. Il a une existance propre, car il est "chargé" de pouvoir et de puissance.
Les masques sont toujours fabriqués aujourd'hui. Chaque artiste, selon sa créativité, diversifiera les motifs, les couleurs et les matériaux employés. Hormis les masques chihongo qui doivent rester sobres, il n'y a pas de codes spécifiques de représentation. Le masque ne prend vie que lors des cérémonies rituelles.
Riche, diversifié, complexe aussi, l'art Chokwé a dominé l'afrique orientale pendant des siècles. Même si les plus belles pièces sont aujourd'hui visibles dans les musées, la tradition des masques et des statuettes "domestiques" continue, pour prolonger une religion encore pratiquée par quelques tribus. A l'abri des regards occidentaux.

Bibliographie
-
Chokwé de Boris Wastiau, aux éditions 5 Continents
- le numéro spécial de la revue Arts d'afrique Noire, N° 19
- L'art chokwé, ouvrage collectif aux Editions Dapper


Art tribal : la statuaire Songyé


Les Songyé vivent dans les régions du Katanga et Kasï de la république du Congo. Apparenté au peuple Luba, ils produisent néanmoins un art riche et innovant.

La statuaire Songyé regroupe 2 types de travaux. D'une part les masques, de l'autres des statues. Ici, l'art a une vocation thérapeutique.

1/ Des statues magiques ou mankishi

Chaque statue représente une maladie et une protection. Les statues sont particulièrement recherchées par les collectionneurs, non pas pour leur beauté, mais parce qu'elles renferment des "bishima" dans leur ventre, sortent d'amulettes confectionnées par les sorciers (les ngangas), à partir de substances animales, végétales ou minérales. La statue représentera le mal à combattre ou la protection à donner.

Le sorcier est considéré comme un intermédiaire entre les esprits (les Nkisi). Les "offrandes" placées dans le corps des statues représentent le monde spiritiuel. Le monde matériel est figuré par la statue en elle-même et doit donc être en harmonie avec le message caché. Aussi le sculpteur incluera dans la fabrication de la statue des éléments minéraux ou végétaux. Les Songyé sont passé maitre dans l'art d'utiliser clous, plumes, fibres, peaux.

Par ailleurs des statues de petites tailles sont souvent présentes dans chaque foyer songyé. Ornées de cornes, avec un ventre proéminent, elles ont un rôle de protection du foyer.

2/ l'expressivité des masques

Mais l'art Songyé prend toute son ampleur dans les magnifiques masques, à l'expressivité si humaine. Toute la gamme des sentiments humains figurent dans ces masques imposants. On distingue toute fois 2 sortes de masques :

- les masques striés, qui sont les plus répandus et que l'on confond parfois avec les masques Luba. Le bois est sculpté et strié, parfois peint selon les couleurs rituelles des Songyé. Ces masques sont aussi nommés Kifwébé.

- les masques à clous (ou plaques de métal) qui sont typiques de l'art Songyé. Sans doute parce que le forgeron a une place importante dans la vie de ce peuple. Ces masques sont assez rares.

Les masques se portent lors de cérémonies. Seuls les ngangas, les chefs, les chasseurs et les forgerons sont habilités à les porter. Le masque s'anime par la présence de l'homme. Il symbolise une demande de protection, contre les intempéries, les famines.

L'art Songyé est un art profondément mystique et profondément humain.La matière devient esprit (le bishimba), pour relier l'homme à l'invisible.

Pour en savoir plus

- l'excellent ouvrage de référence de François Neyt, "La redoutable stautaire Songyé d'Afrique Centrale

- la revue Tribal Art que l'on trouve dans les bibliothèques

Art tribal : l'élégance Képlié


C'est encore en Afrique que nous poursuivons notre parcours des arts premiers. Après l'étrange statuaire Songyé, nous partons pour l'Afrique de l'Ouest, sur les traces des masques Senoufo.

Les Sénoufo sont une ethnique de plus de 1,5 millions de personnes, répartis sur la Côte d'Ivoire, le Mali et le Burkina-Fasso. Ils parlent le séné, et ont 5 tribus fondatrices, représentées par un animal.

L'art est sacré chez les Sénoufo, et seuls les initiés peuvent le pratiquer. Le N'Poro est un société secrète qui regroupe des shamanes, des sorciers, des chefs de tribu. Seuls les hommes sont initiés, pendant 3 phases de 7 ans chacune. Les objets rituels sont également utilisés selon le grade. Très actif, le N'poro a permis la sauvergarde des statues et des objets d'arts, non seulement du peuple Senoufo mais de toute l'Afrique occidentale, pendant la deuxième guerre mondiale notamment.

Les Senoufo créent des masques (qui sont sacrés) de deux types.

Les masques dit Kponyugu, antropomophes qui servent dans les cérémonies rituelles et les masques dit kpélié qui sont certainement, par leur finesse parmi les plus beaux de l'art africain. Ce sont aussi les plus imités, pour satisfaire le marché de l'art, toujours friand de "l'exotisme africain".

De forme éliptique, le masque Kpélié représente un visage féminin frontalement scarifié (référence à la sexualité et à la fertilité de la femme). Il symbolise le passage à l'état supérieur du N'Poro, celui de l'union avec la "Terre-Mère".

Chaque masque Kpélié comporte sa propre symbolique (présence de crete, d'animal) et détermine à quel groupe social ou à quelle fonction il appartien. Ainsi les masques calao est propre aux forgerons, les masques représentant un caméléons aux tisserands..

Avec leur figure allongée, leurs yeux étirés en forme de fente, et la délicatesse de leur trait, les masques Kpélié, le plus souvent sculptés dans un bois sombre, invitent au calme, au recueillement.

Pour en savoir plus

l'Art africain sous la direction de Jacques Kerache, éditions Citadelles- Mazenod

- Kpélié, un ouvrage poétique de l'écrivain Pierre Bergounioux aux éditions Flohic (avec de très belles photographies)

L'art sacré sénoufo: Ses différentes expressions dans la vie sociale par B Holas

- et toujours la magnifique revue Tribal Arts.

Art tribal : les voduns fons


Le peuple Yoruba compe plus de 20 millions de personnes réparties du sud ouest du Nigéria jusqu'au Bénin. C'est la plus grande communauté d'Afrique noire actuellement, au passé riche et aux tradtions très ancrées dans la vie quotidienne.

Les yorubas se divisent en très nombreuses tribus. Si les religions musulmanes et catholiques sont les plus présentes sur le territoire, l'ancienne religion yoruba est encore pratiquée par certaines tribus. Nous allons nous intéresser aux Fon, qui vivent aujourd'hui au Bénin (ancien Dahomey). Selon la légende, le royaume Fon fut créé par la fille du roi de Tado, une Yoruba qui, venue chercher de l'eau dans la forêt, rencontra l'esprit léopard. De leur union naquit Agasu, ancêtre de tous les Fon. Les descendants d'Agasu fondèrent la ville sainte d'Allada.

L'art des Fon a été longtemps perçu comme une synthèse de ceux des ashanti, yoruba, ewe et comme un art de cour comprenant des callebasses gravées, des récades ou bâtons de commandement utilisés lors de cérémonies officielles.
Outre l'art de la cour, les Fon ont adopté les "vodun " mot yoruba signifiant dieu, exportés au Brésil et en Haïti en même temps que les esclaves. Le culte vodun comprend un ensemble de rites de possession destinées à mener l'adepte à un état de transcendance où il sera dominé par le dieu concerné. Les rites permettent de prendre contact avec le monde surnaturel, avec les dieux. Le panthéon des Fon comprend le Dieu suprême Mawu, puis des dieux de la nature ainsi que des ancêtres de clans. Parmi les dieux les plus célébrés : Legba, messager de Mawu représenté par un baton sculpté, Hévioso, dieu du tonnerre, Gu, celui de la guerre.
Les prêtres, les vodunnons sont initiés pendant de longues années aux différents rites et danses. Chaque prêtre est rattaché à une divinité, dont il portera les objets (bracelets, coiffes) et les scarifications qui lui sont attachés. Au terme de son enseignement, il entre dans une nouvelle vie où il fait corps avec sa divinité.

botchio
A chaque rite corespond une statuaire spécifique, qui doit être excutée selon des consignes précises transmises par les prêtres et accompagnés de bénédictions.
Ainsi, le botchio est fabriqué par le forgeron du village à partir d'un tronc d'un abre sacré. . Placé à l'entrée du village ou de la maison, le bochio protège ses habitants en éloignant les rôdeurs et les revenants.

On trouvera également à l'entrée de chaque village des fétiches en terre, les yeux faitde cauris, qui représentent une divinité.
Dans certaines cases, des statuettes d'argiles et de fer forgé (les xweli) représentent les dieux de la maison, et recoivent des offrandes.

Plus étranges, dans les lieux d'initiation au vodun, les sculptures en terre sont recouvertes de matériaux qui lui confère sa puissance : clous, plumes, poils, amulettes, os, oerles, le tout reliés par des cordellettes et recouvertes l'accumulation d'une croûte épaisse formée par les offrandes : sang d'animal, vin, bière, huile. Jamais gratuites, ces " accumulations " d'origine animale ou végétale font référence à une pouvoir réel ou imaginaire .

Enfin, les fétiches et objets rituels des Fon ne sont pas commercialisés, en raison de leur pouvoir magique.
Actuellement le culte du vodun est encore très pratiqué au Bénin et dans certaines région du Nigéria.

Bibliographie
- l'art du Bénin, de Paula Ben-Amos, aux éditions Rive Gauche production
- Les Botchio en civilisation béninoise - revue Tribal Art N° 20 -pages 97-115.
enfin sur l'art royal du Bénin : Bénin, trésor royal d'Armand Duchateau aux éditions Dapper.

Art tribal : l'art des Fang


L'art sculptural des Fang (Afrique Equatoriale) est sans doute le plus connu car le plus exposé dans les musées occidentaux. Art rituel, qui influença les plus grands artistes de Picasso à Derain, il a aujourd'hui disparu.

Les Fang sont un groupe ethnique reparti sur 3 pays : le Cameroun, le Gabon et la Guinée Equatoriale. Probablement venus d'une région de plateaux, ils ont traversé les fleuves Nyong et Shanga du Cameroun pour s'installer dans les terres avoisinantes. La plus grosse communanuté s'est installée au Gabon où aujourd'hui 30% de la population est de souche Fang. Divisés en plusieurs tribus, ils étaient majoritaires aux début du 20ième siècle.
Peuple nomade, l'organisation sociale des Fang se faisait d'abord au sein de la famille, le nda bot, regroupé en villages confiés à l'autorité d'un chef, souvent un guerrier ou un religieux qui lui même faisait partie d'une confrérie d'initiés. Assez secrète, la société Fang semble avoir rejetté la hiérarchie - hormis en temps de guerre pour protéger son territoire.

La religion Fang est complexe. Elle se divise en une mythologie légendaire et en des croyances animistes, où le cultes des ancêtres tient une grande place.
Un dieu, créateur du monde visible Mebeghe donna naissance à Nzame (ou Zambe) le premier homme et à sa soeur Nyingono Mebeghe, la première femme. De l'inceste du premier couple naquirent les maux de la société. Néanmoins, Nzame fut considéré comme le héros civilisateur des humains, auxquels il enseigna la chasse, la culture, la métallurgie. Il est aussi le fondateur de tous les clans fang. Contrairement à d'autres civilisations africaines, les figures mythiques ne sont jamais représentées dans l'art fang.

En effet tous les cultes fang tournent autour des ancêtres, le byeri. Les reliques des ancêtres étaient honorées et parées de poudres colorées, parfois de métal, afin de protéger la famille et de favoriser la chance et la fertilité. Les reliquaires étaient des coffres en écorce cousue, décorés soit de statuettes en pied assises sur le coffre, soit, le plus souvent, de visages aux grands yeux incrustés de cuivre. Derrière ces yeux, étaient placés de discrètes inclusions au pouvoir magique, mélanges d'herbes ou fragments osseux, le plus souvent des dents.
Les statues du byeri étaient aussi utilisées lors des rites de melan, rite d'intégration clanique et familial. D'autres statues de grandes tailles étaient aussi utilisées.
Les reliques étaient sacrées et objets de nombreux rites, le plus connu étant celui du ngil qui utilisait des ossements humains (pour récuperer la force du défunt et le détourner de sorcelleries néfastes dans l'au-delà. Des grands masques étaient de bois (asu ngi) à figure humaine stylisée, parfois portant des cornes étaient utilisés. Ces cérémonies furent interdites par les colonisateurs.

Figure centrale de la religion traditionnelle, les ngengan, les chamanes étaient à la fois de devins et des guérisseurs. Eux seuls pouvaient fournir les fétiches bénéfiques ou byan, ayant chacun un rôle de protection précis, en liaison souvent avec un animal sacré (serpent, antilope, torture, gorille). Ils étaient aussi considérés comme les initiateurs des jeunes, lors de cérémonies aux rites complexes (la cérémonie du so qui peut être interprétée comme l'entrée du jeune homme dans la vie sociale). A ces occasions des effigies, des masques et des statues venaient compléter les chants et danses.

Dans l'art de Fang, tous les objets sculptés sont à vocation rituelle. Vivant dans la grande forêt équatoriale, ils ont privilégié l'usage du bois, du bambou et des fibres végétales. Gens de l'oralité, les Fang transmettaient de génération en génération leurs coutumes, croyances et symboles en l inscrivant partout comme des rappels ces signes de l'univers communs des morts et des vivants : sur leur propres corps, tatoués, parés de coiffes et bijoux, sur les murs de leurs maisons peintes, sur leurs armes et sur leurs sculptures et masques.

Chaque sculpteur a bénéficier d'une liberté totale de représentation. Toutefois on note l'importance du visage, qui symbolise le crâne de l'ancêtre, la proéminence du torse par rapport aux autres membres (signe de fécondité), et la rondeur des épaules, centre de la force. Les masques blanchis au kaolin, (le blanc est ici couleur de la mort) en forme de coeur, ornés de scarifications bien précises (dont hélas la symbolique a été perdue) sont les plus connus. Les sculpteur mba étaient aussi des forgerons, qui étaient initiés non seulement à leurs techniques mais aussi aux secrets des rites. Certains étaient très réputés et reconnus comme de très grands artistes. On pense souvent, à tort que l'art africain est anonyme
Les bois utilisés, bois tendres comme le dzile ou l'ekuk, étaient recouverts de pigments colorés pour les patiner et les foncer. L'ébène, bois dur, n'était employé que pour la fabrication de très petits objets. Le bois rouge, le padouk, très recherché, était uniquement utilisé pour fabriquer les instruments de musique, tambours ou lames de xylophone.

Après le passage du colonisateur, la culture Fang a été disséminée dans le monde et dans les musées des plus grandes villes occidentales. Toutefois, de jeunes sculpteurs gabonnais cherchent à faire revivre les techniques anciennes et le travail du bois si hautement maitrisés par ce grand peuple.

Bibliographie
- l'ouvrage de référence Fang de Louis Perrois, collection Visions d'Afrique aux éditions Cinq continent
- Fang, ouvrage collectif aux éditions Dapper
- l'Art fang de Louis Perrois, aux éditions Cercle de l'Art
- Pierre-claver zeng et l'art poetique fang : esquisse d'une hermeneutique de Marc Mve Bekale (Auteur) aux édition l'Harmattan